9 juin 2017

Premier tour des élections législatives 2017 : Emmanuel Macron, ce « Jupiter » si français

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Il n'est pas possible de changer l'ordre social dans un pays sans comprendre les mentalités : c'est toute la question de la culture qui se pose en effet. Voilà ce que montre parfaitement tant l'élection d'Emmanuel Macron aux élections présidentielles que le raz-de-marée électoral en sa faveur annoncé aux élections législatives dont le premier tour se tient ce dimanche 11 juin 2017.

Souvenons-nous de ce qui se passait il y a peu : le mécontentement était très grand, François Hollande était indéniablement impopulaire. La colère sociale grondait.

Et pourtant, Emmanuel Macron qui est sa continuité encore plus libérale a triomphé. La presse le surnomme même parfois « Jupiter ». Le capitalisme se voit, subitement, accordé une grande reconnaissance générale, l'espoir d'une France puissante a fait disparaître nombre de doutes.

C'est un revirement impressionnant, qui n'a rien de paradoxal : c'est tout à fait cohérent pour qui connaît les mentalités françaises.

C'est là, de fait, la faute à une vision du monde très pragmatique, très machiavélique, dans l'esprit de Richelieu. Seuls les résultats compteraient, les idées devraient se soumettre et les idéologies disparaître.

Une fois le président de la Ve République élu comme « monarque » temporaire, tout doit s'effacer devant lui, au nom de l'efficacité. Napoléon III s'en vantait de la manière suivante au XIXe siècle :

« Quel gouvernement que le mien ! l'Impératrice est légitimiste, Napoléon-Jérôme républicain, Morny, orléaniste ; je suis moi-même socialiste. Il n'y a de bonapartiste que Persigny : mais Persigny est fou ! »

Tout cela est encore plus vrai s'il y a du panache. Or, il y en a dans l'attitude d'Emmanuel Macron face à Donald Trump au sujet du réchauffement climatique, aussi vide qu'elle ait été sur le plan du contenu, a eu un succès retentissant.

Par conséquent, au nom de l'intérêt national, les Français devraient alors aplanir leurs divergences. Discuter, oui, des idées, d'accord, mais il ne faudrait surtout pas de raisonnement fixé une bonne fois pour toutes, de doctrine établissant le bien et le mal, ce qui est juste et ce qui est erroné.

La droite et la gauche devraient s'unir, sur le terrain. Les grandes conceptions du monde seraient une aberration ; les Français, fascinés par « la mesure », qu'ils associent au refus du conflit idéologique, rejettent par conséquent tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une doctrine.

Il n'y a donc plus de place même pour le Parti Socialiste ou bien Les Républicains. Il faut des entités en mouvement, comme la « France Insoumise » de Jean-Luc Mélenchon.

Tout doit relever de l'esprit collaboratif, de l'esprit d'entreprise, dans un esprit de négation des divergences.

Il s'agirait, tout comme Jean Jaurès et Pierre-Joseph Proudhon l'ont fait, de pratiquer non pas « un devient deux », mais « deux devient un », c'est-à-dire unir les contraires, chercher le « meilleur » en étant ouvert à tout et son contraire.

Napoléon, Napoléon III, le Maréchal Philippe Pétain, le Général Charles De Gaulle sont des exemples historiques significatifs de cette tendance à la négation des grandes idées, au nom de l'efficacité sur le terrain national.

Bien entendu, cette tendance est le produit de l'échec du protestantisme face au catholicisme, ainsi que d'une relecture bourgeoise réactionnaire des Lumières, alors résumées à Voltaire et au libéralisme.

Cela a tout à voir avec la « France profonde », ce bastion petit-bourgeois qui neutralise tout ce qui existe en France.

Emanuel Macron la rassure par sa neutralité apparente ; il est propre, sans aspérités, engageant et sachant se tenir.

C'est sur cela que s'est brisée Marine Le Pen lors du débat télévisé de l'entre-deux tours. Le calme d'Emmanuel Macron face à ce qui a été considéré comme un acharnement et de la grossièreté a eu un succès immense.

Pas d'idées, pas de fond, mais une belle forme, voilà qui plaît à la France dans ce qu'elle est de superficiel, de rétrograde, d'arriérée. C'est une véritable soumission à une gestion de « père de famille », et que celui-ci soit jeune et dynamique est d'autant mieux !

La jeunesse d'Emmanuel Macron est ici un atout majeur dans la flatterie que la France s'accorde à elle-même ; voilà qui fait plaisir aux Français, dans leur vision petite-bourgeoise du monde, dans leur conception bornée de l'Histoire où il s'agirait de se laisser conduire par un « monarque ».

Emmanuel Macron rassure par ses contradictions : c'est un homme se positionnant à gauche mais ayant été banquier, c'est un « progressiste », au sens d'un libéral complet dans les mœurs, qui sait soutenir les chasseurs ; c'est un ancien ministre de l'Économie d'un gouvernement se définissant de gauche qui nomme un Premier ministre de droite une fois élu président.

Et dans l'ordre des choses, ce Premier ministre qui est un ancien cadre d'Areva nomme Nicolas Hulot comme ministre de l'Écologie.

Emmanuel Macron a aussi très bien joué, d'ailleurs, en présentant comme un renouvellement de la vie politique l'initiative de son mouvement « La République en marche ! », dont le nom officiel est d'ailleurs « l'Association pour le renouvellement de la vie politique ».

Et qu'importe aux Français, si en réalité, c'est surtout une invasion des membres des cabinets ministériels qui s'imposent au premier plan, dans un grand lessivage institutionnel. Au contraire même, cela les rassure d'autant plus : le changement, sans le changement, voilà qui est si français.

Et tant qu'on ne comprend pas la nature de cette mentalité, comment espérer changer l'ordre social, mener la révolution dans notre pays ?

Il faut défendre l'héritage culturel national qui est démocratique d'un côté et de l'autre combattre les mentalités arriérées qui bloquent toute avancée révolutionnaire. 

Voilà pourquoi les dossiers de lesmaterialistes.com sont essentiels. Ils fournissent les clefs pour briser les mentalités arriérées, pour comprendre par où passer pour avancer réellement.

 

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