6 oct 2011

Les valeurs patriarcales du sport capitaliste : l’exemple spécifique du rugby

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La coupe du monde de rugby se déroule en ce moment en Nouvelle-Zélande.

En France, la pratique du rugby est surtout développée dans le Sud-ouest. Ce sport, inventé en Angleterre, est très répandu dans les anciennes colonies britanniques : Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande et Australie. Cela ne tient pas du hasard car la pratique du rugby était promu par l’armée britannique comme forme de cohésion, de solidarité dans l’effort et le combat. La notion de « combat » est toujours présente aujourd'hui dans ce sport et revêt une forte dimension nationaliste.

C’est aussi cette dimension nationaliste qui explique l’implantation du rugby dans le Sud-ouest de la France, territoire marqué par le « républicanisme de gauche » à la Jaurès et l’attachement chauvin au « terroir ». Le rugby a ainsi profité dans le Sud-ouest de l’aspect culturel social-féodal qui favorise la rivalité « virile mais correcte » entre villes ou villages très proches où l’on accentue volontiers le folklore des particularismes locaux (accents, habitudes de langage, nourriture) dans un contexte de « querelle de clochers », tout en soulignant une proximité culturelle et amicale (entre hommes).

Le social-féodalisme se traduit entre autres par la revendication des valeurs patriarcales de transmission, « de génération en génération », « de père en fils », « en famille ». Toujours dans la même veine sociale-féodale, le rugby ne pourrait être réduit à une simple technique, il serait une forme de culture « génétique » inaccessible à ceux qui ne sont pas « nés dedans ». Ainsi, il est dit que « le rugby ne s’apprend pas, il se transmet ».

Les « dynasties » du rugby font donc partie intégrante de l’histoire de ce sport en France : les frères Boniface (surnommés les « Boni ») à Mont-de-Marsan, les frères Albaladejo à Dax, la famille Cambarerabero, etc.

Le rugby s’est donc forgé une image de convivialité ancrée dans la ruralité, conservant un esprit d’amateurisme, malgré l’arrivée du professionnalisme en 1995.

La série de bandes dessinées « Les rugbymen » (ed. Bamboo) transcrit cette ambiance de petit village vivant au rythme du club du rugby, une atmosphère chauvine et conviviale où chaque personne est affublée d'un diminutif affectueux et où les rancœurs ne sont pas tenaces. Les éditions Bamboo se sont d'ailleurs spécialisées, avec des auteurs différents mais au style très proche, dans l'évocation d'une France du terroir, « bon enfant » et de ces « acteurs » incontournables comme les gendarmes, les pétanqueurs ou encore les pompiers.

Les histoires de la bande dessinée « Les rugbymen » se déroulent dans un village au nom prédestiné de Paillar qui veut souligner le penchant pour un humour « grivois mais gentil ». La description au dos de chaque album témoigne d'un attachement au chauvinisme folklorique de « gaulois », à l'écart de la modernité et résolument hostile au monde « aseptisé » anglosaxon :

"Lorsque vous quittez la nationale, continuez à travers champs. Vous finirez par apercevoir le clocher de Paillar. Dans ce village où le rugby est roi, même les rond points sont ovales ! 
L'équipe de Paillar n'a peur que d'une chose, c'est que des Anglais mal intentionnés transforment l'Albala-Digeo, le bar local, en salon de thé !" 

Sport véhiculé par l’armée en Angleterre, « sport de voyous joué par des gentlemen » (à la différence du football « sport de gentlemen joué par des voyous »), le rugby est censé incarner des valeurs de fraternité virile entre hommes capables de se filer des gnons sur le terrain pour ensuite finir au pub ensemble.

De la même manière, l’image du rugbyman en France est celle du grand costaud, du bon vivant qui sait manger, boire et « s’amuser ». Le rugby se targue ainsi d’être l’antithèse du football, sport pourri par le fric avec des stars ayant perdu le sens des réalités. Cette bataille d’image entre le football et le rugby, largement surjouée, reflète la différence de classes sociales dans la pratique des deux sports. Le football est en grande partie joué dans les masses populaires alors que le rugby, en raison de ses valeurs et sa légitimité « nationaliste », est davantage pratiqué par la petite-bourgeoisie. Sur le plan international, l’Afrique du Sud en est un exemple flagrant avec son équipe nationale de football composée essentiellement de Noirs et son équipe nationale de rugby essentiellement de Blancs.

En vérité, le rugby colporte les mêmes valeurs patriarcales que les autres sports capitalistes, notamment le football.

Les villes de rugby connaissent bien les troisièmes mi-temps de joueurs, les beuveries, les dragues appuyées et les inévitables plaisanteries sexistes.

De la même manière, il ne faut pas s’étonner du scandale qui frappe aujourd’hui l’équipe d’Angleterre pendant la coupe du monde de rugby en Nouvelle-Zélande. Trois joueurs de l’équipe d’Angleterre, James Haskell, Dylan Hartley et Chris Ashton ont dérobé le talkie-walkie de la femme de chambre Annabel Newton à leur hôtel de Dunedin. Ils ont ensuite « joué » avec l’appareil et rivalisé de remarques salaces à l’encontre d’Annabel Newton qui tentait de récupérer son talkie-walkie.

Pour mieux souligner leur volonté délibérée d’humiliation, ils l’ont filmée avec un téléphone portable tandis tout en continuant de lui adresser des propos extrêmement vulgaires et d’embrayer sur une plaisanterie du même acabit. Hartley, portant juste une serviette autour de la taille, a proposé de lui faire un « baiser australien » (« Australian kiss ») précisant qu’il s’agissait d’une fellation « aux Antipodes » (« Down under » en Anglais, expression souvent utilisé en périphrase pour désigner l’Australie, cf. la chanson des années 80 « Down under » - très connue en Australie - du groupe « Men at work »).

Rien qu’à la description de la scène, on imagine très bien le comportement de ces trois rugbymen tant il est typique des hommes sportifs en groupe, se permettant souvent des réflexions déplacées à haute voix sur les femmes qui passent dans leur champ de vision.

Aux Etats-Unis, les statistiques montrent que les viols sur des étudiantes sont commis à 40 % par des étudiants en sport.

Or, la brutalité patriarcale des sportifs est plus facilement tolérée par l’idéologie dominante car les sportifs correspondent à des symboles de virilité, issus d’une sélection naturelle social-darwiniste et érigés en modèle dans le cadre de la « guerre de tous contre tous » du capitalisme.

Ainsi, dernièrement, l’affaire Brandao à Marseille a été rapidement étouffée. Le joueur brésilien était accusé d’avoir violé une jeune femme de 24 ans dans la nuit du 1er au 2 mars. Le club lui a offert un ticket de sortie vers le Brésil, histoire d’évacuer au plus vite l’affaire, en profitant d’un laxisme judiciaire bien opportun (après deux jours de garde à vue, Brandao n’avait pas interdiction de rester sur le territoire français).

Dans le capitalisme, les sportifs évoluent dans un monde décadent reflétant la putréfaction capitaliste, peuplé de call-girls, de luxe ostentatoire et d’attributs dignes de la mafia.

Dans le capitalisme, le sport est une compétition malsaine qui exacerbe les valeurs patriarcales dominantes.

Le sport ne peut redevenir un jeu sain, permettant au corps de ressentir des sensations et célébrant l’internationalisme que dans le socialisme !

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