13 mai 2012

Mélenchon à Hénin-Beaumont : un coup de poker qui va servir le fascisme

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Après trois jours à faire monter le buzz, Jean-Luc Mélenchon a fini par annoncer sa candidature aux législatives dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais ce Samedi 12 Mai. Cette candidature est un "coup" que tente Jean-Luc Mélenchon. Au poker, on dirait qu'il "fait tapis" présentant tous ses jetons d'un seul coup sur un grand bluff pour rafler la mise.

Mais qu'il l'emporte ou non, une chose est sûre : ce coup de Mélenchon servira immanquablement le fascisme.

Jean-Luc Mélenchon a, en effet, de multiples objectifs qui justifient ce parachutage. Et le fait de se retrouver en face de Marine Le Pen n'est que la cerise médiatique sur le gâteau se rajoutant à cela.

Après son score moyen aux élections présidentielles, Jean-Luc Mélenchon cherche de quelle manière il pourra peser encore dans la vie politique française. Par conséquent, le Front de Gauche lui cherchait un point de chute pour les législatives. Après avoir été sénateur puis député européen (mandat qu'il exerce encore) Jean-Luc Mélenchon se verrait bien en porte-parole d'un groupe parlementaire du Front de Gauche à l'Assemblée Nationale. Ce qui lui conférerait un rôle politique naitonal de premier plan.

Ce qu'on appelle le "parachutage" est un de ces aspects détestables de la politique bourgeoise qui montre à quel point l'Etat et ses institutions sont tout sauf au service des masses. Dans la démocratie bourgeoise, les masses n'exercent pas le pouvoir, mais les politiciens s'appuient sur elles pour tirer leur légitimité. Les députés qui votent les lois sont donc sensés représenter un "territoire", les masses d'un endroit précis. Ceci est conforme à la mystique traditionnelle du nationalisme français de l'ancrage dans un terroir.

Les politiciens professionnels doivent donc se trouver un lieu qui puissent leur servir de base et justifier leur légitimité. Quitte pour cela à aller dans une région ou une ville qu'ils ne connaissent pas et avec lesquels ils n'ont absolument aucun lien. C'est par exemple ce qu'a fait François Hollande en allant en Corrèze, Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, etc. Les moins hardis allant se présenter dans des circonscriptions simples à gagner tant les rapports de force y sont favorables à leur camp politique - comme par exemple Henri Guaino qui va se présenter dans une circonscription qui vote très largement à droite.

Jean-Luc Mélenchon n'échappe pas à cette règle et recherchait une circonscription avec un rapport électoral très favorable à la gauche. C'est pour cela qu'avant Hénin/Carvin avait été envisagé qu'il se présente à Marseille, à Montpellier ou en région parisienne dans des circonscriptions favorables à la gauche où le Parti Socialiste était faible ou dans une situation interne complexe.

La circonscription d'Hénin/Carvin répond aussi à ces critères. Jean-Luc Mélenchon y a fait des scores au dessus de sa moyenne nationale aux présidentielles et la gauche y a toujours été très largement majoritaire. En effet, les députés PS de ce qui aujourd'hui est la 11ème circonscription avaient été élus avec à peu près 60% des voix chacun ; et c'est aussi le score qu'a réalisé pratiquement dans toutes les villes de cette circonscription François Hollande lors du deuxième tour des élections présidentielles.

Le P"C"F est encore assez fort dans cette partie du bassin minier et est à la tête d'une des villes de la circonscription. Et le Parti Socialiste, quant à lui, est très largement divisé et discrédité par de nombreuses affaires de corruption et de malversations diverses. L'ancien maire d'Hénin-Beaumont, Gérard Dallongeville, a été destitué par l'Etat et se trouve assigné à résidence dans les Vosges à la suite de scandales financiers répétés. Cette situation est d'ailleurs une des raisons de la percée locale du Front National qui a fait de la dénonciation de la "mafia socialiste" son cheval de bataille depuis plusieurs années.

Jean-Luc Mélenchon utilise la sensation d'urgence que ressent une partie de la population de la circonscription d'Hénin-Carvin pour se présenter.

En effet, les minorités, les personnes progressistes ou tout simplement démocrates qui habitent dans les villes de la circonscription sentent bien que le fascisme est en train de l'emporter. Ils savent que le Front National, par le biais de la candidature de Marine Le Pen, a de très fortes chances d'emporter pour la première fois l'élection du fait large discrédit de la gauche locale suites à ces affaires de corruption et à ses divisions internes. Et ils savent que cette victoire ne sera que la première de toute une série dans la région, aux municipales entre autres.

Jean-Luc Mélenchon et le P"C"F ont donc soigné le spectacle de son arrivée comme candidat. Ils ont fait monté le buzz pendant plusieurs jours en mettant en avant l'idée que partout en France, des comités locaux appelaient Jean-Luc Mélenchon comme un sauveur, se déchiraient pour qu'il soit leur candidat.

Et particulièrement à Hénin-Beaumont où l'appel émanait du candidat communiste, Hervé Poly, qui est le secrétaire départemental du P"C"F du Pas-de-Calais, donnant ainsi une légitimité supplémentaire à la candidature de Jean-Luc Mélenchon.

Ainsi, Jean-Luc Mélenchon se retrouve dans la position du "champion" de la gauche venant la sauver de la catastrophe.

Cet aspect spectacle est d'ailleurs tout à fait assumer par Jean-Luc Mélenchon qui promet "un combat homérique" avec Marine Le Pen. Combat qu'il pense tout de même gagner d'avance du fait de la configuration locale fortement à gauche.

Jean-Luc Mélenchon cherche avant tout à soigner son image, à écrire sa propre histoire dans une perspective narcissique d'arrivée au pouvoir. Car c'est bien de cela dont il est question. Jean-Luc Mélenchon avait annoncé après les présidentielles : "dans dix ans je serais au pouvoir, vous verrez". Il ne se bat pas pour son Parti ou pour le socialisme, mais pour sa carrière.

Se présenter à Hénin/Carvin lui permettra de s'entourer d'un aura prolétarienne - ce que cherche d'ailleurs aussi à faire Marine Le Pen.

Un des objectifs de Jean-Luc Mélenchon en se présentant à Hénin/Carvin est de finaliser son OPA sur le P"C"F et d'en lancer une sur la gauche du Parti Socialiste.

En étant "appelé" comme sauveur par Hervé Poly, Jean-Luc Mélenchon fait taire les dernières critiques qui pouvaient encore circuler à son égard dans le P"C"F. En effet, le P"C"F du Pas-de-Calais, et Hervé Poly au premier chef, militait pour une candidature à la présidentielle d'une personne émanant du P"C"F et ne voulait pas d'un ex-socialiste pour les représenter. En le présentant comme "le meilleur des nôtres" lors de la conférence de presse du 12 Mai, Hervé Poly a tout simplement affirmé son allégeance définitive à Jean-Luc Mélenchon et entériner celle totale du P"C"F.

Le Parti Socialiste connaît aussi une situation particulière dans le Pas-de-Calais que Jean-Luc Mélenchon connaît très bien.

La fédération socialiste du Pas-de-Calais s'était prononcé majoritairement pour le Non au référendum de 2005. Et Jean-Luc Mélenchon, qui était encore au Parti Socialiste à l'époque, y a déjà des relais. Par exemple, Marie-Noëlle Lienemann, qui est maire-adjointe d'Hénin-Beaumont et une figure nationale du Parti Socialiste, faisait partie de son courant interne au Parti Socialiste et a mené le combat pour le Non en 2005 à ses côtés. Elle est aujourd'hui une animatrice des courants les plus "à gauche" du Parti Socialiste.

Jean-Luc Mélenchon a bon espoir de se retrouver candidat unique de la gauche aux législatives et de commencer à morceler le Parti Socialiste en mettant en orbite les courants les plus à gauche qui ne manqueront pas d'être déçus par la politique que va mener François Hollande.

En fait, Jean-Luc Mélenchon mène une stratégie assez conforme à celle qu'il a appris lorsqu'il était encore militant trotskyste : créer une force permettant de "peser" à gauche sur le Parti Socialiste. Il pense que dans un premier temps il faut construire une force réformiste "radicale" en parole afin de tirer la politique du gouvernement social-démocrate vers la gauche. Et si possible, finir par récupérer les masses déçues du Parti Socialiste pour arriver peut-être un jour au pouvoir.

En choisissant particulièrement de débarquer dans le circonscription d'Hénin/Carvin, Jean-Luc Mélenchon sait aussi qu'il sera au centre des médias tout au long de la campagne des législatives asseyant ainsi un peu plus son aura nationale.

En effet, sa "joute" avec Marine Le Pen ne peut qu'être forcément ultra-médiatisée. Deux dirigeants politiques, ex-candidats à la présidentielle qui jouent l'un et l'autre sur un style populiste, c'est assez inédit et propice au spectacle. D'autant plus que Jean-Luc-Mélenchon ne va pas manquer de nourrir le show par des "petites phrases" très régulièrement.

On le voit Jean-Luc Mélenchon court plusieurs tactiques en même temps en se présentant dans la circonscription d'Hénin/Carvin et la lutte contre la progression du fascisme n'en est en fait qu'un aspect accessoire. Il pense pouvoir s'auréoler d'une victoire symbolique contre Marine Le Pen qui lui permettra après avoir été le "champion de gauche" du Pas-de-Calais de se présenter comme le "champion antifasciste" aux yeux des masses de France pour la prochaine présidentielle.

Mais tout cela, il le fait sans contenu réel, car il pense le combat mathématiquement gagné d'avance et donc n'avoir qu'à se donner une image en préparant son avenir politique.

C'est là un jeu très dangereux auquel joue Jean-Luc Mélenchon !

Tout d'abord parce que s'il était battu, c'est Marine Le Pen et donc le fascisme qui auront obtenu une victoire symbolique d'une portée inespérée. Marine Le Pen, et donc le fascisme, pourront s'auréoler d'être les seuls vrais représentants du peuple et accélérer ainsi leur dynamique de conquête des masses puis du pouvoir.

Et même en perdant, Marine Le Pen en sortira renforcer en attaquant la gauche "communiste" et le "drapeau rouge", dont fait mine de se parer Jean-Luc Mélenchon, comme participant au "système". Pour ne pas sortir défaite, il suffira à Marine Le Pen d'augmenter son score au second tour par rapport à celui de 2007 où elle avait fait 40%. Elle pourra alors dire que si elle a perdu, c'est qu'elle a tout le système "coalisé" contre elle par le biais du représentant des "communistes".

Les sociaux-démocrates, comme Jean-Luc Mélenchon, ne sont pas les adversaires du fascisme, ils sont ses frères jumeaux. Ils se servent l'un l'autre dans une dynamique ascendante et les incohérences de la social-démocratie servent toujours le fascisme.

Ainsi, il n'est pas très compliqué pour les fascistes de se présenter comme les seuls réels opposants au "système" face à un Jean-Luc Mélenchon qui est politicien professionnel depuis des dizaines d'années, qui a été ministre, sénateur, député, député européen et qui, en plus, présente un programme assez creux composé uniquement de "mesures".

Jean-Luc Mélenchon a annoncé que la lutte se ferait "programme contre programme" or, à part des mesures sociales d'aménagements, le programme du Front de Gauche ne présente pas de vrai modèle de société. C'est un programme réformiste à peine radical (moins que celui de François Mitterrand en 1981 c'est dire).

Mais plus grave encore, Jean-Luc Mélenchon, dans son style populiste, caricature le programme du Front National en le présentant comme uniquement "ethnique". Or le programme du Front National est en fait un programme néogaulliste et sait très bien se présenter comme "patriote mais non raciste".

En n'étudiant pas correctement les tactiques des fascistes, leurs positionnements et leurs programmes et en se cantonnant dans la caricature du gauchiste injurieux, Jean-Luc Mélenchon va décrédibiliser aux yeux des masses la perspective communiste qu'il fait semblant de mettre en avant et renforcer l'aura de sérieux dont cherche à se vêtir le fascisme. Plutôt que de les démonter, il va aider les fascistes à présenter leur programme aux masses.

D'ailleurs, Marine Le Pen l'a bien compris et a déjà pris l'attitude de la favorite sérieuse de l'élection, à moitié amusée par les "pitreries" de son adversaire.

Mais pire que tout, la démarche du Front de Gauche et celle du Front National, tout comme une forte partie de ce qu'ils mettent en avant, sont parfaitement symétriques. Que ce soit le fait de présenter un "ticket" tête d'affiche nationale/personne du cru, la chauvinisme exacerbé, la démagogie anti-finance, etc., de nombreuses choses similaires montrent à quel point le fascisme et la social-démocratie sont en fait des frères jumeaux.

Le rôle des sociaux-démocrates est de canaliser la rage populaire dans le cadre des institutions bourgeoises. Et c'est bien ce que fait Jean-Luc Mélenchon en essayant de faire passer son programme syndicaliste keynésien comme étant "révolutionnaire". Mais aussi en présentant sa démarche comme étant la seule démarche antifasciste possible.

En déclarant lors de sa toute première conférence de presse : "je ne viens pas mener une campagne de voyou. Les petits bonshommes et les cocktails molotov ce n'est pas ici ! Marine Le Pen est une élu de la République, elle doit être respectée", il a violemment attaqué l'antifascisme authentique. En effet, il fait référence à différentes attaques au cocktail molotov qui ont visé des locaux du Front National dans le bassin minier ces dernières années et particulièrement à Hénin-Beaumont.

La social-démocratie et son légalisme désarme le peuple face au fascisme. Alors que les fascistes mettent déjà une pression sourde sur les militants progressistes et sur les personnes des minorités nationales dans le bassin minier, Jean-Luc Mélenchon ne voit dans les actes autonomes de personnes refusant le fascisme et cherchant à développer une offensive contre lui que des choses gênantes pour sa campagne et qu'il lui faut donc conspuer et combattre.

Jean-Luc Mélenchon ne veut pas combattre le fascisme, il a besoin d'être élu député comme marchepied pour sa carrière politicienne personnelle.

En jouant avec le feu comme il le fait et en menant sa politique social-démocrate absurde, Jean-Luc Mélenchon va servir à la progression du fascisme au lieu de le faire reculer.

La situation va être très compliquée pour les personnes authentiquement antifascistes et révolutionnaires du bassin minier. En effet, hier sous pression des fascistes, elles se retrouvent aujourd'hui prises en étau de l'autre côté par les sociaux-démocrates qui ne vont voir en elles que des gêneurs à éliminer le plus vite possible -quitte à collaborer pour cela avec l'Etat bourgeois et à les présenter comme des "provocateurs à la solde du fascisme".

Ce n'est pas de social-démocratie ni de "révolution citoyenne" dont le prolétariat a besoin. Ce n'est pas la victoire électorale d'un démagogue carriériste qui arrêtera la progression du fascisme dans les masses.

Ce qu'il faut c'est un mouvement antifasciste qui travaille à la riposte culturelle, qui soit réellement autonome et ancré dans sa réalité locale et qui assume que c'est bien la résistance concrète au fascisme l'horizon des prochaines années. Un mouvement authentiquement démocratique et populaire à la base, faisant front!

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