5 oct 2011

« Melancholia » de Lars von Trier

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Il est primordial pour les communistes de s’intéresser à la culture produite à leur époque car elle se nourrit forcément des tendances politiques qui la composent.

Dans le domaine du cinéma, cette année sera marquée par deux films qui incarnent véritablement notre époque marquée par la crise générale du capitalisme et l’incapacité de la classe dominante bourgeoise à affronter la réalité, la contraignant ainsi à se réfugier dans l’irrationnel.

Nous avions déjà parlé ici de « Tree of Life » de Terrence Malick, un film profondément religieux et contre-révolutionnaire. L’autre film marquant de cette année et salué par la presse bourgeoise est « Melancholia » de Lars von Trier, qui sort aujourd’hui en salles.

En fait, ces deux films sont complémentaires car tous les deux empreints de religion, mais de façon totalement différente. Ces deux films représentent les deux aspects dialectiques de la religion.

D’un côté, « Tree of Life » fait une démonstration de béatitude, de plénitude qui se retrouve dans la manière de filmer très aérienne et épurée. « Tree of Life » représente ainsi une vision typique des évangélistes qui, en apparence, est « optimiste », pleine de sagesse, car elle reprend le discours compassionnel et pacifique de Jésus. Bien sûr, il ne s’agit pas véritablement d’optimisme mais plutôt d’une acceptation du monde tel qu’il est pour trouver la joie et la « paix intérieure ». Cette logique est contraire à la révolution car elle consiste en fin de compte à contempler l’ordonnancement divin et éternel du monde en attendant un hypothétique au-delà.

D’un autre côté, « Melancholia » est beaucoup moins ouvertement religieux que « Tree of Life ». Pourtant, le film est entièrement inspiré par l’idée religieuse de la vanité de la vie, de souffrance et de culpabilité qui considère donc la vie comme une destinée toute tracée et la mort comme une délivrance. « Melancholia » est ainsi le pendant religieux « pessimiste » de « Tree of Life ».

Mais plus encore « Melancholia » est empli d’une vision fasciste du monde qui correspond parfaitement à la période que nous traversons actuellement.

Car que raconte ce film ?

« Melancholia » repose principalement sur l’opposition de caractère entre deux sœurs, Claire et Justine.  La première partie du film se déroule pendant la somptueuse réception de mariage de cette dernière.  Justine ne peut se départir de sa mélancolie et d’une insondable dépression qui la rend distante et indifférente à ses noces  au point que son mari finit par l’abandonner.

Claire est un personnage effacé qui observe davantage les convenances sociales et forme en apparence un couple apaisé avec John. En réalité, Claire est de nature inquiète et devient profondément angoissée par la trajectoire de la planète errante « Melancholia » qu’elle s’imagine entrer en collision avec la Terre, malgré les paroles rationnelles de John qui, sur la foi des analyses de scientifiques, affirme le contraire.

La menace de destruction de la Terre par la planète errante « Melancholia » est d’ailleurs l’objet de la seconde partie du film alors que Justine, déprimée après son mariage raté, se réfugie chez Claire, John et leur fils Leo.

Dans un premier temps, il semble que la planète errante va juste frôler la Terre avant de s’en éloigner définitivement. John observe donc ce phénomène avec enthousiasme tandis que sa femme Claire est rassurée mais continue de ressentir une sourde angoisse.

Finalement, la planète Melancholia change de trajectoire et se rapproche inéluctablement de la Terre. La fin du monde devient inévitable. John se suicide en cachette et Claire s’aperçoit que la fin du monde est imminente.

Le discours rassurant des scientifiques repris par John s’avère donc faux et les personnages doivent se préparer à une mort certaine. On retrouve ici le triomphe de l’irrationnel sur la science et la nature qui animait le précédent film de von Trier, « Antichrist ».

Lars von Trier poursuit ainsi son œuvre anti-matérialiste dans la veine de « Antichrist », son précédent film, rempli de scènes où la nature est dépeinte comme l’incarnation du Mal et de la mort (« La nature est l’église de Satan », dixit le personnage principal). « Antichrist » multiplie les scènes trashs (faon mort pendant de l’utérus d’une biche, protagoniste se sectionnant le clitoris) pour illustrer les idées de pulsion de mort inhérente à la nature, de négation de la vie et de toutes sensations. Lars von Trier pose ainsi sur la nature un regard patriarcal, il conçoit la nature comme un monde extérieur gouverné par la brutalité et l’imminence de la mort.

De même, la misogynie de l’auteur est bien présente dans « Melancholia » car les personnages féminins du film, même en « ayant raison », incarnent l’idée de sacrifice. Cette vision qui se veut « féministe » est en réalité patriarcale car elle se base sur le modèle de la femme « dans le vrai » mais placée dans une position passive et acceptant finalement le sacrifice pour les insuffisances d’autrui. En fait, une telle approche tend à glorifier la femme pour mieux en faire un être à part capable de prendre sur soi les souffrances du monde, ce qui correspond en fin de compte au rôle souhaité pour elle par le patriarcat.

La religion, en particulier catholique, reflète bien entendu cette répartition des rôles, entre Dieu, figure omnipotente masculine inspirant la crainte et la Vierge Marie, figure féminine pleine de bonté, de compassion et de protection (car limité au rôle de mère). Les deux prières « classiques » du catholicisme, le «Notre Père » et l’ « Ave Maria » reflètent très bien ces deux aspects : Que ton règne vienne, Que ta volonté soit faite, Sur la terre comme aux ciel ( dans le « Notre père ») / Le Seigneur est avec vous, Vous êtes bénie entre toutes les femmes, Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni (dans l’« Ave Maria ») ;  Pardonne nous nos offenses (Notre Père) / Priez pour nous, pauvres pêcheurs (Ave Maria).

Le personnage de Selma, dans « Dancer in the dark » était déjà conforme à cette vision patriarcale : elle incarnait l’idée de justice jusqu’à apparaître comme une véritable sainte se sacrifiant pour son fils et se résignant à subir la peine de mort pour un crime qu’elle n’a pas commis.

Pour revenir au film « Melancholia », les dernières séquences renferment très clairement le message que l’auteur a voulu adresser, et ce message de type fasciste (car nihiliste) est très révélateur sur les tendances lourdes de notre époque et la décadence de la classe dominante bourgeoise.

En effet, la fin imminente du monde suscite une confrontation entre les deux sœurs, Claire et Justine. Claire est submergée de tristesse et ne peut se départir de son angoisse. Justine, au contraire, démontre une grande force de caractère et affronte la mort avec sérénité. On comprend au passage que la planète Melancholia et sa course destructrice entre en résonnance avec la mélancolie éprouvée par Justine. En somme, Justine « comprend » la planète puisque celle-ci « justifie » en quelque sorte sa dépression.

Le film suggère donc fortement que Justine a raison dans sa mélancolie qui mène à l’indifférence envers la vie et au nihilisme absolu par la destruction de la Terre. Cette logique typiquement fasciste est exprimée par Justine elle-même : « La Terre est mauvaise. Elle ne manquera à personne. La vie sur Terre est mauvaise ». La conclusion suggérée de ces propos est limpide : « Tout va disparaître car tout devait disparaître ».

L’esthétique est bien sûr à l’avenant de ce nihilisme avec des références picturales à « la mort d’Ophélie », Ophélie étant un personnage dans Hamlet qui sombre dans la folie après la mort de son père et devant l’indifférence du héros éponyme, puis meurt noyée probablement en se suicidant. Ophélie a surtout été adulée par le romantisme au XIXème siècle car elle incarne une vie tragique où autour de laquelle rôde perpétuellement la mort et la vision idéale d’un amour « pur », « à l’ancienne ».

Le romantisme est en effet une critique féodale du capitalisme et, en ce sens, poursuit une quête similaire au fascisme se voulant moderne par le biais d’un retour aux « valeurs ancestrales ». D’ailleurs, « Melancholia » est illustré en musique par « Tristan et Isolde » de Wagner, compositeur se voulant moderne mais recherchant l’exaltation romantique (la bande originale de « Tree of Life », représentant une vision religieuse plus « apaisée », reprend quant à elle Brahms, compositeur que l’on pourrait qualifier de « conservateur »).  Le choix de Wagner a d’ailleurs été clairement assumé par Lars von Trier, affirmant son intérêt pour le romantisme allemand et l’esthétique nazie, puis se répandant en propos antisémites lors d’une conférence de presse au festival de Cannes.

En outre, le thème de la mort d’Ophélie, noyée dans un cours d’eau avec des fleurs dans ses cheveux, permet de suggérer une proximité entre nature et mort.

Par son nihilisme assumé, « Melancholia » est un film représentatif de l’état de la bourgeoisie à l’époque de la crise générale du capitalisme. La bourgeoisie sent bien que sa fin est proche car le capitalisme s’empêtre dans des contradictions insolubles. Mais la bourgeoisie ne peut concevoir de finir toute seule. Si elle disparaît, alors tout doit disparaître avec elle, d’où la représentation dans « Melancholia » de la fin du monde.

La presse bourgeoise encensera « Melancholia » car ce film est totalement en adéquation avec la névrose de la bourgeoisie qui utilise le nihilisme le plus jusqu’au boutiste comme rempart contre sa fin inéluctable.   

Face à cela se construit le PCMLM, vecteur d’une culture révolutionnaire formant une nouvelle civilisation qui supplantera la décadence de la bourgeoisie finissante.

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