Au moment de l'affaire Breivik, nous avions sur notre ancien média immédiatement analysé le contenu de « l'oeuvre » qu'il avait écrite afin de « justifier » son acte.

Pour Kristian « Varg » (c'est-à-dire « loup » en norvégien) Vikernes, arrêté avant-hier. Sa femme également. On peut regarder les choses en prenant son temps. On est ici en plein romantisme (voir ici notre dossier sur le romantisme en France). Au sens strict, d'ailleurs, on n'est plus dans le romantisme, mais dans le post-romantisme, dans le fondamentalisme.

C'est pour cette raison que la police est intervenue en considérant qu'il entendait « préparer un acte terroriste d'envergure », alors qu'en même temps il n'y avait « ni cible, ni projet identifié ».

Sa garde-à-vue, ainsi que celle de sa femme, ont ainsi été prolongées de 24h pour permettre à la DCRI (la division antiterroriste de la police) de trouver de quoi justifier légalement son arrestation.

Initialement, Kristian « Varg » Vikernes appartient à la première génération du Black Metal (appelé « true black » désormais), mouvement romantique réfutant le christianisme et faisant l'éloge de l'esprit épique des vikings.

Ce mouvement romantique aurait pu aller dans le progressisme, mais le moment clef ici fut le meurtre du maoïste Øystein Aarseth (alias Euronymous, leader de Mayhem), justement par Kristian « Varg » Vikernes (qui de son côté avait monté le « groupe solo » Burzum).

Le Black Metal passa alors le plus souvent dans le mysticisme, l'idéalisme de Nietzsche, voire le national-socialisme (avec notamment le national-socialist black metal), particulièrement dans les pays de l'Est.

Une politisation au sens strict du Black Metal demeura cependant toujours impossible, car il s'agit d'un romantisme, basculant dans la misanthropie avec également en arrière-plan une volonté très claire de « retourner à la nature ».

Mais plutôt que d'assumer l'écologie révolutionnaire et la biosphère, le plus souvent cette volonté se tourne vers une mystique romantique du « recours aux forêts » comme forme de repli pessimiste, ainsi que théorisé par le penseur nazi Ernst Junger, à laquelle s'ajoute la mise en avant de la « loi du plus fort » comme étant supposément la « loi naturelle ».

Le Black Metal a donc toujours cultivé les contradictions et les ambiguïtés et, de toutes manières, les multiples et riches évolutions musicales firent que rares furent les groupes se cantonnant dans le Black Metal « true », et passant au Black Metal mélodique, symphonique, etc.

Kristian « Varg » Vikernes, lui, a passé 16 années en prison et a rejoint le camp du fondamentalisme racialiste, du type de celui refusant les guitares électriques comme relevant de la culture « noire ».

A sa sortie de prison, il s'est installé dans un village de Corrèze avec sa femme, française, et leur trois enfants. Ils y vivaient plus ou moins en marge sur leur terrain aménagé comme une « base de repli » dans le pur style des néonazis racialistes américains mais pas seulement.

On ne peut manquer de voir le rapprochement avec les thèses et pratiques prônées par le « Comité Invisible » : il y a la même mise en avant du « repli à la campagne » comme seule perspective de résistance, la même mise en avant de l'autarcie pour « échapper au système » (en fait au mieux le parasiter).

La perspective politique de  Kristian « Varg » Vikernes était aussi logiquement fortement marquée par le survivalisme. On le voit d'ailleurs sur son blog se mettant en scène en tenue militaire au milieu des arbres.

Il relève plus de la culture Black Metal, mais du racialisme pur et simple.

Voici ce qu'il dit par exemple en 2011, dans une lettre appelant à voter pour le Front National:

Marine Le Pen est une femme fantastique, la Jeanne d’Arc moderne, et je serais très reconnaissant si nous avions un politicien comme elle, ici, en Norvège, ou ailleurs en Europe, luttant pour cette noble cause. Elle est la seule qui peut sauver la France en tant que Nation, culture et peuple - et si la France est sauvée le reste de l'Europe suivra.

Kristian « Varg » Vikernes n'est ainsi même plus « national-socialiste », son horizon est seulement racialiste. Il ne prétend plus se battre pour une communauté mais seulement pour une « identité » qui serait européenne et menacée (par l'immigration et les Juifs). A ce titre, il a rejeté Breivik, qui rejette l'Islam mais ne se fonde pas sur un racialisme complet.

Kristian « Varg » Vikernes est viscéralement antisémite et se revendique du paganisme, alors que Breivik se revendique du judéo-christianisme comme base idéologique de l'Europe. Voici par exemple ce qu'il disait de Breivik en décembre 2012 :

Je peux seulement dire que j'espère que tu vas te suicider. Tu as tué plus de Norvégiens que l'ensemble de la population musulmane en Norvège l'a fait ces 40 dernières années, et tu prétends être un nationaliste norvégien et un patriote combattant (à côté de tes maîtres Juifs) contre l'Islam, pour nous protéger contre leurs crimes ? Je suis désolé de le dire, mais tu as fait une grosse erreur. L'Islam a été importé en Europe par les Juifs, de sorte que les gars comme toi aillent vers les Juifs et se battent pour eux, comme tu l'as fait quand tu as tué les futures mères d'enfants norvégiens. Mort à toi et à tous les autres sionistes "européen" là-bas aussi ! Vous êtes le principal problème pour l'Europe, parce que les gars comme toi permettent aux Juifs de pousser l'Europe dans le fossé.

Ce sont en fait deux trajectoires parallèles, mais en concurrence.