23 déc 2015

Le Front National opère-t-il sur un mode franquiste ?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Pour lutter contre le Front National, encore en faut-il en comprendre la nature et la stratégie. En ce sens, connaître l'histoire de la guerre d'Espagne est quelque chose de nécessaire.

Non pas que les conditions soient les mêmes historiquement : le coup d’État de Francisco Franco a été portée par des couches réactionnaires de type féodal, luttant contre l'avènement de la république.

En France, nous n'avons plus de telles couches féodales, de par le succès de la révolution française, dans une période s'étalant de 1789 à 1870.

Toutefois, on peut considérer que les couches monopolistes de notre pays portent un même projet en quelque sorte néo-féodal, anti-démocratique. Le capitalisme libéral produit l'effondrement de la concurrence, la formation de grands monopoles, qui considèrent qu'ils ont besoin de façonner la société selon leurs besoins.

Le projet du Front National correspond à cela, en tant que mouvement cherchant à neutraliser les luttes sociales, à réorganiser le pays par en haut.

Or, un tel mouvement « national » est précisément le même que celui qui a existé en Espagne. Les mouvements fascistes étaient très petits, ayant un rôle d'aiguillon, de provocateurs, sans avoir donc le caractère de masse des fascistes italiens et des nationaux-socialistes allemands.

Les fascistes ont poussé au chaos, alors qu'un bloc « national » était prêt à gouverner de manière brutale, l'armée intervenant pour faire pencher la balance en sa faveur une fois la situation idéale pour un coup de force arrivée.

Lien vers l'article : Interview de Jean-Marie Le Pen : cinq grands axes pour le fascisme

Ce scénario est tout à fait plausible pour notre pays, où l'armée a une grande tradition du coup de force. La Ve république est, rappelons-le, le produit d'un coup d’État, avec une intervention de Charles De Gaulle neutralisant les institutions pour les refonder entièrement.

N'oublions pas non plus le « plan bleu » visant à un coup d’État en 1947, plus tôt encore la défaite de 1940 pratiquement voulue par toute une frange de l'armée, et plus tôt encore le fameux mouvement « boulangiste », le coup d’État de Napoléon III, celui de Napoléon, etc.

Quant à l'extrême-droite, elle a toujours consisté en des mouvements « hippies de droite », pratiquant une défense du terroir allié à un esprit chevaleresque catholique, le tout dans un esprit de « sobriété volontaire ».

Les fascistes français aiment la bagarre, mais dans une approche culturelle individualiste et national-catholique, refusant le « monde moderne ». On est très loin des fascistes italiens célébrant le dépassement idéaliste de soi-même et du confort allant de pair avec une apologie de la modernité (comme les hydravions) ou le communautarisme racialiste et viriliste des S.A..

Lien vers la liste d'articles : La "manif pour tous"

On a le refus du confort, on a le virilisme, mais dans un esprit « scout ». Sans doute faut-il considérer le mouvement scout catholique comme, en fait, un véritable incubateur fasciste en France (particulièrement dans ses composantes catholiques ultra comme les Scouts et Guides d'Europe, les Scouts Unitaires de France, les Eclaireurs Neutres de France, etc.).

Quiconque aurait un doute au sujet de tout cela peut regarder le parcours de Raoul Follereau. On le connaît aujourd'hui pour sa fondation en faveur des lépreux. Ce vagabond de la charité (1903-1977) avait notamment demandé en 1955, pour combattre la lèpre, le prix d'un bombardier chacun à l'américain Dwight Eisenhower et au soviétique Gueorgui Malenkov.

Tout cela est pourtant l'aboutissement du projet national-catholique de Raoul Follereau, qui a été une des plus grandes figures du fascisme français des années 1930, par l'intermédiaire de la Ligue d’Union Latine fondée en 1927.

Le projet de Raoul Follereau était ultra-catholique, il était ouvertement lié à l'Italie fasciste de Mussolini, il a tenté de formuler un fascisme français.

Lien vers la page spéciale : Le Front uni antifasciste

Naturellement la fondation n'apprécie guère toute remarque à ce sujet, et l'auteur du blog très documenté Follereau entre ombre et lumière a manqué d'y faire les frais au début de l'année 2015.

Il resterait à analyser dans quelle mesure Raoul Follereau était sincère dans son passage de promotion du fascisme français semi-clérical au combat charitable contre la lèpre.

Mais elle est tout à fait possible, voire même franchement vraisemblable : l'école d'Uriage, le cœur du fascisme français, contient une foule d'exemples du genre, dont le plus grand est la réalisation du journal Le Monde.

Raoul Follereau entendait défendre la foi et le patriotisme, comme défense de « l'Idéal » et il pouvait très bien combiner respect pour cela du maréchal Pétain et combat universel contre la lèpre – c'est un exemple de contradiction « catholique » du fascisme français et de son esprit de chevalerie.

C'est un aspect très important pour comprendre la dynamique du fascisme français, comme contre-modèle « anti-américain » de catholicisme social, de nationalisme pro-terroir, comme esprit de décentralisation dans la lignée de Charles Maurras.

Lien vers le dossier : Les Démocraties populaires

A ce titre, saluons encore l'esprit Charlie, qui, s'il est pacifiste idéaliste et d'esprit charitable catholique en de nombreux points, penche heureusement du bon côté.

Et peut-être que la question du fascisme réside dans la capacité des progressistes à faire basculer une partie des catholiques dans le camp du progrès réel – avec les communistes, en réfutation de leur rejet historique du protestantisme.

Sinon, le catholicisme permettra au Front National de forger un bloc franquiste à la française, ce qui est d'ailleurs clairement l'objectif de Marion Maréchal – Le Pen.

Quant à savoir si les étapes antifascistes seront la défense de la république devenant sociale, puis populaire, puis une démocratie populaire, puis une république socialiste, c'est quelque chose à étudier bien entendu.

L'exemple espagnol doit, en tout cas, apparaître comme tout à fait essentiel dans la culture progressiste de notre pays.

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