Le « breton » unifié contre les langues populaires historiques en Bretagne
Submitted by Anonyme (non vérifié)Au sortir de la seconde guerre mondiale le mouvement nationaliste breton avait été largement ébranlé, tellement il était associé à la collaboration avec les nazis. Son principal symbole le Gwen ha Du était officiellement interdit et systématiquement pris d'assaut par les communistes.
Cependant, l'épuration antifasciste n'ayant pas été massive en France, le mouvement nationaliste breton ne fut pas totalement décapité et des figures importantes comme le linguiste Roparz Hemon ont pu continuer à militer. C'est par le biais d'une prétendue défense de la langue bretonne que le mouvement nationaliste breton est réapparu à partir des années 1960.
Les fascistes issus du mouvement Breiz Atao, alors qu'ils n'étaient encore pendant l’occupation qu'un petit groupe d’intellectuels appuyés par les nazis mais isolés des masses, ont triomphé en imposant aujourd'hui en Bretagne un prétendu breton « unifié » qui est le produit de leur idéologie racialiste pan-celtique (et antifrançaise).
L'exemple le plus marquant de ce triomphe est la généralisation de la terminaison « zh » pour un certain nombre de mots. Le nom même de Bretagne n'est aujourd'hui pratiquement connu que sous sa forme « unifiée » par les fascistes qu'est « Breizh ».
Les langues populaires historiques en Bretagne
La Bretagne est marquée par un faible développement du capitalisme jusque dans les années 1950. Il y prédominait donc encore au XIXe et XXe siècle une culture rurale très forte, marquée par une formidable créativité des masses paysannes, avec notamment une tradition orale importante autour de contes et de légendes populaires. L'autre aspect de cette culture rurale est un important isolement culturel entre les différentes régions, cela étant accentué par l'absence de véritables villes influentes culturellement et politiquement.
Cela fait qu'il existait encore dans les années 1960 et 1970 une importante disparité dans le langage des masses rurales, bien que le français ait déjà conquis une importance primordiale par le biais de l'école. Il n'y avait pas d'unification au niveau de la langue mais par contre des ponts existaient entre les différents dialectes, ce qui permettait de communiquer d'un « pays » à l'autre. Au fur et à mesure du développement du capitalisme en Bretagne, c'est le français qui a pris le rôle de langue unifiant les masses à une échelle toujours plus importante.
Historiquement il n'y pas une mais deux langues distinctes parlées par les masses en Bretagne. Elles se déclinent chacune sous différents dialectes. Il y a d'une part le breton, langue d'origine celtique, classée par les linguistes dans le groupe des langues brittoniques à l'instar du gallois parlé encore aujourd'hui par environ 600 000 personnes au Pays de Galles. Il y a d'autre part le gallo, langue romane, c'est-à-dire issue du latin, formant l'un des dialectes historiques du français.
Parallèlement, depuis plusieurs siècles, le français est répandu dans les villes bretonnes, de manière plus ou moins importante. La ville de Brest par exemple a régulièrement été décrite par différents historiens comme un « îlot de francophonie » au milieu d’un océan de langue bretonne. Cela est essentiellement dû à l’importance donnée à cette ville par la monarchie française sous l’impulsion du cardinal de Richelieu au XVIIe siècle.
Jusque dans les années 1960, 1970, le breton reste une langue répandue dans les masses rurales de l’Ouest de la Bretagne, et le gallo dans masses rurales de l’Est.
Il n'y a bien sûr par de barrière infranchissable entre les deux langues, la frontière entre elles a d’ailleurs évolué dans l’histoire et les différents dialectes se sont enrichis et influencés mutuellement.
Il y a donc de nombreux mots issus du français dans la langue bretonne, de la même manière que le français est enrichi des apports de la langue bretonne (bien que celle-ci ait été combattue de manière brutale par la bourgeoisie).
Le cas particulier du dialecte prolétaire « Ti Zef » dans la ville de Brest est un exemple formidable de la richesse de la culture populaire. Les masses prolétaires du quartier Recouvrance, sur la rive droite de la Penfeld, parlaient encore largement breton quand elles arrivaient à Brest : cela a produit un accent et un parler populaire spécifique, lié à l’activité productive locale, dans lequel ont fusionné des structures de phrase bretonnes avec des mots français (on dit par exemple « envoyer avec soi » quand on emporte quelque chose).
Le breton peurunvan du régime de Vichy
Les fascistes des années 1930 se sont intéressés à la langue bretonne, non pas dans sa forme vivante et populaire, mais dans une forme figée, prétendument éternelle. Ils ont mis en avant une langue qu’ils voulaient « pure », c'est-à-dire débarrassée de ses influences « latines » qui selon eux la souillait. Les fascistes bretons avaient besoin d’une langue celtique « pure » afin d’appuyer leur racisme pan-celtique.
Ce racisme s’est lui-même appuyé sur une dynamique aristocratique existant en Bretagne, lié au refus de la démocratie bourgeoise et du capitalisme par la noblesse féodale catholique. Il faut penser ici au « Barzaz Breiz », présenté en 1839 par son auteur le vicomte Théodore Hersart de La Villemarqué comme un recueil de chants populaires bretons, qui s’est avéré être un faux (une partie des chants est même directement inventée par lui), utilisant un « breton » étrangement purifié de toute influence française et célébrant des figures de la noblesse bretonne.
En 1941 le régime de Vichy impulse une unification de la langue bretonne, sur les bases d’autres tentatives d’unification qui n’avaient jamais fait l’unanimité. On parle alors de breton peurunvan (« totalement unifié »). La forme occidentale de l'écriture du breton précédemment unifiée (sous la forme dite KLT) est mélangée avec la forme issue de la région de Vannes : on écrivait « Breiz » à l'ouest et « Breih » dans la région de Vannes ; avec le breton peurunvan il faut écrire « Breizh ».
Malgré la résistance de quelques universitaires, qui refusent d’utiliser une production critiquée comme artificielle et faite par des nazis, cette forme d'écriture du breton s’est répandue dans l’enseignement. Elle est largement utilisée aujourd'hui par les identitaires bretons.
Les principaux artisans du breton dit peurunvan étaient liés ou issus de la revue Gwalarn, créée en 1925 par Roparz Hemon comme supplément littéraire du journal fasciste Breiz Atao. Ils ne se sont pas contentés d'« unifier » l'écriture de la langue ; ils l'ont en fait transformée elle-même. La généralisation du breton peurunvan s'est accompagnée de la création pure et simple de mots et de formes « celtiques », soit par l'emprunt au gallois, soit par la formation de néologismes, pour faire disparaître les influences françaises dans le breton populaire. Ils ont fabriqué une langue artificielle et incompréhensible des masses populaires.
Il est tout à fait logique d’ailleurs que Roparz Hermon fut aussi un partisan fervent de l’espéranto : c’est la même logique idéaliste qui prédomine là.
La réalité vivante des masses populaires n’intéresse pas les fascistes. C’est pour cela qu'ils ont dénigré leurs langues, méprisé le gallo et critiqué celles et ceux qui voulaient apprendre le français sans pour autant rejeter le breton.
Les écoles Diwan et le faux breton des identitaires
Les écoles Diwan ont été créées à la fin des années 1970 pour répondre à la demande de petits-bourgeois identitaires qui voulaient faire apprendre à leurs enfants le breton qu'ils ne parlaient pas eux-même. Ce sont des écoles dans lesquelles il est interdit aux enfants de parler leur langue maternelle, le français, de la même manière qu’il avait été interdit aux masses rurales de parler breton à l’école dans les générations précédentes dans l'Ouest de la Bretagne. C'est le breton peurunvan qui y est enseigné.
Elles ont été au centre d'une polémique dans les années 2000 lorsqu'il est apparu que l'un des collèges Diwan portait, en toute logique, le nom du fasciste Roparz Hemon. Le collège a été débaptisé pour éviter de perdre des financements publics.
Les écoles Diwan ne servent pas la langue bretonne qu'elles prétendent défendre. D’une part, les enfants l’apprennent de manière académique et forcée mais ne l’utilise pas en dehors, au quotidien. D’autre part, le « breton » qui y est enseigné ne permet pas, ou alors très difficilement, de communiquer avec les personnes qui ont appris le breton naturellement.
Il est typique en Bretagne de voir des personnes ayant le breton comme langue maternelle se moquer des personne parlant ce faux breton pseudo-académique, et le désigner de manière péjorative comme étant un « néo-breton ».
On peut trouver un exemple flagrant de ce faux breton en écoutant ici Gaël Roblin, leader de la gauche indépendantiste ayant appris le « breton » en prison alors qu'il était désigné comme lié à l'attentat d'un McDonald's ayant fait un mort par l'Armée Révolutionnaire Bretonne.
Il est flagrant que ce « breton » qu'il parle n'est pas naturel ; ce n'est que du français retranscrit de manière forcée en breton. Comme la plupart des personnes ayant appris le « breton » de manière artificielle, il ne respecte pas la ligne mélodique ni les accents toniques particuliers de la langue. Il serait faux de justifier cela en parlant « d’accent français » comme on peut le faire d’une personne ne faisant pas d’effort de prononciation en anglais. La situation est différente car, par définition, les identitaires bretons ne peuvent pas apprendre leur « breton » naturellement puisque celui-ci n'est pas le même que le breton des masses populaires (qui tend à disparaitre).
Pourtant, cela n'empêche pas Gaël Roblin d'enseigner « le breton » dans un centre de formation à Rennes.
Avec Joachim Du Bellay, reconnaitre la nécessaire évolution des langues
La construction idéologique issue du « nationalisme » breton autour de la langue bretonne est certainement l'une des choses qui a contribué à ce que les masses abandonnent progressivement le breton, par rejet des intellectuels petits-bourgeois.
Les identitaires, en parasitant la culture populaire bretonne, ont rendu quasiment impossible pour les progressistes authentiques l'assimilation de la culture populaire et la défense du droit à parler le breton et le gallo pour les masses.
Les identitaires ont détraqué la nécessaire reconnaissance des dialectes bretons et gallos, ce qui est pourtant utile, par exemple dans les hôpitaux pour des personnes âgées qui ne sont plus capable que de parler leur langue maternelle.
Ils n'ont fait que servir l’industrie touristique française qui a compris l’intérêt de mettre des panneaux « bretons » partout pour faire « authentique », au détriment parfois de la réalité historique. Dans l'Est de la Bretagne des noms de villes en « breton » sont même inventés de toute pièce.
L’exemple le plus ridicule est certainement celui du nom « breton » de la ville de Lorient, « An Oriant », repris officiellement par la mairie dans une démarche identitaire lié au festival « Inter-celtique ».
Lorient est pourtant un nom français, c’est la transformation moderne de L’Orient. La ville de Lorient a été crée en 1666 par ordonnance de Louis XIV pour en faire un port de commerce et un chantier naval. Le nom de Lorient viendrait, selon le musée de la ville, du fait que les ouvriers du chantier aient progressivement utilisé pour désigner le lieu le nom du premier bateau qui y fut construit (par la Compagnie des Indes Orientales) : « Soleil d'Orient », puis simplement « l'Orient ».
La toponymie véritable importe peu, on est dans la supercherie de bout en bout, dans l'escroquerie intellectuelle par des personnes ayant une démarche typiquement fasciste de falsification de l'histoire. Le but est de former des mythes, en l’occurrence celui d'une langue bretonne « pure » qui aurait été souillée par un français « parisien ».
Le matérialisme rejette totalement la construction artificielle autour de la langue bretonne faite par les identitaires. Comme il est affirmé dans le dossier Défense et illustration de la langue française, il faut comprendre que la langue n'est pas une superstructure, qu'on pourrait modifier comme bon nous semble.
Les langues sont une réalité vivante et naturelle qui sert les masses dans leur œuvre magnifique et gigantesque de production et de reproduction de la vie réelle. Elles évoluent donc avec elles.
Le matérialisme dialectique affirme la nécessité de reconnaitre les langues populaires historiques authentiques afin qu'elles puissent être assimilées correctement et démocratiquement. Mais il ne s'agit en aucun cas de rester figé dans le passé et de refuser de passer à stade supérieur. Les masses populaires de Bretagne ont justement compris cela et elles se sont emparées massivement de la langue française moderne au cour du XXe siècle.
De la même manière, les langues mondiales fusionneront à une échelles toujours plus importante et développée, jusqu'au communisme où l'humanité unifiée n'aura plus besoin que d'une seule langue pour communiquer.