Mohamed Merah, bourreau volontaire
Submitted by Anonyme (non vérifié)« Dès que l'observation s'attache aux aspects sociaux de la vie de ces hommes, et non plus simplement aux tueries, l'image trompeuse qui veut ne voir en eux que des hommes unidimensionnels , coupés de leurs relations sociales en raison de leur situation particulière, devient difficile à défendre.
Même s'il est difficile de reconstituer complètement ce qu'a été la vie sociale et culturelle des agents de l'Holocauste, l'image irréelle que certains ont voulu donner d'eux, celle d'individus isolés, apeurés, incapables de penser, accomplissant leur tâche avec répugnance, est fausse.
Les tueurs allemands, comme d'autres gens, ont constamment fait des choix dans leur manière d'agir, des choix dont le résultat constant a été la souffrance et la mort des Juifs. Ils ont fait ces choix individuellement, comme membres satisfaits d'une communauté approuvant le génocide, pour qui tuer les Juifs était une norme et souvent un exploit à célébrer. »
(Daniel Goldhagen, Les bourreaux volontaires de Hitler. Les Allemands ordinaires et l'Holocauste)
Tuer est un acte éminemment difficile. Dans un cadre inévitable – la guerre – cela peut apparaître comme logique, même si barbare. Dans le cadre révolutionnaire, il y a également des guerres, et là aussi on tue, pour vaincre l'ennemi, mais c'est en connaissance du fait que la guerre est nécessaire pour abolir la guerre (Mao Zedong), et la morale révolutionnaire est stricte.
Tuer des enfants apparaît aux antipodes de cette morale, et même en théorie des « lois de la guerre » telles que mises en avant par les impérialistes. Les impérialistes tuent aussi des enfants, mais jamais directement, sauf dans des cas exceptionnels.
Car pour tuer des enfants, il faut un type particulier de bourreau. Il faut avoir des bourreaux volontaires, particulièrement engagés. C'est là qu'il faut comprendre Mohamed Merah pour ce qu'il était.
Voyons une particularité française par conséquent.
« Je pense donc je suis » - cette phrase de Descartes est à la base de l'idéologie dominante française. Les 5 sens sont à rejeter, seule compte la pensée pure, la « logique », les mathématiques. La nature ne peut pas être belle, à moins d'être façonnée par l'Homme, avec les « jardins à la française » comme démonstration.
C'est aussi une pensée chrétienne laïcisée : il faut être comme « maître et possesseur de la Nature », car Dieu est parti et nous a laissé la planète, selon le principe du Dieu comme « grand horloger », « grand architecte », chers à Voltaire et à la franc-maçonnerie.
Merah était donc ici bien français. Il a fait une séparation totale de l'esprit et du corps – une séparation qui ne peut pas exister en vrai, et qui amène la folie. L'esprit n'est que le reflet, sous forme de matière grise, de la réalité matérielle.
On ne peut pas séparer le corps et l'esprit, car l'esprit appartient au corps. Merah a cru tué froidement, comme tous les assassins, et après c'est le pétage de plomb assuré, voire même avant, car tuer des enfants nécessite déjà un déraillement complet.
Mais c'est un déraillement logique dans la logique cartésienne. Nulle part ailleurs qu'en France pouvait naître la conception « queer » issue de Foucault et Deleuze, « philosophes » ultra-libéraux se présentant comme libertaites. L'idée même qu'on ne soit ni homme ni femme est typiquement française dans sa logique de l'esprit « domine » le corps ; qu'une personne puisse dire qu'elle est née « dans le mauvais corps » est d'une décadence complète, d'un anti-matérialisme le plus complet.
L'épicurisme combat justement la conception de Descartes, cette vision cartésienne où le corps serait quelque chose de secondaire, qu'on « contrôlerait. » Et Merah, qui se voulait contre la « décadence », est en fait un produit hyper moderne de la décadence.
Il n'est pas une anomalie, mais le produit d'une société décadente niant la matière et passant dans l'idéalisme le plus complet. C'est exactement comme les nazis qui ont pu assassiner des millions de personnes juives à bout portant lors de la tentative de conquête impérialiste du territoire soviétique.
Pour déshumaniser quelqu'un, il faut déjà s'être totalement déshumanisé. A Lyon il y a quelques jours, une voiture a foncé dans un couloir de bus pour doubler des voitures et a projeté un landau à 23 mètres, sans pour autant s'arrêter. Voilà qui est exemplaire de comment l'individu « maître » de lui-même « grâce » à la voiture individuelle s'est déshumanisé et par conséquent peut aisément déshumaniser les autres.
L'historien Daniel Goldhagen avait traité cet aspect dans son ouvrage « Les bourreaux volontaires de Hitler. Les Allemands ordinaires et l'Holocauste », où il montre comment l'idéologie dominante en Allemagne a amené à la déshumanisation idéologique des personnes juives.
Selon Goldhagen :
« Les Allemands qui ont perpétré l'Holocauste ont traité les Juifs de la manière brutale et mortelle qu'ils ont employée parce qu'ils pensaient globalement que ce qu'ils faisaient était juste et nécessaire.
Deuxièmement, il existait depuis longtemps dans la société allemande un antisémitisme virulent qui a conduit une grande majorité d'Allemands à éliminer, d'une manière ou d'une autre, les Juifs de la société allemande.
Troisièmement, toute explication de l'Holocauste doit aborder et spécifier le lien causal entre l'antisémitisme en Allemagne et la persécution et l'extermination des Juifs, auxquelles tant d'Allemands ordinaires ont contribué ou qu'ils ont soutenu. »
Merah n'était donc pas une anomalie, dans une initiative unique ou « exceptionnelle » de par ses actes, mais bien au contraire absolument ordinaire, ce qui est véritablement sinistre. Sa seule particularité – éminemment politique – est d'être un bourreau volontaire.
Cette optique génocidaire ne peut justement être compris que par le matérialisme dialectique, parce que c'est la crise générale du capitalisme qui est l'arrière-plan idéologique.
Tout au plus, les progressistes peuvent-ils constater – et s'étonner de cette normalité terrifiante. C'est par exemple ce que constate Goldhagen :
« Dès que l'observation s'attache aux aspects sociaux de la vie de ces hommes, et non plus simplement aux tueries, l'image trompeuse qui veut ne voir en eux que des hommes unidimensionnels , coupés de leurs relations sociales en raison de leur situation particulière, devient difficile à défendre.
Même s'il est difficile de reconstituer complètement ce qu'a été la vie sociale et culturelle des agents de l'Holocauste, l'image irréelle que certains ont voulu donner d'eux, celle d'individus isolés, apeurés, incapables de penser, accomplissant leur tâche avec répugnance, est fausse.
Les tueurs allemands, comme d'autres gens, ont constamment fait des choix dans leur manière d'agir, des choix dont le résultat constant a été la souffrance et la mort des Juifs. Ils ont fait ces choix individuellement, comme membres satisfaits d'une communauté approuvant le génocide, pour qui tuer les Juifs était une norme et souvent un exploit à célébrer. »
Un tel constat est traumatisant et sinistre ; il y a de quoi tétaniser l'esprit le plus positif. Et pourtant, les bourreaux volontaires ne sont pas l'expression de la force, mais de la décadence de l'impérialisme, de l'effondrement du capitalisme.
C'est cela qu'il faut comprendre de manière correcte pour pouvoir affronter le fascisme.