Lutte Ouvrière plus que complaisante avec Chavez
Submitted by Anonyme (non vérifié)C'est une position très étrange qu'a pris Lutte Ouvrière au sujet de Hugo Chàvez, dans son éditorial du lundi 11 mars 2013.
En effet, traditionnellement, cette organisation trotskyste rejette absolument tous les mouvements, à part elle-même, au nom de la question du « programme ».
La position de Lutte Ouvrière a, tout au long des années 1970 et 1980, était le pendant de celle de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), qui considérait quant à elle que « tout ce qui bouge est rouge ».
Lutte Ouvrière ne supportait par exemple pas que la LCR mette en avant Ho Chi Minh et Che Guevara, qui à ses yeux étaient des tueurs de trotskystes.
Si le Nouveau Parti Anticapitaliste, qui a succédé à la LCR, était donc logiquement pro-Chàvez, dans l'ordre des choses, Lutte Ouvrière aurait dû catégoriquement le rejeter, comme un bourgeois, étranger au socialisme, etc.
Or, ce n'est pas le cas. Le ton de Lutte Ouvrière est particulièrement mesuré, et plus surprenant encore, il y a une même tonalité « anti-impérialiste » tout à fait étrangère à Lutte Ouvrière normalement.
On lit ainsi dans l'éditorial :
« Il n’y a pas de sauveur suprême, ni au Venezuela ni ailleurs
Les commentateurs des médias ont été étonnés devant les foules immenses de pauvres, qui, au Venezuela, ont accompagné les obsèques de Chavez.
Eh oui, Chavez était un président qui avait su attirer la sympathie des masses pauvres de son pays. Mais comme en témoignait la présence de plusieurs dizaines de chefs d’Etat ou leurs représentants, il avait su tout aussi bien se faire accepter par les grands dignitaires de ce monde.
Chavez était un des rares chefs d’État de pays sous-développés qui avait su dire non aux grandes puissances, en l’occurrence les États-Unis, et aux représentants des grands trusts qui dominent l’économie de ces pays.
De plus, il avait une politique sociale qui tranchait sur celles de tant de dirigeants politiques d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Ceux-ci empochent les miettes que leur concèdent les grands trusts qui pillent leurs pays sans en laisser la moindre retombée pour leurs peuples.
Il a utilisé une partie de l’argent du pétrole pour créer des écoles et des centres de santé dans les quartiers populaires alors que tant de protégés de grandes puissances se moquent d’apprendre à lire et à écrire aux enfants de leurs pays et ne se soucient même pas qu’ils puissent manger à leur faim.
Chavez a su s’opposer aux multinationales américaines et imposer ses conditions. Mais il n’est pas allé jusqu’à confisquer les intérêts étrangers dans le pétrole. Il s’est contenté d’accroître le contrôle de l’État et cela a suffi pour qu’il devienne la bête noire des américains.
C’est son courage à s’opposer à la première puissance mondiale qui a fait sa popularité. Il a redonné fierté et dignité à son peuple piétiné par l’impérialisme. »
Ce qui est dit ici est très particulier pour quiconque connaît Lutte Ouvrière. Hugo Chàvez est présenté comme ayant fait des choses éminemment positives.
Or, si la LCR a toujours eu un discours en ce sens, Lutte Ouvrière l'a toujours réfuté, affirmant que hors la révolution, point de salut. Ici, ce n'est pas du tout le cas et c'est un très grand signe de décadence pour Lutte Ouvrière.
Pire encore, Lutte Ouvrière prône ensuite de « déborder » Hugo Chàvez par la gauche, ce qui est totalement aberrant, puisque normalement il est simplement un bourgeois se prétendant de gauche.
Lutte Ouvrière agit en fait par opportunisme. Et tout comme elle a soutenu François Mitterrand car il avait eu un succès « populaire », elle abandonne sa position ferme pour être pragmatique et « ouverte », tout en exigeant d'aller « plus-loin » - ce qui revient à la position de la LCR.
Voici donc la critique faite par Lutte Ouvrière :
« La présence aux obsèques de Chavez de tant de chefs d’Etat ou de leurs représentants a montré que ceux-ci reconnaissaient en lui un des leurs. Chavez était intégré au concert des chefs d’Etat et au monde capitaliste.
Chavez ne combattait pas réellement l’impérialisme car il ne combattait pas la base sur laquelle il repose : la propriété capitaliste. Si l’État a pris, en partie, le contrôle de l’industrie pétrolière, il n’a pas exproprié les classes possédantes. Les riches ont continué à prospérer et sont toujours les maîtres de l’économie.
Quant à « l’ennemi américain » il continue de piller le pétrole tant et si bien que le Venezuela est resté son principal fournisseur.
Malgré les mesures sociales, le pays est empêtré dans le sous-développement. Redistribuer aux plus pauvres une partie de la rente pétrolière n’a pas supprimé les inégalités, le chômage et la misère car l’économie du pays continue d’être pillée et dominée par les grandes puissances. »
Le problème, on le voit aisément : ces lignes disent en pratique le contraire de ce qui était dit au début de l'éditorial.
Lutte Ouvrière ne peut pas dire dans un même article que « Chavez a su s’opposer aux multinationales américaines et imposer ses conditions », puis : « Chavez ne combattait pas réellement l’impérialisme ».
Soit il le combattait (la position de Mélenchon, etc.), soit il ne le combattait pas (ce qui est traditionnellement la position de Lutte Ouvrière). Mais les deux en même temps, c'est incohérent.
Le problème est simple :
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Lutte Ouvrière nie purement et simplement la concurrence inter-impérialiste, résumant l'impérialisme présent au Venezuela à l'impérialisme américain ;
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Lutte Ouvrière ne comprend pas que le Venezuela est semi-colonial semi-féodal, avec une capitalisme bureaucratique au cœur du régime.
Si les « réformes » de Hugo Chàvez ne sont pas allés assez loin, c'est tout simplement parce qu'elles ne visaient qu'à restructurer le capitalisme bureaucratique, et à le restructurer dans le sens des puissances impérialistes et expansionnistes opposés aux États-Unis.
Lutte Ouvrière formule tellement mal le problème que cela lui est incompréhensible, pourtant la conclusion de son éditorial montre bien que c'est là qu'est le problème du Venezuela :
« Sauf mettre à bas l’impérialisme, il n’y a pas d’échappatoire pour les pays pauvres. Et cela ne peut pas être le fait d’un homme providentiel car il ne s’agit pas seulement de remplacer un homme par un autre. Il s’agit de transformer les bases de la société, de remettre en cause la propriété capitaliste et faire en sorte qu’il n’y ait plus de privilèges et de privilégiés.
Cela ne peut se faire sans que la classe ouvrière s’en mêle. Cela ne peut se faire que collectivement, par l’organisation consciente de tous les exploités prenant la direction de l’économie. C’est la seule voie qui peut faire en sorte que dans des pays comme le Venezuela, l’Algérie, le Niger, le Gabon et bien d’autres encore, la grande majorité de la population ne soit pas condamnée à la misère.
En revenant des obsèques de Chavez, le ministre socialiste de l’outre-mer a déclaré, en substance, que le monde gagnerait si, parmi les dirigeants des pays pauvres, il y en avait qui ressemblaient à Chavez. Quelle hypocrisie ! Si tant de régimes pourris et corrompus perdurent en Afrique, c’est en raison du soutien, au besoin militaire, de l’impérialisme français. Et ce, que le gouvernement soit de droite ou de gauche. »
Lutte Ouvrière est contradictoire : d'un côté, les pays non impérialistes sont opprimés par l'impérialisme (ce qui est juste), de l'autre ils auraient leur propre capitalisme – cela ne tient pas.
C'est en cela que le maoïsme est clair et juste : il comprend que le capitalisme des pays opprimés par l'impérialisme est bureaucratique, s'appuyant sur une féodalité dans les campagnes qui est impulsée par en haut.