7 juin 1919

Manifeste du Parti Communiste, Section française de la IIIe Internationale (1919)

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L’Internationale, n°16, 7 Juin 1919

Ce manifeste et les statuts du Parti Communiste ont été rédigés par la Commission du Comité de Défense Syndicaliste. Ils ont été adoptés à l’unanimité par le C.D.S. réuni extraordinairement le 30 mai 1919.

La classe ouvrière française révolutionnaire, constatant que l’Internationale officielle n’a pas su rester fidèle à ses doctrines, décide la fondation du parti communiste se rattachant à la 3° Internationale gui s’est déjà réunie à Moscou.

Elle envisage la dictature momentanée du prolétariat remplaçant la dictature de la bourgeoisie jusqu’à la réalisation totale du communisme.

Elle demande à tous les groupements et à toutes les individualités restés fidèles au programme révolutionnaire, de faire toute la propagande et toute l’action nécessaires pour le renversement des régimes politiques et économiques actuels et l’abolition de la propriété individuelle.

Elle déclare que le socialisme d’Etat est la machine la plus oppressive pour le peuple qui le subit et fait appel à tous les soldats et à tous les travailleurs conscients, manuels ou intellectuels, pour qu’ils ne restent pas inférieurs à leurs frères de Russie et fassent le geste d’affranchissement.

A l’heure où les gouvernements alliés prétendent imposer à l’Allemagne vaincue une paix d’oppression et d’injustice, base de nouvelles tueries, le parti communiste déclare que la guerre fut le fait de la bourgeoisie capitaliste et rejette toute intervention des responsables du massacre dans l’établissement de la paix. Il revendique pour la classe ouvrière internationale seule le droit d’en fixer les clauses.

Pour cette raison, il n’accepte ni la Société des Nations, ni la paix des Quatre qui ne sont que la prise de contact des dirigeants, non des travailleurs et leur oppose l’Internationale Ouvrière.

Le parti communiste de France, représentant la classe ouvrière révolutionnaire, se refuse à toute guerre, qu’elle soit économique, ou dite " guerre de droit ", estimant que :

  • 1° Le droit national n’existe pas , que les travailleurs n’ont pas de patrie et que les frontières doivent disparaître.
  • 2° Que le prolétariat est contraint à la guerre mais ne la veut pas ; qu’il en est la victime pour le profit de ses ennemis de classe, les exploiteurs du gouvernement et de la bourgeoisie.
  • 3° Que le droit à l’existence et au maximum de bonheur est imprescriptible et qu’aucun gouvernement et aucune individualité ne peuvent disposer de l’existence humaine.

Rejetant toute idée de guerre, la classe ouvrière en rejette toutes les conséquences, elle n’accepte pas la victoire, déterminée par la force des armes, la force n’ayant jamais représenté le droit. Elle considère le conflit qui, pendant plus de quatre ans, ensanglanta le monde comme le plus immonde fléau dont il faut, dans la plus large mesure, adoucir les effets par la plus grande humanité.

Considérant que les peuples et les êtres ont le droit de disposer d’eux-mêmes, elle n’admet aucune intervention et aucune pression d’un pays sur un autre et estime que le prolétaire peut donner son travail où il lui plaît, sans contrainte et sans engagement, et que là où il trouve le bonheur, là est sa patrie.

Elle ne limite pas cette conception aux races dites civilisées, mais elle l’étend à tous les peuples, de quelque couleur qu’ils soient. En conséquence de quoi, ele réprouve, non seulement les annexions, mais toute idée de colonisation.

Elle rejette tout ce qui peut apporter entrave au libre échange : les impôts, les octrois, les douanes et demande le plus facile écoulement des produits par le développement des voies ferrées, la construction de navires, le percement de canaux, etc.

Le code ouvrier intégral

Le parti communiste ayant déterminé les clauses de la paix pose en principe que la classe parasite bourgeoise doit disparaître, que la lutte des classes n’aura plus sa raison d’être quand il n’y aura plus d’exploités ni d’exploiteurs et que tout citoyen de la République internationale des Soviets et particulièrement de celle des Soviets de France sera un producteur.

Du même coup doivent disparaître l’armée et la police qui ne sont que la force brutale au service d’une organisation sociale désuète et pourrie. La chute de l’une doit entraîner la chute de l’autre et libérer l’univers de la tyrannie de la barbarie et de la guerre.
La classe ouvrière, enfin libérée par la grève générale précédant la révolution, prétend donner le coup de balai définitif à tout ce qui l’asservit ; elle supprime tous les membres et fonctionnaires du gouvernement : ministres et présidents, députés, préfets, maires et conseillers ; supprime tout le code des lois existantes qui protège une minorité d’exploiteurs contre la masse productrice esclave ; supprime le mariage comme entrave à la liberté individuelle, donne à l’enfant le nom de la mère et reconnaît à tous, hommes et femmes, les mêmes droits.

Elle admet la valeur égale du travail, manuel et intellectuel, et fixe un taux minimum égal pour tous, ne se basant pas sur le principe " A travail égal, salaire égal ", mais sur cette idée de justice humanitaire : "Pour tous, moyens d’existence égaux jusqu’à la suppression totale du salaire".

Pour les hommes comme pour les femmes, les besoins du corps sont les mêmes ; pour les faibles comme pour les forts, identiques sont les nécessités ; pour le manuel comme pour l’intellectuel, les jouissances de la vie, le droit au bonheur sont aussi impérieux.

Tous pour tous, sans frontières, sans rivalités de province à province, de ville à ville, de campagne à cam­pagne ; la simple distinction des corporations s’administrant elles-mêmes, à la façon de l’organisation confédérale, nommant leurs représentants, " leurs Soviets ", qui devront garder un contact étroit avec les Soviets des autres corporations, françaises ou extérieures, et aboutiront à un Soviet central.

Le travail n’étant plus une marchandise dépendant du capital et l’oeuvre de tous soulageant l’effort de tous, la limitation des heures de travail par jour et pour chacun ira en diminuant à mesure que les bienfaits de l’organisation se feront sentir. L’attention devra porter sur l’outillage le perfectionnement des machines, sur tout progrès qui, supprimant la routine, soulagera enfin l’homme dans le travail.

La reprise économique et l’effort ouvrier.

L’institution des Soviets fonctionnant s’occupera immédiatement de la démobilisation et du désarmement général. Les fortunes scandaleuses, édifiées sur la misère publique, seront saisies et réparties selon les besoins de la classe ouvrière.

Un "Conseil des Soviets" examinera la situation financière nationale et internationale et prendra des mesures immédiates pour que l’argent ne constitue plus un trafic, mais devienne un simple moyen d’échange, sans fournir d’intérêts par conséquent, jusqu’à sa suppression.

Les richesses privées devenues richesses publiques, la suppression des gros traitements des fonctionnaires de l’Etat et de l’armée permettra la création d’une caisse communiste destinée à secourir les vieillards, les invalides, les enfants auxquels le gouvernement des Soviets devra assurer l’existence, sur la base d’égalité avec les travailleurs.

La femme, compagne et égale de l’homme, considérée dans son foyer, recevra la même part que son compagnon. Si elle est seule, au même titre que l’homme et suivant ses moyens, elle produira pour la collectivité.

L’effort de la société nouvelle s’attachera non seulement à l’amélioration des moyens de travail, mais considérera le perfectionnement moral et intellectuel des générations futures.

De nombreuses écoles seront créées, ayant pour devise : "Ni Dieu, ni maître". Le minimum du temps de la scolarité, comportant l’enseignement général, qui devra être prolongé, sera fixé par le Conseil des Soviets et sera tel qu’il permettra d’avoir des hommes capables d’apporter une idée d’émancipation et de progrès dans l’industrie, les sciences, les lettres et les arts.

La fonction ne dépendra plus de la fortune, mais de la valeur individuelle. Le paysan s’occupera de la terre et la fécondera : l’ouvrier gérera l’usine et aura à sa disposition des machines et des outils perfectionnés ; le mineur tirera les produits de la mine ; chacun dans son emploi travaillera pour la collectivité et tous socialement seront égaux.

Régime essentiellement égalitaire où l’utilité de l’effort de chacun sera reconnue dans quelque voie qu’il s’exerce ; où la femme sera libérée du joug masculin que lui imposent les lois actuelles, où les peuples, à quelque race et à quelque couleur qu’ils appartiennent fraterniseront.

Régime de liberté, affranchi du militarisme, des dogmes religieux, et des préjugés de la Patrie : une seule contrainte : la conscience ; une seule patrie, l’univers, un seule religion, l’humanité.

La législation du travail.

Le travail est obligatoire pour tous les valides. Pour tous les citoyens de la République universelle des Soviets, quels que soient l’âge, le sexe, la fonction, les moyens d’existence seront les mêmes et leur permettront la vie large et facile. La part revenant à chacun sera considérée comme lui appartenant personnellement.

La famille, librement constituée, ne sera qu’une association d’êtres groupés par affinités, les parents n’ayant aucun droit sur les enfants qu’ils devront élever en vue de la collectivité.
L’héritage est aboli.

Les Soviets dont le nombre sera subordonné à celui de leurs mandants, contrôleront l’effort social apporté par chacun.
Un accord étroit établi entre les Soviets du monde, la plus grande liberté laissée à chacun, la vie assurée, le bien-être et l’instruction pour tous, voilà les principes qui feront la société nouvelle, celle qui ne connaîtra plus la guerre, ni la lutte des classes, et vivra dans un idéal de paix, de bonheur et d’humanité.