L’Internationale Communiste - 1re partie : le premier congrès en 1919
Submitted by Anonyme (non vérifié)Les bolchéviks considéraient que le processus révolutionnaire était propre à chaque pays, mais que ce processus était imbriqué dans le processus de la révolution mondiale ; la Russie n'avait été que le « maillon le plus faible » de la chaîne.
Par conséquent, les « rouges » n'ont pas que mené la guerre civile pour écraser les « blancs », ils ont également immédiatement commencé à organiser les forces révolutionnaires dans les autres pays. C'est ainsi qu'est née la IIIe Internationale.
La première Internationale avait été fondé par Karl Marx au XIXe siècle ; la seconde avait rassemblé les forces socialistes lors d'un congrès à Paris en 1899, pour cependant s'effondrer en 1914 avec la première guerre impérialiste mondiale.
Le choix du terme de « IIIe Internationale » rattache donc la nouvelle Internationale aux deux précédentes ; c'est un fait important pour saisir dans quelle mesure Lénine s'affiche comme ligne rouge dans la social-démocratie.
Cette approche sera notamment incomprise dans de nombreux pays, où des forces anarchistes ou syndicalistes révolutionnaires tenteront de former des Partis Communistes locaux. C'est évidemment le cas en France, pays où une telle tradition idéologique était particulièrement vigoureuse.
Ainsi, dès 1919 apparaît un « Parti Communiste français », dont l'organe Le Communiste se définit comme étant « l'organe officiel du PCF et des soviets adhérant à la section française de la IIIe Internationale de Moscou, des conseils ouvriers, de paysans et de soldats ».
Sa ligne est simple, formant un mélange de syndicalisme révolutionnaire et de « bolchevisme » : « Un seul moyen : l’action directe pour réaliser un seul but : LE COMMUNISME INTEGRAL. »
Ce « PCF » deviendra en décembre 1919 une « Fédération communiste des soviets » dont l'organe sera Le Soviet, et qui basculera de plus en plus dans l'anarchisme, avant de disparaître.
Cependant, en France le Parti Communiste va systématiquement osciller entre démarche syndicaliste révolutionnaire et réformisme, dans le prolongement des deux tendances historiques du mouvement ouvrier en France à la fin du XIXe siècle.
C'est le contexte général de la naissance de la IIIe Internationale. Du 3 au 10 février à Berne en Suisse a lieu une conférence socialiste internationale de 97 représentants de 27 pays, où l'aile gauche se tourne vers la Russie révolutionnaire.
Tout comme en France cependant, cette aile gauche s'appuie sur une dynamique interne, aux contours théoriques et pratiques pouvant être radicalement différents voire opposés aux conceptions bolcheviques.
Cela se lit lors de la tenue du premier congrès de la nouvelle Internationale à Moscou, du 2 au 6 mars 1919. Furent présents 51 délégués de 29 pays, preuve de l'impact international de la révolution russe, mais des faiblesses organisationnelles : seul le Parti Communiste d'Allemagne était une organisation véritablement construite, tout en étant toutefois dans une position attentiste suite à la perte de ses deux dirigeants historiques, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, quelques mois plus tôt.
C'est d'une grande signification, car c'est l'initiative de fonder un Parti Communiste d'Allemagne qui a amené Lénine à considérer que, de fait, la IIIe Internationale existait, même si formellement elle ne s'était pas encore réunie en un congrès fondateur. L'appel pour l'Internationale Communiste souligne ainsi que:
« La reconnaissance des paragraphes suivants, établis ici comme programme et élaborés sur la base des programmes du Spartakusbund en Allemagne et du Parti communiste (bolchéviks) en Russie doit, selon nous, servir de base à la nouvelle Internationale. »
Le contexte était qui plus est critique, puisqu'une révolution aussi puissante que celle en Finlande avait échoué, se terminant dans une sanglante répression.
A l'opposé, les organisations plus petites étaient particulièrement volontaires pour pousser à la fondation de la IIIe Internationale, tel par exemple le petit Parti Communiste de l'Autriche allemande.
Voici la liste des organisations présentes lors du congrès, en plus Parti Communiste de Russie (bolchévik) et du Parti Communiste d'Allemagne : Parti Communiste de l'Autriche allemande, Parti Communiste de Hongrie, Gauche du Parti Social-démocrate de Suède, Parti social-démocrate de Norvège, Parti socialiste (l'opposition) de Suisse, S.L.P. Américain, Fédération révolutionnaire des Balkans (« Tnessniaki » bulgares) et Parti Communiste de Roumanie, Parti Communiste de Pologne, Parti Communiste de Finlande, Parti Communiste d'Ukraine, Parti Communiste de Lettonie, Parti Communiste de Lithuanie et de Biélorussie, Parti Communiste d'Arménie, Parti Communiste d'Estonie, Parti Communiste des Colons Allemands en Russie, Parti Socialiste Britannique, Groupe réuni des peuples orientaux de Russie, Gauche Zimmerwaldienne française, Groupe Communiste tchèque (de Russie), Groupe Communiste bulgare (de Russie). Groupe Communiste des Slaves du Sud (de Russie), Groupe Communiste anglais (de Russie), Groupe Communiste français (de Russie), Parti Communiste de Hollande, Ligue Américaine de propagande socialiste, Groupe Communiste Suisse, Section du Turkestan du Bureau Central des peuples orientaux, Section turque du Bureau Central des peuples orientaux, Section géorgienne du Bureau Central des peuples orientaux, Section de l'Azerbaïdjan du Bureau Central des peuples orientaux, Section perse du Bureau Central des peuples orientaux, Parti Ouvrier Socialiste de Finlande, Commission de Zimmerwald, Union Ouvrière de Corée.
C'est bien évidemment la figure de Lénine qui était au centre de l'attention, et c'est lui qui émit les thèses sur le rapport entre la démocratie bourgeoise et la dictature prolétariat.
Avec Lénine, on passait du refus de la guerre impérialiste porté par une poignée de socialistes à la conférence de Zimmerwald en 1915 à la transformation par les communistes de la guerre impérialiste en révolution socialiste, et ce au moyen de l'Internationale Communiste devant devenir un état-major de la classe ouvrière mondiale.
L'Internationale Communiste, ou encore « Komintern » pour reprendre le diminutif en russe, adopta pour cela une plate-forme, écrivit un manifeste et adopta de nombreuses résolutions, appelant les masses mondiales à l'organisation.
Voici par exemple ce qui est dit dans « Aux syndicats de tous les pays » :
« Un nouveau mouvement syndical se forme sous nos yeux.
Quels devront être ses traits caractéristiques ?
Il faut qu'il renonce à toutes les survivances de l'étroitesse corporative. Il faut qu'il mette à l'ordre du jour la lutte immédiate — d'accord avec le Parti Communiste — pour la dictature du prolétariat et pour le régime des Soviets, il faut qu'il refuse de repriser à la mode réformiste les anciennes défroques du capitalisme.
Le nouveau mouvement syndical doit mettre au premier plan la grève générale et préparer la combinaison de cette grève avec l'insurrection à main armée. Les nouveaux syndicats doivent embrasser la masse ouvrière et non plus l'aristocratie ouvrière.
Ils doivent appliquer le principe d'une stricte centralisation et de l'organisation par industrie et non par métiers. Ils doivent tendre à obtenir un contrôle ouvrier réel sur la production, et participer ensuite énergiquement à l'organisation de l'industrie par la classe ouvrière victorieuse de la bourgeoisie.
Ils doivent entreprendre une lutte révolutionnaire pour la socialisation immédiate des principales branches de l'économie, sans oublier que nulle organisation sérieuse n'est possible avant la conquête du pouvoir soviétique par le prolétariat.
Ils doivent expulser systématiquement de leur milieu les bureaucrates, infectés d'opinions bourgeoises et incapables de diriger la lutte révolutionnaire des masses prolétariennes. Ils doivent procéder chez eux au nettoyage effectué voilà quelques années par les syndicats russes et que les syndicats de l'Allemagne et des autres pays commencent maintenant.
La leçon donnée par la guerre n'est pas perdue. Les masses prolétariennes diront leur mot. Les syndicats ne peuvent plus réduire le travail à la lutte pour de dérisoires augmentations de salaires.
La cherté incroyable des objets de première nécessité, cherté croissante dans le monde entier, rend plus illusoires que jamais les « conquêtes » dont les trade-unionistes, ancienne manière, étaient si fiers. Ou les syndicats doivent se transformer en véritables organisations militantes de la classe ouvrière ou ils disparaîtront. »
Enfin, l'Internationale Communiste forma un organisme dirigeant : le Comité exécutif, muni d'un bureau. On avait là un état-major : la question restait de savoir comment tout cela allait être organisé dans les faits.