12 mai 2013

Jean Racine, Pierre Corneille, Nicolas Boileau, auteurs nationaux - 3e partie : psychodrame + symétrie comme caractéristiques nationales françaises

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La formation psychique d'une nation concerne les attitudes et les comportements par rapports à des choix dans la vie quotidienne. Et pour synthétiser, on peut dire que la formation psychique nationale française, c'est le psychodrame + la symétrie.

Tous les aspects de la culture française sont frappés du sceau de cela, depuis les relations au travail jusqu'à l'architecture, depuis la musique jusqu'à la politique. En France, tout est un savant mélange d'attitude classique et de crises dramatiques psychologiques.

Dans la formation psychique nationale française, le psychodrame est en effet particulièrement valorisé : il est nécessaire de s'exprimer, de taper du point sur la table, de manière régulière, même si c'est de manière décalée.

La tradition française regarde ainsi d'un œil perplexe les traditions allemande, autrichienne, scandinave, où les émotions sont intériorisées, et elle ne voit pas le sens des explosions de type baroque qui peuvent exister dans ces cultures, qu'on peut retrouver dans le cinéma psychologique d'Ingmar Bergman, l'expressionnisme allemand, l'actionnisme viennois, l'excentricité tchèque, etc.

Dans la formation psychique française, il y a donc une attention importante aux données psychologiques immédiates. Là où dans les traditions allemande, autrichienne, scandinave, etc., on se portera plus sur la tendance générale, l'impression psychologique à moyen ou long terme, la tradition française fait attention aux petits mouvements psychologiques.

C'est cela qui fait, bien entendu, que la formation psychique nationale française accorde une grande place à l'humour, au jeu de mot, au bon mot, qui vient marquer un moment particulier. Même le pire comique troupier apparaît comme plus « fin » que la balourdise « allemande ».

Illustrons cela par un exemple, avec une blague sans grande valeur, mais significative : durant la première guerre mondiale, un Français dénommé Maurice se dit que dans la tranchée d'en face, il doit y avoir un soldat s'appelant Fritz. Il met en joue, appelle : « Hé, Fritz ! », et alors le soldat allemand appelé Fritz se lève à découvert et fait signe de la main, et Maurice lui tire dessus. Au bout de plusieurs fois, un soldat allemand s'appelant Fritz explique que les Français les prennent pour des idiots, et qu'il doit y en avoir un en face s'appelant Maurice. Il met son fusil en joue, et lance : « Hé, Maurice ! » Maurice reste caché, et répond : « Oui, c'est toi, Fritz ? » Et le soldat allemand se lève à découvert en faisant signe de la main et en lançant « Ja ja, c'est moi ! »

Aussi simpliste que cela en ait l'air, il y a là une profonde signification culturelle. La formation psychique française accorde une grande importance au rythme, au tempo, au temps qui passe à court terme ; il apprécie Guignol et l'humour incisif.

C'est pour cela que les tragédies de Jean Racine et de Pierre Corneille ne sont pas de réelles tragédies, mais en réalité des drames. Une tragédie réelle a une dimension cosmique, elle met en jeu les forces de l'univers elle-même. Rien de tout cela chez Jean Racine et Pierre Corneille, où la dimension individuelle prime.

Ici, la formation psychique allemande est très différente : elle ne se place pas dans le court terme, mais dans le long terme, d'où le romantisme avec son contenu cosmique, les opéras wagnériens, etc.

La formation psychique allemande est d'une passivité importante dans le court terme, mais valorise l'importance du long terme, alors que la formation psychique française apprécie l'immédiateté et en appelle à l'ingénosité.

Il n'est pas difficile de voir qu'ici on retrouve la base culturelle pour la France comme patrie des mathématiciens et des ingénieurs, alors que l'Allemagne a toujours valorisé les systèmes de pensée en tant que vision du monde absolument totale.

Le théâtre de Jean Racine et de Pierre Corneille ne présente donc pas tant une vision du monde qu'un appel à l'ordre symétrique : les choses doivent revenir dans l'ordre. La monarchie absolue n'a pas développé de philosophie comme vision du monde, elle appelle juste à la régularité, synonyme de marche correcte du monde.

Cela ne provient évidemment pas d'une quelconque caractéristique ethnique. Les raisons sont historiques et de fait, l'ensemble des caractéristiques nationales devront inévitablement fusionner.

La formation psychique française a indéniablement puisé dans la culture humaniste formée par François Ier, avec ses poètes exprimant leurs amours, leurs déceptions, leurs joies, leurs peines. Cela consiste certainement en le point de départ d'une grande attention à la psychologie, à l'attention à la réception des mots, des écrits, etc.

Mais l'exigence de former quelque chose de classique a également apporté l'exigence de la symétrie : tout doit être maîtrisé. Il y a ici l'exigence d'une attitude feutrée, non pas flegmatique à l'anglaise, mais stoïque, dans le prolongement de la culture antique apportée par le catholicisme.

L'influence de la culture antique a amené un style stoïque, d'acceptation « avec classe » de la réalité, voire plutôt « avec panache » de par la dimension psychodramatique. Les « Français », ce sont de « merveilleux perdants ».

La symétrie de l'attitude, le psychodrame de la situation vécue : la formation psychique nationale française, c'est le psychodrame + la symétrie.

Sans Joachim Du Bellay, il n'y aurait pas eu Jean-Martin Charcot, sans Pierre de Ronsard, pas de Henri Bergson. Et sans Jean Racine, pas de films dramatiques français, sans René Descartes, pas de Daft Punk.

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