L’Internationale Communiste - 5e partie : le cinquième congrès en 1924
Submitted by Anonyme (non vérifié)Face aux défis lancés par le prolongement de la crise et face aux erreurs profondes des Partis Communistes, l'Internationale Communiste affirma la ligne de la « bolchévisation ».
C'était d'autant plus important que la décision fut prise par un congrès qui se tient du 17 juin au 8 juillet 1924, avec 406 délégués de 41 pays, alors que Lénine était mort quelques mois auparavant, le 24 janvier.
Le 5e congrès fut donc celui de la bataille pour maintenir son œuvre, alors que le trotskysme diffusait en URSS même la conception de l'impossibilité du socialisme dans un seul pays, et ainsi par définition l'impossibilité d'une IIIe Internationale comme structure organisée se maintenant en période non directement révolutionnaire.
Comme le formulera un peu plus tard la communiste allemande Clara Zetkine, à une réunion élargie du Comité exécutif de l'Internationale Communiste le 30 mars 1925, il s'agissait alors de repousser tant l'opportunisme de droite que « le putschisme fantastique, le romantisme révolutionnaire » de gauche.
Les Partis Communistes devaient s'organiser sur la base des usines, et réfuter toute tendance, fraction ou regroupement interne ; la prolétarisation de la base devait aider au développement d'un Parti authentiquement politique, capable de faire bloc.
La réalisation de cette ligne s'avérera particulièrement difficile dans certains cas, comme bien évidemment en France. Pétri de traditions démocratiques bourgeoises et de syndicalisme révolutionnaire, les militants français provoquèrent même une crise.
Le Parti organisé en France refusa la ligne du 5e congrès de l'Internationale Communiste, 250 membres (dont onze députés sur 26) signant même une lettre considérant que leur organisation était devenue « une machine ».
Des forces centrifuges s'organisèrent, ayant un impact certain malgré leur expulsion (Boris Souvarine et La révolution prolétarienne, Alfred Rosmer et Pierre Monatte avec le Bulletin communiste, Fernand Loriot et Amédée Dunois avec Contre le courant ).
A la direction même du Parti Communiste – Section Française de l'Internationale Communiste, les éléments « ultras » dominaient. Voici comment le phénomène fut décrit par la suite en général, mais c'était particulièrement vrai pour la France :
« Les petit-bourgeois à allure révolutionnaire combattirent par tous les moyens la tactique du front unique et des revendications partielles, faite pour empêcher les Partis communistes de s'isoler des masses. Ils se déclarèrent contre la politique communiste du travail dans les syndicats.
Ils préconisèrent la sortie des syndicats et la création de nouvelles organisations syndicales beaucoup plus étroites. Enfin ils introduisirent dans les partis communistes un régime intérieur qu'on a justement baptisé centralisme bureaucratique.
Ils « purifièrent » les partis communistes de tous les éléments qui résistaient à leur politique sectaire et firent des Partis communistes des organisations fermées, dans lesquelles les masses des ouvriers n'eurent plus aucune confiance ».
(Alfred Kurella : « Les dangers d’extrême-gauche dans l’Internationale Communiste », Cahiers du Bolchévisme, août 1926).
L'Internationale Communiste se montrera de plus particulièrement inquiète, constatant qu'il n'y a en France aucune expérience de guerre civile, ni même de défaites, que les luttes de masses passaient au mieux par des grèves et des manifestations, avec simplement quelques éventuels heurts avec la police.
Elle dut alors tenter de réorganiser le PC-SFIC par en-haut, en s'appuyant alors sur Maurice Thorez qui se présenta en fin de compte comme « l'homme de la situation » issu de la base et seul recours face au factionalisme. Ce sont précisément ses positions au nom de la base – le fameux « pas de 'mannequins' ! » - qui l'amenèrent à la direction.
Cela résoudra les problèmes d'organisation, mais nullement les problèmes idéologiques puisque Maurice Thorez ne maintiendra le Parti Communiste qu'en en faisant le bras politique d'une ligne « syndicaliste révolutionnaire ».
Les forces centrifuges au sein des Partis Communistes profitaient également ici de l'intense activité trotskyste. Au lieu de critiquer la bolchevisation directement, Trotsky prétendait qu'il s'agissait d'une ligne gauchiste, insurrectionnelle. Il expliquait ainsi :
« La direction répétait avec obstination que la situation révolutionnaire continuait à se développer et que les batailles décisives se livreraient dans un avenir proche. C'est sur la base de ce jugement fondamentalement faux que le Ve Congrès établit toute son orientation, vers le milieu de 1924. »
(L'Internationale Communiste après Lénine)
En réalité, la bolchevisation était la nécessaire prise en main des Partis Communistes, alors qu'ils n'arrivaient pas à s'arracher à leurs erreurs depuis leurs fondations.
Il en allait de la définition même du léninisme, et au 5e congrès apparut ainsi le trotskysme comme courant revendiquant la « démocratie ouvrière » en interne dans le Parti lui-même, dans le sillage des courants « gauchistes » des années précédentes, qui rejetaient le rôle dirigeant du Parti Communiste dans la révolution socialiste, au nom d'une conception petite-bourgeoise de la « démocratie ».