15 avr 1926

Résolution de l'Exécutif élargi contre la droite française

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[1926]

A. Analyse des courants de droite dans le P.C. français

Le Parti communiste français dans la situation actuelle a la tâche immense de mobiliser les masses pour les luttes de défense contre la vie chère, l'insuffisance des salaires, les impôts insupportables, les guerres “coloniales, les menées réactionnaires, etc.

La crise grandissante de la bourgeoisie française lui imposera dans un avenir prochain des tâches plus grandes encore.

Il est certain que, sentant la crise grandir, la bourgeoisie française s'efforcera de désagréger le Parti communiste, d'en détourner les masses, de le rendre inapte à conduire les masses prolétariennes à l'action et à remplir sa tâche historique.

La situation objective de la France est très favorable au développement de notre Parti. Cependant, au cours de cette dernière période, ses succès n'ont pas été proportionnés à cette situation. Les fautes gauchistes de la direction du Parti ont certainement contribué à cet état de choses.

De plus, elles ont donné à la droite une plate‑forme de critique qui lui a permis de rallier les éléments mécontents à l'aide desquels la droite a pu mener une politique de désagrégation du Parti.

Sa critique purement négative, sa révolte contre toute discipline, ses injures grossières et ses calomnies à l'égard du Parti et de l'Internationale, et surtout sa plate‑forme politique nettement étrangère au communisme, au lieu de hâter le redressement nécessaire de la politique du Parti, ont contribué, au contraire, à l'entraver, par la nécessité où était le Parti de se défendre contre les dangers de l'opportunisme petit‑bourgeois et contre la renaissance de l'idéologie syndicaliste.

Objectivement, la droite a servi les intérêts de la bourgeoisie française. A l'heure actuelle, devant les responsabilités et les tâches qui incombent à notre parti, elle est le principal danger qui doit être combattu sans merci.

La droite est liée par un certain nombre de ses membres et par son action en général avec des éléments exclus du parti pour leur indiscipline et qui, de l'extérieur, tentent de discréditer et de désagréger notre parti en déversant contre lui et l'Internationale les plus viles calomnies (Souvarine) ou qui s'efforcent de diminuer ou de nier le rôle du Parti communiste pour faire revivre le vieux syndicalisme de la Charte d'Amiens (Révolution Prolétarienne).

Cette collaboration ouverte ou masquée avec le Bulletin Communiste et la Révolution Prolétarienne, la solidarité que la droite n'a cessé de manifester à l'égard de ces deux organes, détruit la discipline du parti et tend à le désagréger.

La droite s'est efforcée non de corriger des erreurs ou de redresser la ligne politique du parti, mais de discréditer aux yeux des ouvriers français le parti et l'Internationale.

Campagne de dénigrement

Toute la collection du Bulletin Communiste n'est qu'un odieux pamphlet contre le P. C. F., l'I. C. et la Révolution russe. Encore au moment où, cessant sa publication, le Bulletin Communiste dit faire un geste de discipline, il jette au parti une bordée d'injures :

“ Les dirigeants du Parti français sont incapables de mettre un terme au régime intolérable qui écrase le parti parce que c'est un acte qui équivaudrait à leur suicide. Le parti ne les a pas élus, ne les reconnaît pas, et ne les acceptera jamais. Ils le savent et n'espèrent prolonger de quelques mois leur misérable existence politique qu'à l'aide du bâillon, de la calomnie et de l'imposture…
“ Il faut absolument condamner l'amoralisme, le cynisme, l'hypocrisie, la fourberie, le mensonge, le faux et l'usage de faux, la duplicité, les intrigues caractérisant la haute politique des “ léninistes ” de fraîche date qui ont attendu que Lénine soit mort pour s'en réclamer. ”

Jamais les pires adversaires du parti n'ont accumulé contre lui autant de boue que ne l'a fait le Bulletin Communiste, avec lequel se solidarise la droite du parti. Quand Le Peuple ou le Matin publient de telles injures, elles n'ont sur la classe ouvrière aucun effet. Celle‑ci sait que la bourgeoisie essaie de discréditer le Parti révolutionnaire par tous les moyens. Mais quand ce discrédit est semé dans les rangs de la classe ouvrière et du parti lui‑même par un organe qui se prétend communiste, l'œuvre de désagrégation que la bourgeoisie ne peut faire par ses organes, se poursuit et le devoir du parti est de réagir avec la plus grande énergie.

Ce n'est pas seulement sur le Parti français, c'est surtout sur l'Internationale que la droite française, solidaire du Bulletin Communiste, s'est efforcée de jeter le discrédit et la calomnie, s'efforçant de démolir toute confiance des travailleurs dans l'Internationale. Les citations abondent dans la Révolution Prolétarienne autant que dans le Bulletin Communiste. Jamais les renégats Lévy, Frossard, Hoeglund n'ont accumulé tant de boue.

Pour la droite, toute l'Internationale est corrompue et se désagrège:

“ Notre parti bulgare, la première fois décimé, a été aussi exterminé. Notre parti estonien a subi un sort presque identique.
“ Notre parti allemand a perdu tout ce qu'il avait gagné en 1923, a perdu les trois quarts de ses membres, a perdu 2 millions de voix ouvrières aux élections, a perdu toute influence dans les syndicats (2 communistes au dernier congrès syndical) et l'essentiel de ses positions dans les conseils d'entreprises.
“ Notre parti suédois s'est scindé, une fraction rejoignant la social-démocratie.
“ Notre parti anglais, à l'effectif infime, a reçu un nombre de voix plus dérisoire aux élections et a subi au récent congrès de Liverpool du Labour Party une cuisante défaite.
“ Nos partis tchécoslovaque, italien et américain ont subi des crises profondes et n'ont évité la scission que grâce au recul de l'Exécutif de l'Internationale devant l'étendue du désastre.
“ Enfin, le parti français, vidé de la moitié de ses membres, désorganisé, discrédité et battu dans tout ce qu'il entreprend... C'est surtout la déchéance intellectuelle et morale de notre mouvement qui est grave. Le prestige d'après‑guerre du communisme n'est plus qu'un souvenir, La bourgeoisie se rit de nous et la social‑démocratie, partout en progrès, ne nous craint pas. L'immense majorité de la classe ouvrière voit dans les communistes des incapables, des irresponsables, des brouillons, des aventuriers, ‑ dans le meilleur cas des utopistes déraisonnables... Regardons un instant la presse communiste de l'Europe Occidentale : seulement des affirmations présomptueuses, des grossièretés, des vociférations... Que restera‑t‑il de cette pauvre période qui a suivi la mort de Lénine ? Rien, ‑ sinon des ruines. ”

Dans la Révolution Prolétarienne, même prose, plus cynique encore :

“ Pourquoi a‑t‑on imposé de Moscou, en 1924, le changement de la direction du parti tchèque ? Qui a‑t‑on imposé dans cette direction ? Des gens qui ont quelque chose à se faire pardonner, des léninistes de 1924 :
un policier, un voleur, un briseur de grève, un soudard, etc.
“ L'Exécutif compromis avec des gens tarés et mêlés à des intrigues par trop vulgaires se déconsidérera un peu plus. ”

Que cherchent le Bulletin Communiste et la Révolution Prolétarienne par de telles campagnes ? Que veut la droite en se solidarisant avec leur action ? La réintégration de ceux qui écrivent de telles ignominies contre le mouvement révolutionnaire international. Ou bien jeter dans le prolétariat français la méfiance et le discrédit à l'égard de l'Internationale Communiste, au profit de la bourgeoisie française en proie à une crise profonde et qui ne peut elle‑même démoraliser et désagréger les forces du prolétariat.

Il est impossible de penser et de prétendre que ce rôle soit inconscient.

Les ouvriers mécontents, qui se sont laissés entraîner par la droite, doivent ouvrir les yeux sur sa fonction véritable et condamner cette action de défaitisme révolutionnaire.

Ce même défaitisme existe à l'égard de la Révolution russe que la droite prétend défendre, mais qu'elle s'efforce de diminuer et de salir aux yeux des ouvriers de France.

Louzon s'efforce de démontrer dans la R. P. que rien ne subsiste des conquêtes révolutionnaires en Russie et le Bulletin pousse le cynisme jusqu'à écrire, au lendemain de la mort de Frounzé :

“ Le mausolée de Lénine avec son corps embaumé, avec son toit mystérieusement éclairé, ses sentinelles en armes aux pieds du Kremlin où flotte un drapeau illuminé, évoque plutôt la tombe d'un Mahomet ou de Tamerlan que celle d'un guide des ouvriers et des paysans.
“ Lénine était un héros, maintenant on les fabrique. Frounzé était un stratège de génie, un révolutionnaire d'une fermeté extraordinaire, un brave à toute épreuve, ainsi écrit‑on. Mais tous ceux qui l'ont connu savent qu'il était un homme de troisième plan et qu'il s'était conduit en prison d'une façon telle que la Société des anciens forçats politiques refusa de l'admettre comme membre. ”

C'est sur Frounzé une infâme calomnie.

Au moment où des quantités de délégations ouvrières vont en Russie se convaincre que les conquêtes révolutionnaires des ouvriers et des paysans sont autre chose que celles des réformistes, pourquoi cette volonté de tout diminuer, de tout salir ? Pour aider les Béraud et les autres agents de la bourgeoisie à semer le pessimisme et la défiance dans la classe ouvrière.

Cette attitude à l'égard de la Russie soviétique repose aussi sur l'idée que dans la situation actuelle le rôle du parti russe est fini, la dictature prolétarienne superflue :

Le Bulletin Communiste, sous la plume de Souvarine, écrit :

“ En Russie, ce sont les mencheviks que l'on arrête, bien que la République des Soviets ne les craigne plus. Il faut être bien dépourvu d'arguments pour ne pouvoir plus invoquer que celui de la répression. ”

Marthe Bigot, dans le même organe, écrit le passage suivant bien caractéristique de la mentalité de la droite française :

“ On voudrait aujourd'hui voir pendant cette période de ralentissement se former, se créer l'organisation socialiste du monde nouveau dans le seul pays où le prolétariat soit le maître d'influencer son destin... Et la classe ouvrière ne perçoit pas le rythme social nouveau espéré, elle ne voit plus que des formes qu'elle comprend nécessaires durant la lutte aiguë révolutionnaire, mais qui se prolongent sans profit dans la période présente qui devrait être de création. ”

Ainsi la Révolution russe n'a pas créé un rythme social nouveau, la période présente n'est pas de création, il ne reste que des forces surannées de la période de la guerre civile.

Le sabotage de l’action du Parti

Ce dénigrement systématique de tout ce qu'a fait la Révolution russe, l'Internationale communiste et le Parti français, aboutit naturellement au sabotage de l'action du parti. Dans la Révolution Prolétarienne d'octobre, un membre du parti explique de la façon suivante la tactique adoptée par l'opposition :

“ Nos camarades du groupe ont décidé, après un long échange de vues, de cesser complètement toute activité au parti et de pratiquer “ la politique du pire ”... Pour ma part, j'hésite, d'autant plus que les camarades du groupe ont perdu toute foi et sont prêts, au moindre heurt, à se faire exclure ou à déchirer leur carte.
“ Je pense que plus nous ferons le vide devant eux, plus vite nous en aurons débarrassé le parti. ”

Est‑ce là une manière de redresser le parti, de corriger ses erreurs ? C'est le sabotage organisé et la désagrégation de notre parti. Pratiquer “ la politique du pire ”, être prêt à se faire exclure, voilà, tangibles, les résultats de ce défaitisme révolutionnaire dans les rangs du parti.

Ce sabotage et cette désagrégation du parti se sont poursuivis dans une période où notre parti était engagé dans une action contre la guerre marocaine, où il avait besoin de toutes ses forces pour le travail de mobilisation des masses contre l'impérialisme français et la rapacité de sa bourgeoisie.

Questions coloniales et  nationale

La droite a critiqué l'action du parti contre les guerres coloniales et a saboté son action, parce qu'elle partageait sur la guerre du Maroc la conception des impérialistes français que les Marocains sont de race inférieure, des tribus non civilisées. C'est le point sur lequel la mentalité petite‑bourgeoise et social‑patriote de la droite, est le plus caractéristique. La Révolution Prolétarienne de juillet 1925 apporte à ce sujet des considérations qu'il faut souligner :

“ Les dirigeants communistes français se sont comportés à l'égard d'Abd‑el‑Krim comme nos camarades russes à l'égard de Sun‑Yat‑Sen. C'est‑à‑dire en le considérant comme le représentant d'un mouvement révolutionnaire national prolétarien... Ce n'est pas une raison pour que les communistes français s'associent sans mesure à Abd‑el‑Krim, représentant des catégories sociales très différentes, poursuivant des objectifs très différents… Kémal Pacha s'est trouvé incarné dans un mouvement d'indépendance vraiment national, non à l'action des tribus d'une province... ”

Ainsi la lutte héroïque du Riff contre la rapacité de l'impérialisme français n'est pas une lutte pour l'indépendance nationale, une lutte qui met en échec l'impérialisme français et réveille l'esprit d'indépendance des peuples coloniaux et opprimés. Les communistes ne doivent pas soutenir cette lutte des tribus guerrières du Riff contre l'impérialisme français.

Le communiste ” qui écrit ces choses s'efforce de démontrer qu'il faut combattre Abd‑el‑Krim parce qu'il n'est pas communiste. Sans doute nous devons combattre les préjugés religieux et sociaux, le panislamisme des peuples coloniaux, y développer un mouvement populaire paysan et ouvrier, Mais quand les tribus guerrières se soulèvent contre l'impérialisme des métropoles et sont en guerre pour leur indépendance, nous devons combattre non leurs chefs, imbus peut‑être de certains préjugés, mais l'impérialisme qui tente de les assujettir. Ce singulier communiste qui veut combattre Abd‑el‑Krim au moment où la bourgeoisie française s'efforce d'étouffer par la guerre le soulèvement du Riff, s'écrie : “ Le Maroc aux Marocains, oui, mais pas à Abd‑el‑Krim. ”

C'est la même position que Painlevé, qui a déclaré un peu plus tard à la Chambre ne pas vouloir traiter de paix avec Abd‑eI‑Krim, mais directement avec les tribus. C'est la position du social‑patriotisme et de l'impérialisme français pour légitimer la continuation de la guerre de brigandage colonial.

De cette position nettement social‑patriote découle la critique de la droite à l'égard de la fraternisation. Dans une thèse Paz, elle affirme :

“ La fraternisation n'est pas une abstraction, elle ne saurait s'appliquer à toutes les situations. Elle est basée sur la réciprocité. Elle suppose donc une certaine équivalence dans le degré de développement économique des peuples en guerre, par suite de certaine parité dans la maturité politique des troupes en présence ; elle suppose aussi de part et d'autre l'existence d'une organisation révolutionnaire capable de propager le mot d'ordre. Tel n'est pas le cas, lorsque sont en présence les ouvriers et paysans d'un pays capitaliste impérialiste et des paysans cherchant, sous la conduite d'un chef féodal, à réaliser l'indépendance nationale : Le mot d'ordre de fraternisation n'aurait donc pas du être lancé à propos de la guerre du Maroc. ”

Comment les soldats du droit et de la civilisation pourraient‑ils fraterniser avec des paysans à demi‑barbares ? N'est‑ce pas une réminiscence du plus beau temps du social‑patriotisme !

Cette position social‑patriote se retrouve dans la question d'Alsace-Lorraine.

La lettre des 250 affirme :

“ Autant le mot d'ordre du plébiscite alsacien‑lorrain eût été juste en 1918, autant il est destiné aujourd'hui à tomber dans l'indifférence et le ridicule. Pourquoi pas l'évacuation de Nice, de la Savoie, de la Corse ? ”

Ce ton moqueur recouvre une mentalité nettement chauvine. L'Alsace‑Lorraine, depuis 1918, a subi le régime des brimades de la part de l'impérialisme français. La population désire un régime autonome. La droite pense que si le devoir de notre parti était de protester en 1918, au moment de Versailles, contre le rattachement à la France, il doit considérer maintenant l'Alsace‑Lorraine, comme Nice et la Savoie, comme définitivement annexée et ne pas se dresser avec la population alsacienne‑lorraine contre les brimades de l'Etat français. Cette phrase, rapprochée de celles qui traitent de la guerre du Maroc, montre une déviation nettement social‑patriote de la droite française.

La grève de 24 heures

L'attitude de la droite à l'égard de la grève de protestation de 24 heures n'est pas différente.

Elle était contre la grève, d'abord parce qu'elle pense qu'il faut combattre et non soutenir Abd‑el‑Krim. Mais encore elle était contre cette action du parti contre la guerre. Sans doute personne ne pouvait s'attendre à ce que la grève de 24 heures fût générale. Elle aurait pu être mieux préparée, si les membres de l'opposition, au lieu de semer leur méfiance et leur pessimisme, au lieu de pratiquer “ la politique du pire ” et de “ faire le vide ” devant la direction du parti, s'étaient mis résolument au travail. On peut critiquer la tactique employée pour préparer et pour déclencher la grève.

Mais la grève de protestation contre la guerre était une action nécessaire, ce fut la première grève politique, dont le parti ait lancé le mot d'ordre avec l'organisation syndicale, dans l'histoire du mouvement ouvrier français moderne. Elle n'a pas entraîné l'ensemble du prolétariat, elle n'a pas été un succès complet, elle n'a pas non plus été l'échec que l'opposition, renchérissant sur les journaux bourgeois, a voulu y voir.

Le parti doit mener son action, même au prix de certaines répressions. Il doit s'efforcer d'obtenir le maximum de résultats, sans doute, et sur ce point la grève de 24 heures n'est pas exempte de fautes, mais la position prise par la droite contre la grève en elle‑même, ses récriminations contre la répression qui suivit, n'ont rien de révolutionnaire.

Toute cette position de la droite à l'égard de la question nationale et coloniale et de l'action à mener par notre parti contre la guerre est d'autant plus dangereuse que le mouvement d'émancipation des colonies s'étend et qu'il joue un rôle important dans le développement de la crise capitaliste d'après‑guerre comme alliée du mouvement prolétarien.

Les problèmes quotidiens

Une incompréhension semblable se retrouve dans une série d'articles de Louzon dans la Révolution Prolétarienne.

La question des impôts, de la vie chère, la crise financière de la France, toutes ces questions qui sont si intimement liées à la vie quotidienne de la classe ouvrière, qui bouleversent les rapports entre la grande bourgeoisie et les classes moyennes ne devraient avoir pour notre parti et l'action prolétarienne aucune importance, selon la Révolution Prolétarienne de mai 1925 :

“ Que le prolétariat cesse donc de marcher dans la question de la vie chère comme tant d'autres questions, à la remorque de la petite-­bourgeoisie. Qu'il ne pleure pas sur la vie chère, mais qu'il la salue, comme l'heure du combat. Sur tous les terrains, la vie chère lui facilitera la victoire. Ce qui peut arriver de pire aujourd'hui au prolétariat... c'est la baisse du dollar."

Pourquoi ne pas lancer le mot d'ordre : Vive la vie chère et les mercantis qui la favorisent ! Cette politique du pire est le contraire de toute la conception communiste de la lutte quotidienne pour gagner le prolétariat et neutraliser on entraîner des couches profondes de paysans et de la petite-bourgeoisie.

Même attitude à l'égard des impôts (Révolution Prolétarienne de janvier 1926) :

“ La guerre des impôts est une guerre entre bourgeois, ce n'est pas la guerre du prolétariat. ”

Dans le numéro de décembre 1925 sur le même sujet :

“ Or précisément du fait que le prolétariat ne possède rien, les crises financières ne sauraient le toucher, directement tout au moins. Le conflit : qui paiera les impôts ? se passe en dehors de lui. ”

Dès qu'on a une telle conception sur l'impôt, le problème des dettes interalliées du plan Dawes est aussi étranger au prolétariat que celui des impôts.

Dans la Révolution Prolétarienne d'octobre 1925, Louzon affirme :

“ Affaires de bourgeois, affaire entre co‑créanciers, qui n'intéressent pas directement le prolétariat... ” Le milliard de francs‑or à verser par an aux bourgeois anglo‑saxons devra être prélevé soit sur les industriels français par une augmentation de l'impôt, soit sur les rentiers français par une nouvelle diminution de la valeur du franc... phénomènes qui intéressent directement les rentiers, mais qui n'intéressent pas directement les prolétaires.
“ Si ces richesses, et c'est là l'important, n'allaient pas dans les poches des bourgeois anglo‑saxons, elles n'en resteraient pas pour cela dans celles des travailleurs français, elles iraient dans celles des bourgeois français. L'ouvrier n'a donc aucun intérêt à ce que son patron paie des dettes ou ne les paie pas. ”

Toute cette analyse paradoxale montre combien l'opposition, solidaire de la Révolution Prolétarienne, dévie de la politique communiste vers une espèce de maximalisme anarchisant absolument étranger à la vie des masses. D'après ces théories, le plan Dawes ne comporte aucune conséquence pour le prolétariat allemand. Si l'Allemagne paie, si la France paie, c'est la bourgeoisie qui paie, elle ne peut, d'après Louzon, accroître l'exploitation des ouvriers au point de conserver ses profits tout en payant les capitalistes américains sur les profits prélevés par une exploitation accrue du prolétariat.

L'exemple de l'Allemagne et de l'Italie montre tout le paradoxe du raisonnement de la Révolution Prolétarienne.

Sous la plume de Hairius, la Révolution Prolétarienne, n° 12, considère la défense de la petite épargne par notre parti comme une déviation social‑démocrate :

“ N'est‑ce pas social‑démocrate lorsqu'on présente des solutions de la crise financière de l'Etat bourgeois acceptée par des députés radicaux, lorsqu'on s'affirme défenseur de la petite épargne... ”

Les conséquences politiques pour un parti qui envisagerait de cette manière le problème de la vie chère, celui des impôts, de la crise financière et de ses rapports avec la petite bourgeoisie et les paysans seraient désastreuses.

Le rôle du Parti

La Révolution Prolétarienne tente en plus de réviser complètement le communisme en ce qui concerne le rôle du parti dans le mouvement ouvrier. C'est un retour plus ou moins masqué selon les auteurs au syndicalisme de la Charte d'Amiens. Chambelland, dans la Révolution Prolétarienne, n° 10, écrit :

“ En arrachant la C.G.T.U. des mains des anarchistes, nous pensions rester fidèles à l'esprit même de la Charte d'Amiens... Organiser, développer dans les deux C. G. T. un mouvement pour le retour au véritable syndicalisme, à l'autonomie syndicale, à l'unité, à la liberté d'action des tendances, voilà le travail d'une ligne syndicaliste. ”

La conséquence de ce retour à la Charte d'Amiens est la réduction du rôle du parti communiste. Il ne doit pas devenir l'avant‑garde du prolétariat, ne pas se mêler aux luttes de la classe ouvrière.

Allot écrit après la grève de Douarnenez :

“ La grève de Douarnenez ne ressemble pas tout à fait à celles qui ont eu lieu dans notre pays ces dernières années. A Douarnenez ‑ fait tout à fait nouveau, je crois ‑ on a vu le Parti communiste se mêler intimement à la grève. Un délégué, le député Henriet, a été envoyé dès le début.
“ Dans ce conflit, les organisations syndicales et la C.G.T.U. ont paru bien effacées et ont fait bien piètre figure. On eût dit vraiment que la C.G.T.U. manquait d'hommes pour diriger le mouvement et engager la lutte jusqu'à la victoire. On eût dit qu'elle voulait donner raison à ceux qui prétendent que le Parti communiste est l'avant‑garde du prolétariat, l'état‑major qui doit diriger; que le mouvement syndical n'est pas capable de trouver en lui‑même les énergies suffisantes et qu'il a besoin d'être secondé ”. Si l'Union régionale, la Fédération de l'Alimentation et le Bureau confédérai qui dirigeaient la grève avaient été de simples filiales du P C., ils n'auraient pas agi autrement. ”

Dans le numéro 8, Monatte écrit :

“ Gare au lendemain d'octobre (c'est‑à‑dire au lendemain de la Révolution), si les syndicats ne sont pas capables de poser et de garder à la révolution un caractère prolétarien, de faire contrepoids au blanquisme triomphant.
“ Ils savent que la classe ouvrière doit se donner elle‑même ses guides et non pas aller les cueillir tout faits à côté. Ils savent que le syndicalisme d'autrefois doit s'adapter aux besoins des luttes d'aujourd'hui et qu'il n'a pas besoin pour cela d'être la doublure ou la queue du parti.

Pour Louzon, le parti est l'organisation militarisée qui est excellente pour l'insurrection, indispensable à la réussite, mais n'est pas capable de préparer l'ensemble d'une classe à la révolution. Une organisation de ce type n'est pas capable de développer la conscience de classe. Elle n'est pas capable de rendre la classe ouvrière suffisamment confiante en sa propre capacité pour que se crée en elle une volonté révolutionnaire.

La Révolution Prolétarienne, n° 6, conteste au parti le rôle d'éducateur révolutionnaire.

“ Un parti politique ne peut pas remplir le rôle d'éducateur de la classe ouvrière. S'il entreprend d'instruire, il tend à enseigner un catéchisme plutôt qu'à apprendre à ses élèves à exercer leur sens critique. Son rôle de parti, du reste, lui impose cette méthode. Je conclus: il serait désirable qu'il existât en France et en tous pays, une organisation indépendante des partis politiques bien que se plaçant sur le terrain nettement de lutte de classe, qui poursuivrait la tâche d'éduquer le prolétariat. ”

Toutes ces citations démontrent que la Révolution Prolétarienne n'est point un organe qui s'efforce de redresser le parti, mais au contraire de faire revivre la vieille conception syndicaliste de la Charte d'Amiens, le diminuer le rôle du parti, de l'écarter du mouvement ouvrier. La droite à l'intérieur du parti, loin de condamner et de combattre de telles déviations dangereuses, s'est solidarisée avec l'action de la Révolution Prolétarienne

Front unique et organisation

La droite a formulé certaines conceptions du front unique, nettement opportunistes. Loriot déclare: “ Penser qu'on peut séparer les chefs des masses est de l'utopie pure, on ne fait pas le front unique par-dessus la tête des chefs. ”

Penser qu'on ne peut séparer les chefs réformistes des masses ouvrières, c'est n'avoir aucune perspective sur le développement de l'action révolutionnaire de notre parti. Toute notre action en France, au contraire, doit tendre à séparer les masses des chefs réformistes qui les trompent et les mettent au service de la bourgeoisie en détresse.

Enfin, dans la question des cellules, la droite française a pris une position tout à fait fausse : devant la mécanisation de la vie du parti et le manque d'activité politique des cellules, la droite, au lieu de chercher à améliorer une organisation juste, mais jeune et imparfaite, s'est attaquée au principe même de l'organisation sur la base de l'usine.

La droite, soit dans ses thèses et ses écrits, soit dans les organes avec lesquels elle s'est solidarisée, a donc commis une série de déviations très graves et très dangereuses pour notre parti.

B. Résolution sur la droite

Le parti doit agir avec énergie contre les déviations idéologiques de la droite, contre son action de désagrégation et son indiscipline.

Mais, dans sa lutte, il doit tenir compte du fait que cette droite est loin d'être homogène.

La politique passée du parti a provoqué un certain nombre de mécontents qui se. sont ralliés à la droite, non parce qu'ils étaient d'accord avec elle sur son programme social‑démocrate ou syndicaliste, mais parce qu'elle formulait des critiques identiques aux leurs contre le mécanisme de la vie intérieure, l'incompréhension des rapports avec les syndicats, les mots d'ordre et la politique gauchistes.

Ainsi bon nombre d'ouvriers et de militants syndicaux mécontents se sont ralliés à la droite sans accepter tout son programme; d'autres comprenant combien la plate-forme idéologique de la droite s'écartait du communisme, ont constitué un groupe centre (Morin, Humberdot); d'autres encore, en plus grand nombre, mécontents, n'ont perdu confiance ni dans leur parti, ni dans l'Internationale et ont contribué, par leurs critiques en même temps que par un travail discipliné, à redresser la ligne politique du parti et à corriger ses fautes.

Il n'est pas douteux que les modifications apportées par la Conférence du 2 décembre dans la politique et le régime intérieur du parti, dans ses rapports avec le mouvement syndical, modifications confirmées et élargies encore par le Plénum de l'Internationale, donnent à tous ces légitimes mécontents, qui sont fermement attachés à leur parti, la possibilité de travailler pour leur parti.

En dehors de ces mécontents, qui ont momentanément été entraînés à la suite de la droite sans en partager l'idéologie, l'opposition est constituée par une coalition de groupes divers et hétérogènes par leur idéologie et leur composition sociale, mais qui se pénètrent et mènent contre le parti une attaque concertée.

  1. Le groupe du Bulletin Communiste, de caractère nettement intellectuel petit‑bourgeois, tant par sa composition que par son idéologie qui montre des déviations social‑démocrates caractérisées et qui s'est spécialisé dans le dénigrement du parti et de P.C. et dans le travail de désagrégation du parti cherchant à briser sa discipline en y dirigeant de l'extérieur un travail fractionnel.
    Le C.C. doit combattre ce groupe avec énergie et ne pas reculer devant les sanctions disciplinaires. d'exclusion pour réprimer l'indiscipline de ceux qui resteraient liés à lui.
  2. Le groupe Loriot‑Paz‑Dunois, apparenté par sa composition sociale et son idéologie au groupe précédent, mais dont les chefs affectent de rester dans le cadre de la discipline du parti tout en ayant les mêmes déviations social-­démocrates et en poussant une partie de ceux qui les suivent aux campagnes de dénigrement et de désagrégation du parti menées par le B.C.
  3. Le groupe de la Révolution Prolétarienne, qui s'appuie essentiellement sur certains cadres syndicaux et dont la composition est prolétarienne, mais qui s'efforce de faire revivre l'idéologie syndicaliste.

Cette tendance est au sein de la droite, le courant certainement le plus dangereux parce qu'il exploite certaines erreurs du parti pour faire revivre une tradition qui a eu une grande importance dans le mouvement ouvrier français qui était saine et nécessaire au moment où n'existait aucun parti révolutionnaire, mais qui signifie aujourd'hui un recul, une fausse conception du rôle du parti et du rôle des syndicats en France.

Ces derniers, dans cette période de grande industrialisation, doivent s'efforcer de devenir des organisations syndicales de masses et non des organisations syndicalistes sectaires sur le type de la C. G. T. d'avant-guerre. Le parti doit vouer une attention et une énergie spéciales à la lutte contre cette idéologie syndicaliste.

Les “ syndicalistes‑communistes ” de 1926 sont bien différents et jouent dans le mouvement ouvrier un rôle tout autre que celui qu'ils avaient en 1922. Alors, ils évoluaient du syndicalisme au communisme et s'efforçaient de mettre en évidence tout ce qu'ils avaient de commun avec l'Internationale Communiste.

Ils hâtaient par là l'unité des forces révolutionnaires. Actuellement ils opèrent un recul du communisme au syndicalisme, s'efforçant de souligner ce qui les sépare du parti et de procéder à une nouvelle division des forces révolutionnaires françaises. Devant la crise grandissante de l'impérialisme et les tâches qu'elle pose au mouvement révolutionnaire français, cette tentative doit être combattue avec énergie par notre parti, par une campagne idéologique qui montre combien cette position est rétrograde.

Le parti doit combattre ces deux derniers groupes :

  1. En pratiquant une politique juste et en évitant à l'avenir les ,erreurs tactiques gauchistes qui ont permis à la fausse idéologie de la droite de se développer parmi les mécontents au sein du parti.
  2. En établissant dans le parti un régime de démocratie interne qui fasse disparaître jusqu'à la base les méthodes de direction autoritaires et mécaniques.
  3. En établissant des relations normales avec les syndicats.
  4. Sur la base de cette correction politique le parti doit conduire une lutte idéologique soutenue contre les déviations social‑démocrates ou syndicalistes de la droite afin d'en détacher les vrais communistes mécontents, un moment égarés par elle.
  5. En rétablissant au sein du parti, avec la démocratie interne, une discipline rigoureuse à l'égard des éléments qui collaboreraient ou se solidariseraient avec les organes extérieurs du parti ou qui continueraient le sabotage de l'action du parti en pratiquant “la politique du pire.”

Dans certains de ses derniers documents, une partie de la droite a tenté sur certains points une retraite stratégique en ne rééditant plus les déviations les plus grossières déjà énoncées par le parti français.

Il ne suffit pas de se taire, les 250 doivent dire clairement s'ils abandonnent leurs conceptions fausses sur certaines questions tactiques importantes, s'ils se désolidarisent du Bulletin Communiste et de la Révolution Prolétarienne, et s'ils condamnent leur ligne politique anticommuniste et leur œuvre de désagrégation du parti.

La droite a posé la question de la réintégration des exclus. L'Internationale ne s'est jamais refusée de réintégrer ceux qui, exclus, sont restés fidèles et disciplinés à l'Internationale même hors du parti, ou qui, ayant reconnu leurs erreurs les ont eux‑mêmes condamnées et ont exprimé la volonté de revenir à l'Internationale Communiste.

Pour Souvarine certaines conditions lui avaient été fixées après le V° Congrès mondial; il ne les a pas observées et le Présidium a répondu par un refus à sa demande de réadmission; l'Exécutif élargi confirme cette résolution du Présidium.

Le Parti et l'Internationale ne refuseront pas d'envisager la réintégration des exclus qui, fidèles et disciplinés au parti, malgré les sanctions qui les frappent, auront prouvé par leur activité de militants qu'ils n'ont rien de commun avec les insulteurs et les désagrégateurs du mouvement révolutionnaire et demanderont leur réadmission.

Ces questions étant clairement posées, le parti et l'Internationale seront impitoyables pour ceux qui, malgré les modifications apportées dans la politique et le régime intérieur du parti par la conférence du 2 décembre, et par l'Exécutif élargi, continueront leur travail fractionnel et désagrégateur.

L'Exécutif élargi demande à la droite d'une façon catégorique de se désolidariser et de briser d'une façon définitive avec des éléments qui, de l'extérieur, cherchent à désagréger le parti, et de travailler loyalement au sein du parti sur la base de la ligne politique rectifiée par le parti et par l'Internationale.

L'Exécutif élargi fait appel à tous les camarades du parti pour que, sur la base de la ligne politique confirmée par l'Internationale reprennent la loyale collaboration de toutes les forces au travail et aux luttes du parti.