20 nov 2014

Le film « Eden » : un hold up de quadragénaires nostalgiques sur la culture populaire

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« La deep house est un sous-genre de la musique house créé à Chicago aux États-Unis.Elle est apparue à la fin des années 1980 et évolue au sein de labels désormais mythiques tels que Guidance, Prescription ou Naked Music. Larry Heard est considéré comme le créateur de la deep house avec son morceau Can You Feel It sorti sur Jack Trax en 1988.

Ce qualificatif de deep ("profond" en français) renvoie à la dimension plus introspective de ce style, proche du jazz et de la Soul, alors que la musique House classique est plus directement reliée aux racines disco et funk. Avec une tendance groove, les basses y sont souvent entrecoupées par la percussion de façon syncopée. » (Wikipédia)

« Le garage (ou US garage, ou Garage house) est un style de musique apparenté à la house et au disco, qui doit son nom au club Paradise Garage de New York dans lequel officiait le DJ Larry Levan. Ce club marque encore certains clubs underground tels que le Shelter à New York, la soirée Cheers à Paris ou encore les soirées Respect, mondialement connues.

Du fait de ses compositions très diverses, le plus souvent chantées, flirtant avec le funk, la soul et le disco, ce style oscille depuis ses débuts entre un dépoussiérage de succès des années 1970 et un style éclectique mais véritablement neuf et original.

Une version plus rapide et syncopée de ce style, appelé UK Garage ou speed garage, a été développée en Angleterre. »  (Wikipédia)

Même pas peur ! Non seulement ces gens ont, dans les années 1990, vendu la culture « garage » afin de se procurer prestige et drogues, mais en plus fallait-il qu'ils en fassent un film : « Eden », sorti hier.

Encore, les Daft Punk avaient fait une même récupération, mais pour partir dans une autre direction. D'ailleurs, lorsqu'en juin 2013, le nouvel album des Daft Punk était sorti, il était facile de constater que « ce que Daft Punk a produit n'était en effet pas fascinant, comparativement à l'immense richesse de la House music, du Garage à la Hard House. C'était seulement facile et propre ».

Les Daft punk l'ont toujours assumé, d'ailleurs ; ils ont fait du français bien carré et le lyrisme du garage ne les a pas intéressé. Par contre, le film « Eden » qui est sorti hier exprime une récupération sordide.

On peut bien arguer que le frère de la réalisatrice Mia Hansen-Løve (marié à Olivier Assayas) est Sven, un DJ qui a joué un rôle historique dans le clubbing parisien des années 1990. Le problème n'est pas là : les petit-bourgeois et bourgeois de la région parisienne qui se sont appropriés la culture de la musique garage n'en ont pas compris la dimension populaire, sa profondeur culturelle, démocratique.

Pour eux, c'était de l'amusement joyeux et branché, voilà tout. Tout le contraire d'un Thierry Théolier qui vient de sortir un nouvel album electro-destroy expérimental anti-hype, en mode totalement DIY (do it yourself) précisant bien : « Les journalistes, les pigistes et autres gonzos, suckers de hype et de pop culture sont priés de se torcher le cul avec la pochette (en papier de verre) ».

C'est vulgaire et trash et nihiliste, ou bien au contraire expressionniste, selon comment on interprète le « Hollande n'est pas un dude », tout est encore possible et justement c'est cela qui marque le caractère authentique, fragile, de ce qu'est la culture dans ses débuts.

Rien à voir donc avec un enterrement première classe de quadragénaires nostalgiques ayant raté la participation à la production d'une culture populaire. « Eden » n'est qu'une auto-célébration pathétique, une nostalgie qui se prétend mélancolie, pour masquer sa nature.

Le film a un scénario qui s'appuie sur cette vision du monde, où des individus sont les organisateurs, les protagonistes des soirées. Le vide du contenu est caché derrière la bande-son, qui en fait ne fait que renforcer le rôle des organisateurs. Les soirées mythiques appelées « Respect » et « Cheers » se voient réduites à des « créations » géniales de la part d'individus branchés, et non pas une production portée par les masses.

Les gens qui ont porté cette culture ne sont donc pas présents autrement que comme décor d'ailleurs ouvertement stylisé pour ne pas faire trop ringard ; au lieu d'avoir un film sur eux, on a un film sur des petits-bourgeois et bourgeois aventuriers, flibustiers de la scène club.

Cette escroquerie parisienne est d'autant plus parlante qu'au même moment en Angleterre il y avait une gigantesque vague, en parallèle, encore plus populaire, et célébrant également l'universalisme. Comme le disent les chansons du groupe « The Shamen », l'humanité ne doit plus être qu'une seule nation, un peuple en continu, avec la technologie pour les nouvelles générations, un esprit positif, etc.

Là où en Angleterre cela passait par les raves, aux États-Unis cela passait par les clubs. Là où en Angleterre cela passait par l'idéologie des travellers et des hippies, aux États-Unis cela passait par le gospel massivement présent dans l'identité du garage.

Que la démarche ait un contenu limité, peut-être, que cela ait été démocratique, c'est une évidence. Gageons d'ailleurs que le club Queen n'aurait pas pu faire vivre les soirées « Respect » ou « Cheers » si sa base n'était pas une communauté gay en quête de reconnaissance, dans un esprit encore de lutte, avant la récupération capitaliste complète de la fin des années 1990.

Le réalisateur du film prétend que la musique garage ne regardait pas le futur. C'est totalement absurde : la musique garage a des textes très élaborés, célébrant la romance, le refus du racisme, une mentalité pacifique, l'universalisme, le refus des gens trafiquant leurs sentiments.

Mais les petits-bourgeois et bourgeois parisiens s'en moquaient : ils ont fait carrière à Paris et à New York aux dépens du garage. Le film raconte la désillusion lorsque la vie décadente de ces opportunistes prend fin lorsque la mode change : voilà le prix à payer lorsqu'on abandonne la base populaire.

La French touch aurait pu être le démarrage d'un vaste mouvement dans la jeunesse, dans un esprit constructif tourné vers l'expérimentation culturelle, le fait de servir des peuples dans des soirées positives. La France aurait pu abandonner son ringardisme pour assumer une vaste culture musicale et enfin se débarrasser de Téléphone, Michel Sardou et Johnny Halliday.

Cette possibilité, il faudra bien la réaliser dans une démocratie populaire. L'universalité de l'appel à une House nation ne saurait disparaître parce que des bourgeois et des petits-bourgeois ont décidé de ne plus servir le peuple, tués par les balles enrobées de sucre du capitalisme.


 

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Même pas peur ! Non seulement ces gens ont, dans les années 1990, vendu la culture « garage » afin de se procurer prestige et drogues, mais en plus ils en on fait un film : « Eden »...