1 juin 2013

Daft Punk - Random Access Memories

Submitted by Anonyme (non vérifié)


Les Français ne peuvent pas vraiment faire du Rock'n roll, mais comme leur culture vient de Nicolas Boileau et René Descartes, ils maîtrisent les boucles : c'est ainsi que naquit la House française.

Le seul problème est que la France n'est ni le Los Angeles ou Chicago, avec une tradition chaude et soul, ni Detroit ou Berlin et leur froideur. La quête de l'identité de la French touch est ainsi une bataille en cours.

Et au milieu de celle-ci, on trouve Daft Punk, dont le nouvel album Random Access Memory est la première grande tentative de définir l'identité de la French touch.

Mais qu'est-ce que Daft Punk ? Daft Punk était le joyau de la culture et de la scène musicales de la House française des années 1990, une scène profitant notamment de la ville de Paris et de ses discothèques ouverts aux jeunes DJ, afin de distraire les grand bourgeois et les top models.

Les lignes et l'imagination, avec un grand sens du son, une culture très importante, une volonté de danser en été sur de la house music: c'était la culture et le rêve américain de la culture de la House française.

Ce que Daft Punk a produit n'était en effet pas fascinant, comparativement à l'immense richesse de la House music, du Garage à la Hard House. C'était seulement facile et propre. Un titre comme « Crescendolls », sur Discovery, ne montre que la grande assiduité aux soirées House ; c'est un copié collé de la House gay classique des années 1990.

Mais de cette façon, cela a été un pont entre House intelligente avant-gardiste et musique populaire, et par conséquent, cela a été reconnu comme un excellent produit culturel, c'est devenu une bannière.

Les masses avaient choisi : Homework des Daft Punk, qui est sorti en 1997, était un classique français. C'était une simple expression de toute une culture, de tout le rêve de la French touch de produire une musique fraîche et chaude pour les clubs, dans l'esprit de Miami et Chicago, avec en arrière-plan une fascination pour Detroit.

Mais c'était aussi une bannière de la raison pour laquelle ce que les Français apprécient Daft Punk - c'était la French touch.

Il y avait cependant un problème : la sensibilité et la rationalité ont toujours été deux pôles antagonistes en France ; si Homework a réussi à être borderline comme le montre les étonnantes chansons et les vidéos étonnantes comme « Around the world » et « Revolution 909 », Daft Punk s'est retrouvé ensuite en difficulté.

Discovery, à partir de 2001, a été le début d'une tentative de continuer dans une direction techno / house clean et légère, qui a clairement échoué en 2005 avec Human After All. C'était le prix pour ne pas assumer la culture en soi : le duo de Daft Punk portait toujours des masques et a fait semblant d'être indépendant, mais n'a eu aucun problème à être un consommateur VIP à Ibiza.

Même les fameuses soirées gratuites « Respect », dans le club (alors) gay du Queen sur les Champs-Elysées, n'ont pas duré.

Après un début fabuleux en 1996 et la formation d'une jeune génération mélangée, traversant tous les styles, les promoteurs de « Respect » (qui a vraiment été la base de la French touch) ont succombé aux appels de New York, Bruxelles, Copenhague, Sydney, etc.

L'argent et la reconnaissance bourgeoise internationale, au lieu de produire une nouvelle culture populaire,  ont tué la production de cette nouvelle culture – Marine Le Pen peut d'ailleurs leur dire « merci » –.

Il y avait donc deux possibilités : soit Daft Punk révèle sa propre possibilité, et en fait ce n'était qu'un début, soit Daft Punk tombe dans la musique dance ouvertement commerciale. Conscient de cela, car ayant une culture importante de la musique, Daft Punk a réussi un saut, en deux étapes.

La première étape a été un album de 2010 composé de 24 pistes pour le film Tron : Legacy (ou Tron 2). Tron était un film légendaire du début des années 80, base culturelle de la French touch. C'était le choix parfait, et le travail de Daft Punk a été brillant.

La deuxième étape est le nouvel album, qui vient de sortir : Random Access Memory. Le titre est une allusion à la technologie, bien sûr (et la RAM est aussi une figure de Tron).

Cette fois, Daft Punk a essayé de se déplacer au-delà du formalisme français, en invitant de nombreuses personnalités musicales, comme le célèbre Giorgio Moroder, l'auteur-compositeur Paul Williams, Nile Rodgers du groupe Chic, le musicien Gonzales, Julian Casablancas des Strokes, le producteur de House Todd Edwards, Panda Bear d'Animal Collective, le chanteur et producteur Pharrell Williams, DJ Falcon un ami de Daft Punk.

Cette étape est-elle suffisante ? Il est nécessaire de dire non. C'est une bonne étape, hors du formalisme, dans la continuité de la musique de Tron : Legacy, mais ce n'est pas suffisant. L'album est tombé trop facilement dans la musique de danse répétitive ou les poses intellectuelles.

L'énorme travail sur les sons a tué l'intégrité de ceux-ci, c'est encore trop propre, sans la dignité du réel. En fait, l'erreur de Daft Punk est de ne pas avoir pas compris le double aspect du disco.

Daft Punk – Random Access Memories essaie de recréer le son du disco, mais avec la technologie. Mais le duo n'a pas compris que la symphonie du disco est opposée à la partie électronique qui est devenue la High Energy (Miquel Brown avec « So many men », Divine avec « Shake it up », etc.).

Donc l'album tend à l'harmonie apparente bourgeoise, comme un rêve français paresseux de jouer de la musique à Miami, en prétendant toujours être funky génial, quand en fait c'est une évasion décadente.

Daft Punk a oublié ici l'appel de l'époque : son album est bien fait, mais enfantin. Il correspond bien sûr à la société française, mais c'est une illusion. L'appel à tout le monde à danser n'est pas un contenu. Ce simple appel ne peut tout simplement pas être assez pour produire de la culture.

C'est la différence entre Daft Punk et Kraftwerk, ou Nirvana, les Beatles, Youth of Today, Canned Heat, The Cure, Metallica, The Doors, etc.

Ces groupes n'étaient pas seulement l'expression de leur époque, ils ont également travaillé sur elle. Daft Punk a-t-il eu une influence sur la société française ? Pas encore, et il n'en aura jamais tant que la perspective restera intellectuelle à la manière formelle française.

Daft Punk pourrait être aussi important que Serge Gainsbourg, mais pour cela il doit cesser de vivre d'une façon parallèle à la société française - il doit quitter le rêve bourgeois américain de la French touch.

 

 

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