28 avr 2014

La double canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II à la lumière du matérialisme dialectique

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La double canonisation qui a eu lieu hier à Rome, devant 800 000 fidèles catholiques, est de très grande importance, et c'est tout un symbole que le premier ministre Manuel Valls ait été présent là-bas.

La France est un pays de culture catholique : c'est un fait trop souvent « oublié » ou considéré comme secondaire. La raison de cet « oubli » vient du fait qu'au XVIe siècle, le roi François Ier a réussi à arracher une église « gallicane », dans une ligne qui sera également celle de Louis XIV. En clair, en France, c'est la religion catholique en version « oui mais » : la catholicisme est hégémonique, mais l’État passe avant tout.

On a ainsi eu les cardinaux Richelieu et Mazarin, mais pas de propagande massive, inquisitoriale et populaire, comme celle qui sera appelée le « baroque » (d'où en France où il n'a pas vraiment existé la réduction du baroque à un « style » dans la méconnaissance de sa nature idéologique).

Les rois ont soutenu l’Église catholique, mais en ayant leur propre culture : François Ier piochait dans l'humanisme et la Renaissance (d'où en France la confusion complète et bien entendu erroné entre les deux), Louis XIV avait quant à lui la cour et Molière (avec notamment les fameux Tartuffe et Dom Juan ou le festin de pierre comme œuvres offensives anti-cléricales).

Par la suite, les Lumières elles-mêmes ont fait comme Descartes : elles n'ont pas su rejeter le Dieu des catholiques et ont célébré un déisme qui est une sorte de catholicisme laïc, que les catholiques reprendront eux-mêmes également en partie : c'est l'idéologie de la revue Télérama, du quotidien Le Monde, de tout le courant « catho de gauche », avec bien entendu le mythe « Victor Hugo » célébré comme père de la république démocrate-chrétienne, dont Manuel Valls est une sorte d'avatar moderne.

Le pape François, nommé en 2013, se situe tout à fait dans cette même démarche ; il se veut sobre et proche du peuple. Il ne faut cependant pas se leurrer : tout cela est une stratégie de la part de ce jésuite, tout comme les jésuites ont été les véritables organisateurs du mouvement du « baroque ».

Il s'agit d'évangéliser, de reconquérir les masses. A l'époque du baroque, c'était pour reconquérir les masses acquises au protestantisme, en particulier dans les zones où le mouvement hussite avait laissé des traces profondes, comme l'Autriche et la Bohème, l'empereur autrichien devenant à partir de ce moment-là une composante en tant que telle du catholicisme en Europe.

Le baroque a ainsi généralisé les reliques dans les églises, les masses devant prier les ossements pour voir leurs vœux exaucés, les églises étant elles-mêmes très richement décorés, de manière tape à l’œil et pour présenter le caractère trompeur du monde non divin (c'est le principe du « trompe l’œil »), alors que se multipliaient les processions en l'honneur de la vierge.

Le pape François est quant à lui aujourd'hui au cœur d'un sorte de nouveau baroque, et d'ailleurs il suit en cela la démarche ouverte par Jean-Paul II. Afin de renforcer le culte catholique, il faut ancrer l'idéologie localement. C'est pour cela que des gens sont béatifiés, afin qu'un culte local s'instaure, voire canonisés, afin d'apparaître comme des « saints » à vénérer.

Dans les 300 années ayant précédé le pape Jean-Paul II, il n'y eut que 300 canonisations. A lui tout seul, Jean-Paul II en a canonisé 482, béatifiant également 1338 personnes. Si l'on ajoute son rôle, en tant que pape polonais, dans le soutien anti-communiste à l’Église polonaise, on comprend aisément pourquoi il a été canonisé hier : c'est une reconnaissance militante.

C'est également le sens de la canonisation de Jean XXIII, puisqu'il a joué un rôle capital en inaugurant le second concile œcuménique du Vatican, le fameux « Vatican II » qui a rénové toute l'Eglise catholique. On peut se douter – et en tant que matérialistes dialectiques nous avons bien sûr d'en parler précisément le temps venu – qu'il y aura une gigantesque célébration catholique de la fin de ce concile à l'occasion du 50e anniversaire, en novembre 2015.

Vatican II a joué un rôle aussi grand que le concile de Trente, qui à la fin du XVIe siècle pavait la voie au baroque et à l'Eglise catholique justement jusqu'à Vatican II (où c'est précisément le concile de Trente qui sera cité le plus comme référence).

En célébrant Jean XXIII et Jean-Paul II, le pape François veut donc dire qu'il faut passer à une nouvelle étape, celle d'une reconquête idéologique (déjà formulée sur le plan théorique par son prédécesseur Benoît XVI). L'Eglise catholique passe de la défensive – Vatican II comme modernisation avec l'arrêt de la prière en latin, rapprochement de la population, doctrine sociale, etc. - à l'offensive.

C'est le sens de la formule de la canonisation, où le pape se pose comme successeur officiel de Jésus-Christ, comme en communication avec le divin et comme instaurateur de vénération et de dévotion :

« En l'honneur de la Très Sainte Trinité, pour l'exaltation de la foi catholique et pour le développement de la vie chrétienne, avec l'autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ, des Saints Apôtres Pierre et Paul, et la Nôtre, après avoir longuement réfléchi et invoqué à plusieurs reprises l'aide divine et écouté l'avis de beaucoup de Nos Frères dans l'Épiscopat, nous déclarons et nous définissons Saints, les Bienheureux Jean XXIII et Jean-Paul II. Et nous les inscrivons dans le Livre des Saints et nous décrétons  qu'ils doivent être vénérés avec dévotion dans toute l'Église. Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. »

C'est le sens de « l'homélie » saluant le combat des deux papes militants :

« Jean XXIII et Jean-Paul II ont eu le courage de regarder les plaies de Jésus, de toucher ses mains blessées et son côté transpercé. Ils n'ont pas eu honte de la chair du Christ, ils ne se sont pas scandalisés de lui, de sa croix ; ils n'ont pas eu honte de la chair du frère (Cf. Is 58,7), parce qu'en toute personne souffrante ils voyaient Jésus. Ils ont été deux hommes courageux, remplis de la liberté et du courage (parresia) du Saint Esprit, et ils ont rendu témoignage à l'Église et au monde de la bonté de Dieu, de sa miséricorde.

Ils ont été des prêtres, des évêques, des papes du XXème siècle. Ils en ont connu les tragédies, mais n'en ont pas été écrasés. En eux, Dieu était plus fort ; plus forte était la foi en Jésus Christ rédempteur de l'homme et Seigneur de l'histoire ; plus forte était en eux la miséricorde de Dieu manifestée par les cinq plaies ; plus forte était la proximité maternelle de Marie. »

La dernière phrase est essentielle, puisque l’Église va dans les 25 prochaines années procéder à l'instauration toujours plus grande d'un culte à Marie ; c'est une évidence aux yeux du matérialisme dialectique : Marie est la seule « porte » idéologique vers la population, car dans le catholicisme elle est l'humaine la plus pure, qui se situe entre le divin et notre monde.

Enfin, soulignons l'importance de la question latino-américaine ; la nomination du pape François, d'origine argentine, rentre dans ce cadre-là. Et le camarade Gonzalo a parfaitement analysé la question déjà, en 1988, pressentant la question de la « nouvelle évangélisation » avec l'Amérique latine comme épicentre :

El Diario : Quel est votre avis sur la Nouvelle Évangélisation proposée par le Pape?

Président Gonzalo : Marx nous enseigna que « la religion est l’opium du peuple. » C’est une thèse marxiste complètement valable aujourd’hui et elle continuera de l’être demain; la religion est un phénomène social, produit de l’exploitation, et disparaîtra au fur et à mesure que l’exploitation sera balayée et que surgira une nouvelle société.

Ce sont des principes que nous ne pouvons éluder et que nous devons toujours avoir à l’esprit. Il faut se rappeler aussi, lié à ce que nous venons de dire, que le peuple a une religiosité qui n’a jamais été ni ne sera un empêchement pour qu’il lutte pour ses profonds intérêts de classe tout en servant la révolution et concrètement, la guerre populaire. Il doit être extrêmement clair que nous respectons cette religiosité en tant que problème de liberté de conscience religieuse, comme le reconnaît le programme sanctionné par le Congrès.

C’est ainsi que la question posée est, selon nous, le rapport avec la hiérarchie ecclésiastique, avec la Papauté, avec cette vieille théocratie. Cette vieille théocratie sut s’organiser et devenir un puissant instrument déjà à l’époque romaine, puis elle a sut s’accommoder aux conditions de la féodalité et acquérir un pouvoir immense, plus grand encore, tout en refrénant à chaque circonstance la lutte populaire et en défendant les intérêts des oppresseurs et des exploiteurs, idéologiquement, comme un bouclier réactionnaire pour ensuite, une fois les conditions changées, s’adapter à la nouvelle situation.

Nous pouvons le constater d’une façon claire dans les rapports entre l’Eglise et la révolution bourgeoise, la vieille révolution bourgeoise, c’est-à-dire celle de la France par exemple; l’Église défendit avec ténacité la féodalité, puis à travers de nombreuses luttes et après le renversement de la féodalité, -je le redis à la suite de nombreuses luttes- elle s’accommoda de l‘ordre bourgeois et devint un instrument au service des nouveaux exploiteurs et oppresseurs. Qu’observons-nous donc dans la situation présente?

Nous voyons qu’il y a une perspective historique irréfrénable: la révolution prolétarienne mondiale. La nouvelle ère ayant commencé en 1917, le problème est: comment le prolétariat dirige des révolutions pour changer l’ordre social caduque et nous construire une nouvelle et véritable société, le communisme. Maintenant, comment agit l’Église face à cela? Elle agit d’après son expérience passé.

Elle essaie de survivre et c’est ainsi qu’on peut expliquer la célébration du Concile Vatican II par lequel elle cherche a créer des conditions qui puisse lui permettre de défendre le vieille ordre comme elle l’a toujours fait puis de s’adapter et de s’accommoder à la nouvelle situation, pour servir des nouveaux exploiteurs pour continuer à survivre. Voilà ce qu’elle cherche! C’est l’essentiel du Concile Vatican II.

La question de la « nouvelle évangélisation » fait expressément référence à comment la haute hiérarchie ecclésiastique, la Papauté concrètement, considère le rôle de l’Amérique latine. D’après leurs dires, la moitié des catholiques du monde sont en Amérique Latine -c’est ce que disait le Pape actuel en 1984-.

Par conséquent, ils cherchent à tirer profit de l’anniversaire de la découverte de l’Amérique, il y a 500 ans, en appelant à un soi-disant mouvement « de nouvelle évangélisation. » En synthèse voilà ce qu’ils pensent: l’évangélisation a commencé officiellement en 1494 avec la découverte de l’Amérique. En fait ils veulent développer une "nouvelle évangélisation" à l’occasion de ce nouveau centenaire pour défendre leur bastion. Voilà ce qu’ils cherchent! Ainsi la haute hiérarchie, la Papauté, vise à défendre ses intérêts en Amérique et à servir l’impérialisme nord-américain qui est celui qui domine principalement en Amérique latine.

Il faut situer ce plan dans le contexte d’une campagne et d’un plan mondial, lié aux relations avec l’Union Soviétique dans le cadre du millénaire de sa christianisation, où avec le révisionnisme chinois, les actions de l’Église en Pologne, en Ukraine. C’est un plan mondial et c’est là qu’il faut voir le rôle de la "nouvelle évangélisation".

Ils cherchent comme toujours à défendre l’ordre social existant, se dressant comme son bouclier idéologique, car l’idéologie de la réaction, l’idéologie de l’impérialisme, est déjà périmée. Ensuite ils cherchent à s’accommoder et à continuer à survivre. Mais la perspective sera différente de ce qu’elle était avant et en suivra la loi énoncé par Marx: la religion s’estompera au fur et à mesure que l’exploitation et l’oppression seront détruites et dissoutes car elle sert les classes exploiteuses, alors que la classe qui arrive, n’est pas une classe exploiteuse. Par conséquent la Papauté ne pourra pas survivre et la religiosité progressivement devra disparaître.

Il faut reconnaître entre temps la liberté de conscience religieuse jusqu’à ce que les hommes, se frayant un chemin dans des nouvelles conditions objectives, puisse avoir une conscience claire scientifique et transformatrice du monde. Pour nous donc, il faudrait que nous analysions en synthèse, la "nouvelle évangélisation" à l’intérieur de ce plan de l’Église pour survivre aux nouvelles conditions d’une transformation qu’elle sait inéluctable et prochaine.

La double canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II est ainsi une opération idéologique d'envergure : aux communistes d'en avoir conscience, à la lumière du matérialisme dialectique, aujourd'hui marxisme-léninisme-maoïsme.

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