29 aoû 2009

Quand des anarchistes soutiennent la « révolte contre le monde moderne »

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Exactement comme dans les années 1920, les fascistes partent à l’assaut de la démocratie et de la notion de progrès. Leur idéologie: il n’y a plus de classes sociales, mais une « société de consommation », et l’individu doit partir en révolte contre le monde moderne, se transcender, atteindre le « sacré ».

Faut-il alors être clair et précis, et rejeter les décadents, pour ne pas céder un pas au fascisme?

La réponse est oui, mais tel n’est pas le point de vue du site le « Jura Libertaire ». Critiqué sur Contre-Informations pour son apologie éhontée de Michéa, le site persiste et signe.

Ainsi donc, le « Jura libertaire » appuie l’offensive bourgeoise contre Mai 1968 et l’idée de progrès, en mettant en avant Michéa, cet intellectuel salué par le Figaro comme « anarchiste » peut-être, mais comme « conservateur » sûrement (« Anarchiste » tant qu’il voudra, Jean-Claude Michéa est bel et bien un « conservateur » au sens où l’entendra H. Arendt : un monde livré à la toute-puissance de l’idéologie comme au seul souci de l’économie est dangereux pour la liberté humaine.»).

Michéa, qui peut oser affirmer de manière la plus fantasmatique qui soit, dans « La Caillera et son intégration » (sic!), que:

« Si l’on parle en, effet, de l’intégration à une société, c’est-à-dire de la capacité pour un sujet de s’inscrire aux différentes places que prescrit l’échange symbolique, il est clair que cette fraction modernisée du Lumpen n’est pas, « intégrée », quelles que soient, par ailleurs, les raisons concrètes (familiales et autres) qui expliquent ce défaut d’intégration.

S’il s’agit, en revanche, de l’intégration au système capitaliste, il est évident que la Caillera est infiniment mieux intégrée à celui-ci (elle a parfaitement assimilé les éloges que le Spectacle en propose quotidiennement) que ne le sont les populations, indigènes et immigrées, dont elle assure le contrôle et l’exploitation à l’intérieur de ces quartiers expérimentaux que l’État lui a laissés en gérance.
»
(L’Enseignement de l’ignorance)

Voilà le fantasme ultra-réactionnaire de Michéa, qui est typique des réactionnaires qui se prétendent « de gauche », mais critiquent uniquement… « la gauche »! Car Michéa ne critique pas le capitalisme, mais le « libéralisme », et la cible de toutes ses critiques est non pas les fascistes, les capitalistes, la social-démocratie, etc., mais la « Gauche traditionnelle ».

Une démarche typique de l’extrême-droite, surtout quand on sait que ce qu’il lui reproche, à cette prétendue « gauche traditionnelle », c’est « sa foi simpliste dans le mythe bourgeois du « Progrès » !

Un nihilisme, un pessimisme absolument typique de tous les auteurs fascistes, dans une tradition commencée par Nietzsche et continuée par l’intégralité des auteurs fascistes.

A l’encontre de la figure de la « caillera », Michéa met d’ailleurs en avant le « bandit d’honneur », le « pirate », qui « au moins » aurait été lié à une « communauté locale » – un fantasme qui est là aussi typiquement fasciste, depuis le « projet apache » des « identitaires » parisiens jusqu’aux fascistes italiens faisant du pirate Albator leur symbole!

De la même manière, Michéa explique que la délinquance ne provient pas de la crise générale du capitalisme, de la misère vécue par les masses… Non, elle viendrait… du libéralisme, en tant qu’idéologie! Michéa n’est pas un ami des masses, mais un agrégé de philo les méprisant, elles et leurs « erreurs »…

Et évidemment mai 1968 est considéré comme symbole de tous les maux, en raison de sa « récupération » par « l’asphyxiante société de masses »… Voilà bien une position nihiliste et décadente, propre à notre époque, qui est celle de la société bourgeoise en perdition.

Les masses populaires sont appauvries chaque jour davantage, et les serviteurs de la bourgeoisie critiquent… la société de consommation! Au lieu de vouloir aujourd’hui un mai-juin 1968 qui aille jusqu’au bout, les réactionnaires ne regardent que l’aspect négatif d’hier, la récupération par le capitalisme pour se relancer, et ainsi justifier leur posture aristocratique….

Et voilà le genre de sinistre individu que met en avant le site « Jura libertaire »!

Normalement, l’anarchisme est une idéologie mettant en avant la spontanéité individuelle, et considérant avec justesse la société comme une prison. Il est un courant issu du mouvement ouvrier, et parfois lui étant encore rattaché. La défense de mai 1968 fait partie de ses meilleures traditions.

Mais là avec la crise générale du capitalisme, l’anarchisme se transforme bien souvent, par anticommunisme, en « révolte contre le monde moderne », en culte aristocratique du moi individuel.

L’appui à Michéa est un modèle du genre, et un appui suicidaire, car Michéa assume lui-même son projet de dynamiter l’identité historique du mouvement anarchiste:

« L’importance traditionnellement accordée par les anarchistes au problème de l’éducation des individus (aussi bien familiale que scolaire) – de même que leur sensibilité constante aux dimensions morales et psychologiques de l’activité politique – n’a rien qui doive étonner. Et dans la mesure où le refoulement de ces questions fondamentales est à l’origine de toutes les mésaventures du mouvement révolutionnaire, depuis la bureaucratisation inévitable de ses organisations jusqu’à ses dérives totalitaires les plus prévisibles, l’anarchisme apparaît moins comme un courant politique parmi d’autres que comme une propédeutique morale à toute révolution possible (ou, si l’on veut, comme une « métapolitique »), si du moins on entend par révolution [...] l’institution, par les classes jusque-là dominées, d’une société libre, égalitaire et décente. »
(L’Empire du moindre mal).

L’anarchisme français est à la croisées des chemins, de par son incapacité à saisir la complexité du monde.

Sa seule alternative pratique semble être d’un côté une révolte romantique contre le « monde moderne », clairement poreuse avec le nihilisme fasciste toujours plus fort, et de l’autre une soumission servile au trotskysme, pour une esthétique « révolutionnaire » au service… du syndicalisme, pendant que le NPA tire les marrons politiques du feu.

Sa seule alternative théorique semble être d’un côté une apologie de l’idéologie libérale-libertaire, remettant en cause tout ce qui existe (hommes et femmes, classes sociales, crise écologique etc.) pour glorifier le moi individuel, et de l’autre un culte réactionnaire du 19ème siècle dans une version fantasmée, syndicale et clairement conservatrice.

Il faut être clairement vigilant face à cette vague anti-matérialiste, qui sous prétexte de combattre le « monde moderne », remet en cause le fait que l’histoire a un sens, et que les masses exigent le communisme!  

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