Autonomie prolétaire ou autonomie des communautés autogérées?
Submitted by Anonyme (non vérifié)Si l'on considère qu'une révolution est nécessaire pour changer une société, alors inévitablement la question de la destruction de l’État est incontournable.
Si on prend celle-ci sérieusement comme objectif dans une société moderne, développée, alors il n'y a que deux perspectives, toutes deux élaborées dans les années 1970 en Europe.
La première, c'est celle qui affirme que l'avant-garde reconstruit l'antagonisme sous une forme subjective, dynamitant les positions idéologiques et culturelles ennemies, affrontant l’État le long d'une dynamique de classe. C'est le maoïsme.
La seconde, c'est celle qui affirme que des communautés organisées de manière autonome doivent vivre en marge de l’État et s'agglomérer, servant alors de vases communicants à un espace autonome. Ce dernier, toujours plus fort, fait se dissoudre les institutions.
Cette seconde option est celle de Julien Coupat et de sa mouvance. Lancée à la toute fin des années 1990, la proposition stratégie d'insurrection comme aboutissement de la formation de communautés autonomes a connu un succès profond, rassemblant des milliers de personnes à différents niveaux.
L'insurrection qui vient, publié en 2007, a été le point culminant sur le plan idéologique et l’État s'est précipité dès 2008 pour tout étouffer dans l’œuf, ce qui donna naissance à l'affaire Tarnac.
En apparence, l’État s'y est mal pris ; en réalité, il avait compris la dangerosité de la situation et a cherché à frapper de la manière la plus nette, quitte à ce que soit bancal.
Peu importe ainsi à l’État le procès qui se tient en ce mois de mars 2018 ; ce qui compte c'est qu'une formation d'initiatives para-étatiques soit écrasée.
Il y avait d'autant plus à gagner que cette proposition d'insurrection était fondée sur une base sociale d'intellectuels et de déclassés, avec un refus total de la politique.
C'est ici qu'on retrouve bien entendu Julien Coupat, qui est pratiquement une figure littéraire d'un roman du 19e siècle, à ceci près qu'étant déjà issu de la bourgeoisie et passée par une des plus grandes écoles de commerce, il lui fallait trouver une aventure suffisamment marquante.
Il a choisi le discours d'ultra-gauche situationniste proposé par Guy Debord, y ajoutant des relents existentialistes (tirés du philosophe pro-nazi Martin Heidegger) et « désirants » (tirés du philosophe post-moderne Michel Foucault) et de larges emprunts à la conception du mouvement autonome italien des années 1970.
Il a servi de sas intellectuel à toute une mouvance d'esprit anarchiste, mais surtout petit-bourgeois, vivant dans une sphère intellectuelle totalement coupée du prolétariat.
D'où les discours mystiques et millénaristes (avec donc la revue Tiqqun Organe conscient du Parti Imaginaire, l'Appel, ainsi que L'Insurrection qui vient), les marches aux flambeaux et les vies communautaires typiques de l'esprit fasciste des années 1930, etc.
L'insurrection généralisée de petites communautés autonomes, dont la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est une conséquence immédiate d'ailleurs, est un fantasme petit-bourgeois, une tentative petite-bourgeoise de faire reculer la roue de l'histoire.
Julien Coupat lui-même ne parle pas de bourgeoisie, d'ailleurs, mais bien d'une « oligarchie mondiale et française ».
Lui-même prend bien soin de ne rien assumer, prétendant refuser toute hiérarchie, mais étant en réalité incapable d'incarner quoi que ce soit.
Pour cette raison, le procès qui se déroule en ce mois de mars va heureusement mettre un terme à cette mascarade ; le passage pathétique de Julien Coupat le 8 mars à l'émission Envoyé Spécial est déjà une mise à mort d'un show qui a un rôle terriblement négatif ces quinze dernières années.
La mouvance de Julien Coupat, celle du Comité invisible, a en effet amené dans des voies de garage plusieurs milliers de personnes ayant cherché de trouver une voie pour refuser le système dominant.
L'existence de ces milliers de personnes est passée bien entendu inaperçue auprès de pratiquement tout le monde, de par les pratiques blanquistes, conspiratrices de type anarchiste. Elle n'en a pas moins été réelle ; il fut un temps où les squats en France étaient largement sous hégémonie des « invisibles ».
Où sont ces gens ? Ils se sont dispersés, ou bien sont passés dans le camp d'un intellectualisme pseudo-rebelle, dont le site Lundi.am est l'expression idéologique et culturelle.
Tous les discours sur une » autonomie italienne comme en 1977 » se sont révélés mythomanie de petit-bourgeois.
Et qui est-ce que cela aide ? L’État, tout d'abord, qui peut apparaître comme étant « démocratique » car étant possiblement remis en cause. Le discours de Julien Coupat comme quoi il n'y a pas d'ultra-gauche anarcho-autonome, comme quoi l’État fabule, etc. permet l'émergence d'une pseudo-critique de l’État, tout en ne changeant rien sur le fond : l’État reste la contre-insurrection bourgeoise dans son essence même.
Ensuite, toute une série d'affabulateurs qui, à l'extrême-gauche, prétendent changer les choses réellement tout en apparaissant publiquement, en utilisant facebook, leurs téléphones portables, etc.
Face à l’État et face à ces affabulateurs, la valeur de l'autonomie prolétaire doit donc être défendu. Les errements de la mouvance de Julien Coupat ne condamnent pas l'autonomie, mais la vision d'une autonome coupée du prolétariat, qui se fonderait sur des communautés autogérées établies de manière subjectiviste.
L'autonomie réelle par rapport aux institutions ne peut pas provenir de leur simple refus et du choix de la marginalité, mais bien de l'établissement d'un terrain de lutte se posant en conflit avec les institutions de par leur base même, tout en ayant une dimension populaire dans son essence même.
La mouvance de Julien Coupat a contourné la question du prolétariat, basculant dans l'idéalisme ; elle a nié les questions idéologiques et culturelles, ce qui se voit surtout par sa négation complète du véganisme et de l'écologie comme questions essentielles du 21e siècle.
Tout éloignement du prolétariat, de la bataille idéologico-culturelle, empêche l'affirmation de l'autonomie prolétaire et conduit immanquablement à la défaite ou la capitulation.