L'agriculture et la question des pesticides
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le reportage de l'émission Cash Investigations du mardi 2 février 2016 intitulé « Produits chimiques : nos enfants en danger » a provoqué une réaction légitime dans les masses et a eu un large écho dans les médias, nationaux et régionaux.
La France est en effet le pays d'Europe qui utilise le plus de pesticides pour son agriculture. Comme les pesticides se diffusent facilement dans l'eau et dans l'air, ils contribuent à une pollution toujours plus grande.
Les cancers des enfants (notamment les tumeurs cérébrales et les leucémies) sont désormais la deuxième cause de mortalité infantile. Or, une étude récente de l'Inserm a montré que ces cancers étaient sans aucun doute liés à l'utilisation toujours plus intensive des pesticides.
Les masses de France sont donc particulièrement concernées par le problème des pesticides et c'est devenu une grande question démocratique. Ce sont ainsi 65 000 tonnes de pesticides purs qui sont vendues chaque année en France. La carte ci-contre, réalisée par les journalistes de Cash Investigations, montre les départements les plus consommateurs de ces produits chimiques.
On voit sur cette carte que le département de la Gironde figure parmi les plus pollués de France. Ainsi, le journal Sud-Ouest note que ce sont entre 2700 et 3320 tonnes de pesticides qui sont achetées chaque année. Le département compte d'ailleurs 132 écoles classées « sensibles » à cause de la proximité avec des zones d'épandage massive de pesticides. En mai 2014, 23 enfants et leur enseignante sont intoxiqués, certains faisant même des malaises suite au traitement de vignes voisines.
En Gironde, les épandages concernent surtout les vignes et le journal Sud-Ouest explique que « sur certaines parcelles de vignes, il y a jusqu'à 18 épandages de pesticides par saison ». On constate d'ailleurs sur la carte que la Marne, le département des vignobles de Champagne, figure également parmi les départements les plus touchés. Mais le problème des pesticides ne concerne pas que la vigne, elle touche aussi fortement la culture maraîchère et céréalière.
À ce stade de leur enquête, les journalistes de Cash Investigation expliquent qu'ils choisissent de ne pas mettre en cause les agriculteurs qui ne sont pas coupables d'empoisonner les masses mais victimes de « grands profiteurs » : les grands monopoles des produits chimiques. Mais qu'en est-il vraiment ?
Il existe aujourd'hui 6 géants internationaux de l'agrochimie qui produisent les pesticides qu'utilisent les agriculteurs français : les américains Monsanto, Dow Chemical et DuPont, les allemands BASF et Bayer, et le suisse Syngenta. Le documentaire montre bien le cynisme avec lequel ces entreprises distribue leurs produits à haute toxicité et les moyens qu'elles sont capables de déployer pour protéger leurs intérêts.
Il y aura d'ailleurs bientôt probablement des fusions-acquisitions réduisant le nombre de ces monopoles à quatre. Ces fusions-acquisitions vont encore empirer la situation. En effet, plus la monopolisation est forte, plus le pouvoir des monopoles s'accroît sur la société : ils dicteront de plus en plus leurs lois et seront ainsi de plus en plus anti-démocratique.
Mais ces monopoles sont-ils les seuls responsables de cette situation ?
Non, bien sûr. C'est tout un système économique englobant les monopoles industriels ainsi que les politiques publiques vendues à ces monopoles.
Et les agriculteurs ne sont-ils que des victimes ?
Non, bien évidemment, ils participent également de ce système économique. Les agriculteurs sont des chefs d'entreprise qui défendent leurs intérêts, qui cherchent à augmenter leurs profits.
La France est ainsi le premier producteur de céréales de l’Union européenne et le deuxième exportateur mondial derrière les États-Unis. C'est donc un secteur stratégique pour l'impérialisme français.
Toutefois, le secteur céréalier revendique un modèle français dans lequel les petites exploitations sont encore largement majoritaires.
Or, si l'on regarde les statistiques de l'Agreste (Service de la statistique et de la prospective du Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt), on voit que les 20 % des exploitations les plus grandes (celles de plus de 100 hectares) cultivent 66 % des grandes cultures. On voit également que les 20 000 exploitations de plus de 200 hectares cultivent 3700 hectares de grande culture tandis que les 210 000 exploitations de moins de 20 hectares ne cultivent que 300 hectares de grande culture.
Autrement dit, comme le revendique le secteur céréalier, les petites exploitations sont bien majoritaires mais ce ne sont pas elles qui assurent la majorité de la production.
Toujours est-il que, petites ou grandes entreprises, la logique est à l'utilisation des pesticides pour augmenter le rendement à l'hectare.
En effet, Karl Marx a montré que la mécanisation de la production entraîne une chute tendancielle du taux de profit. Autrement dit, dans le milieu agricole, comme il y a moins de salariés agricoles, alors il y a moins de surtravail volé. Pour pallier à ce manque à gagner, les bourgeois cherchent l'intensification de l'exploitation, c'est-à-dire à optimiser la production pour une même surface, d'où l'utilisation massive de pesticides.
De nombreux agriculteurs se défendent en accusant la grande distribution. Ce serait leurs exigences de qualité visuelle et de quantité qui pousseraient les agriculteurs à utiliser de manière intensive les pesticides. Certains poussent même le raisonnement jusqu'à dire que la grande distribution elle-même répond à la demande des consommateurs, que ce sont ces derniers qui recherchent absolument des produit beaux et peu chers.
Autrement dit, selon ces agriculteurs, ils seraient « obligés » d'utiliser d'aussi grandes quantités de pesticides à cause des masses. Cela traduit bien l'attitude de mépris des bourgeois contre les masses.
Reprenons donc la question de la recherche de produits peu chers. S'il paraît logique qu'un agriculteur puisse vendre ses légumes plus chers que ce qu'ils lui coûtent à produire, pour nombre de travailleurs la recherche des produits les moins chers correspond juste au fait de pouvoir manger correctement tout le mois.
De nos jours, tout le monde voudrait pouvoir manger bio. Les reportages comme celui de Cash Investigations ou les récentes révélations sur les nombreux pesticides contenus dans les pommes ou les salades ont poussé les masses à se questionner sur la qualité des aliments qu'ils achètent.
Cependant, manger uniquement des légumes et céréales bio est un objectif impossible à atteindre pour la grande majorité des masses. C'est en cela que le modèle de l'agriculture bio tel qu'on le connaît aujourd'hui n'est pas une solution viable.
Pour que ce soit le cas, il faudrait complètement changer le mode de production dans l'agriculture. Il faudrait assumer la socialisation de la production agricole – et on sait l'importance qu'ont déjà les subventions allouées aux agriculteurs par la société par l'intermédiaire de l'État – et développer de grands monopoles bio.
Ces monopoles assureraient une production capable de nourrir l'ensemble de la population, permettant d'obtenir des prix de produits alimentaires corrects tout en maintenant un salaire pour les ouvriers agricoles qui correspondrait réellement à leur travail.
De manière générale, selon le matérialisme dialectique, les monopoles représentent actuellement la forme la plus évoluée de l'organisation de la production, forme qui évoluera encore avec le socialisme, c'est-à-dire quand ils seront mis au service des masses.
Ainsi, dans la même logique, la grande distribution, c'est-à-dire les monopoles dans le commerce, représentent un progrès historique par rapport aux petites épiceries. Il faut évidemment aussi assumer la socialisation de la grande distribution. Les supermarchés évolueront ainsi sous le socialisme pour adopter des tailles moins tentaculaires et pour se tourner toujours plus vers l'intérêt des masses.
Les révélations de Cash Investigation, et d'autres reportages, sur les pesticides choquent profondément les masses qui s'inquiètent pour leur santé, et celle de leurs enfants. La façon dont les agriculteurs cultivent les fruits, les légumes et les céréales est devenue une grande question populaire.
Il n'y a pas de capitalisme vert et le fait que les six grands monopoles des pesticides soient d'ailleurs en train d'acquérir des sociétés développant des solutions alternatives aux pesticides n'est qu'une anecdote par rapport à la dimension du problème. Quant à la production bio petite-bourgeoise, elle est incapable de fournir en masse aux masses.
Seule l'appropriation des moyens de production permettra aux masses d'accéder à une grande variété de fruits, de légumes et de céréales produits dans des conditions saines.