6 juin 2012

Gaullisme, néo-gaullisme et fascisme - 5. Le néogaullisme de Marine Le Pen prépare le fascisme

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Aujourd'hui en France, c'est dans la dynamique portée par Marine Le Pen que le néogaullisme trouve son expression politique la plus cohérente.

L'orientation véritablement néogaulliste du Front National est récente. Elle date de la prise de pouvoir dans le Front National par Marine Le Pen en 2011.

Avant elle, avec Jean-Marie Le Pen, le FN restait une simple organisation d'extrême-droite. Il ne visait pas à prendre le pouvoir, mais à polariser la société bourgeoise sur sa droite.

Le FN a été un catalyseur de tout ce que la société française produit de plus malsain et réactionnaire sur le plan idéologique et culturel. Une extrême-droite plus radicale évoluait en même temps à sa marge, mais de manière cohérente à lui (de la même manière qu'une extrême-gauche « radicale » évoluait en marge mais en soutien de la social-démocratie dans les années 1980/1990). 

La social-démocratie a largement profité de l'opposition populaire au Front National. C'était une critique « facile » qui permettait de mobiliser en masse. Mais cela s'est fait au prix du démantèlement de tout véritable contenu idéologique et culturel de l'antifascisme. Le refrain « la jeunesse emmerde le Front National » du groupe punk Les Béruriers Noirs illustre cela. 

Ce qui comptait pour le FN, c'était d’apparaître comme étant contre le système, comme rebelle et, surtout, « dangereux ». Aujourd'hui, c'est sur cette image pseudo antisystème que s'appuie Marine Le Pen pour mobiliser les masses face à la bourgeoisie libérale et la social-démocratie. 

Mais la nature néogaulliste du projet de Marine Le Pen prouve clairement sa nature de classe : c'est un projet de redressement de l'impérialisme français, une expression organique des franges les plus agressives et radicales de la bourgeoisie impérialiste française. Son anticapitalisme de façade et sa démagogie pseudo-sociale servent, de manière fasciste, à brouiller les pistes et tenter de mobiliser les masses populaires.

Le néogaullisme de Marine Le Pen est porté par trois figures principales : Florian Philippot et Paul-Marie Coûteaux (deux énarques dont nous avons parlé dans la partie précédente), mais aussi Bertrand Dutheil de La Rochère. 

Ayant une image d'homme de « gauche », ce dernier est une figure de choix de la dynamique de Marine Le Pen. Membre de l'Union des Étudiants Communistes en 1968, membre fondateur du Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement (dont il a été directeur de cabinet), ancien chargé de mission auprès d’Henri Guaino, ancien Chef du Service de Presse au Service d’Information et de Relations Publiques des Armées. Il a écrit en 2009 « Les civilisations occidentales, une histoire en quête d'avenir », un ouvrage identitaire et nationaliste proto-fasciste qui met en avant le monde « latin » contre le monde « anglo-saxon ». 

Chacune de ces trois figures a son rôle dans le développement néogaulliste du projet de Marine Le Pen.

- Florian Philippot est celui qui articule l'ensemble du projet et lui donne sa cohérence du point de vue de l'impérialisme français. Principal critique de l'Euro et de l'Union Européenne, il met en avant un discours et des économistes antilibéraux, appuyant à fond sur la notion de service public. De manière très gaulliste, il est partisan d'un État fort menant une politique directement au service des monopoles français. Il veut « une action stratégique et volontariste d'un État fort capable de réarmer la France dans la mondialisation ».

- Bertrand Dutheil de La Rochère est celui qui contribue à donner une connotation républicaine au projet réactionnaire de Marine Le Pen. Sa mise en avant de la laïcité sert de prétexte, sur la plan international à une hostilité au « monde anglo-saxon », et sur le plan national à un racisme vis-à-vis des minorités arabes et juives notamment. Il est partisan de l'autorité de l’État, entre autre à l'école qui « doit redevenir un endroit où l'on transmet des connaissances et non plus un lieu de vie, et l'autorité des maîtres doit être restaurée parce que les professeurs savent et les élèves, par définition, sont ceux qui ne savent pas. » Son rôle est de construire un enrobage républicain à une vision du monde ultra-réactionnaire, dans la lignée du gaullisme.

- Paul-Marie Coûteaux est celui qui met en avant une culture française farouchement antiaméricaine, tout comme Charles De Gaulle le faisait lui-même. En fait de culture, c'est une vision impérialiste de la tradition nationale-bourgeoise française. Il est censé incarner la « civilisation française » et exprime une politique du « rayonnement de la France dans le monde » et de sa « défense face aux agressions de la mondialisation » qui est présentée comme étant plutôt surtout une « américanisation du monde ». Paul-Marie Coûteaux se présente comme un spécialiste de Charles De Gaulle, notamment à travers ses deux ouvrages De Gaulle philosophe, le tome 1 sous-titré Le Génie de la France et le tome 2 La colère du peuple.

On peut caractériser la nature néogaulliste du projet de Marine Le Pen par :

- la mise en avant d'un État fort, soi-disant social ;

- la recherche de l'autorité et de l’hégémonie de l’État dans la vie quotidienne des masses ;

- la prétention d'être au-dessus, voir au-delà, de la lutte des classe et d'incarner une « troisième voie » par l'association du Capital et du Travail (ce qui est le propre du fascisme) ;

- la prétention d'incarner véritablement le « corps national », totalement mythifié et présenté comme initialement pur mais corrompu (cela aussi est surtout le propre du fascisme) ;

- la promotion de la « francophonie », c'est-à-dire du rayonnement culturel de l'impérialisme français dans le monde ;

- la prédominance d'une politique militaire autonome – tout comme Charles De Gaulle, Marine Le Pen est farouchement opposée à la participation de la France à l'OTAN ;

- la construction d'une alliance inter-impérialiste européenne – constituée autour d'un axe Paris-Bonn à l'époque de Charles De Gaulle et d'un axe Paris-Berlin-Moscou à l'époque de Marine Le Pen (dans les deux cas en contradiction avec l'Union Européenne telle qu'elle existe aujourd'hui, comme nous l'avons étudié dans la précédente partie) ;

- une opposition farouche au bloc impérialiste anglo-américain ; 

- la justification d'une politique néo-coloniale de la France. Tout comme Charles de Gaulle avait organisé le pré-carré de le France en Afrique, le projet de Marine Le Pen est d'organiser le « développement » de  l’Afrique pour ne pas l'« abandonner aux puissances émergentes » en permettant un « soutien fort par l’État français des investissements privés français en Afrique ».

Dans la lignée du gaullisme, le projet porté par Marine Le Pen consiste fondamentalement à organiser et garantir la domination de la bourgeoisie impérialiste, c'est-à-dire du capital financier et des groupes monopolistes sur les institutions étatiques. Pour cela, Marine Le Pen cherche d'abord et surtout à renforcer l’État lui-même, ce qui, à l'époque du capitalisme monopoliste d'Etat - la fusion directe des monopoles avec l'Etat - revient au même.

Parallèlement, le nationalisme de Marine Le Pen est une tentative de neutralisation de la lutte des classes et de la pression démocratique des masses populaires. Le nationalisme doit servir à mobiliser les masses derrière l'impérialisme français. 

Cela avec en arrière plan, comme perspective à plus ou moins long terme, un conflit militaire d'envergure, une nouvelle guerre impérialiste.

Preuve en est l'importance du budget militaire dans les projets de Marine Le Pen et les discours prônant un renforcement et une modernisation massive de l'infrastructure militaire française. Notamment exprimés par Jean-Yves Waquet, son Conseiller à la Défense nationale, Contre-Amiral de l'Armée française, Ingénieur de l’École Navale, breveté de l’École Supérieure de Guerre Navale et d’Études Militaires Supérieures, breveté atomicien « Marine », commandant du sous-marin nucléaire « Le Redoutable » en 1987, conseiller « armement » de l’ambassadeur de France à l’OTAN en 1991 et Directeur du port militaire de Toulon en 1994.

Notons aussi, et surtout, dans cette perspective, la volonté d'organiser une Garde Nationale de 50 000 réservistes « mobilisable dans un bref délai ».

Si, comme nous l'avons vu, le gaullisme n'est pas à proprement parlé un fascisme, il n'en est pas de même de la dynamique portée par Marine Le Pen. L'évolution et la synthèse moderne du gaullisme, le néogaullisme, a évolué de manière de plus en plus fascisante dans les années 2000.

Avec Marine Le Pen, le néogaullisme a entamé une fusion avec le cœur de la pensée fasciste française. Plus précisément encore, la force de Marine Le Pen est d'avoir su synthétiser les nombreuses tendances de la pensée fasciste française (occidentalisme, pensée identitaire, antisémitisme, syndicalisme-révolutionnaire, nationalisme-révolutionnaire, haine anti-arabe, anti-américanisme, anti-communisme, etc.). Depuis une partie des identitaires jusqu'à Alain Soral, depuis les nationalistes autonomes ou bien le bricolage nationaliste/syndicaliste révolutionnaire de Serge Ayoub jusqu'à une partie de l'extrême-droite sioniste et des catholiques intégristes, pratiquement toutes les tendances du fascisme (à part celles islamistes) soutiennent Marine Le Pen (et/ou fonctionnent ouvertement de manière parallèle à elle). 

La dynamique fasciste de Marine Le Pen s'appuie sur le travail de fond effectué dans les années 2000 dans l'extrême-droite, notamment par les principaux penseurs fascistes français : Alain de Benoist et Christian Bouchet.

Durant la crise capitaliste des années 1930, la bourgeoisie impérialiste n'a pas pu imposer le fascisme en France, principalement du fait de la pression démocratique populaire organisée par le Parti Communiste. Au sortir de la seconde guerre mondiale, le gaullisme est apparu comme un compromis pour la bourgeoisie impérialiste : elle a organisé la mainmise des monopoles sur la société française mais tout en n'exerçant pas ouvertement sa dictature de manière fasciste.

Cela était possible en période d’expansion impérialiste – cela n'est plus possible en période de crise capitaliste. La généralisation et l'accentuation de la crise du capitalisme ne permet pas d'autre orientation pour l'impérialisme français : le néogaullisme se transforme inévitablement en un fascisme.

Aujourd'hui, Marine Le Pen occupe un rôle central dans la dynamique de fascisation de la société française et son néogaullisme permet une préparation de la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier français.

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