3 juin 2012

Gaullisme, néo-gaullisme et fascisme - 2. Gaullisme et fascisme

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La raison pour laquelle le gaullisme n'est pas un fascisme tient essentiellement en une chose : le gaullisme est républicain ; il met systématiquement en avant « la République » et n'est donc pas une dictature OUVERTE des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier.

Le fascisme au pouvoir est, comme l'a caractérisé avec raison la XIIIe Séance Plénière du Comité exécutif de l'Internationale Communiste, la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier.

La variété la plus réactionnaire du fascisme, c'est le fascisme du type allemand, il s'intitule impudemment national-socialisme sans avoir rien de commun avec le socialisme allemand. 

Le fascisme allemand ce n'est pas seulement un nationalisme bourgeois, c'est un chauvinisme bestial. C'est un système gouvernemental de banditisme politique, un système de provocation et de tortures à l'égard de la classe ouvrière et des éléments révolutionnaires de la paysannerie, de la petite bourgeoisie et des intellectuels. 

C'est la barbarie médiévale et la sauvagerie.

C'est une agression effrénée à l'égard des autres peuples et des autres pays.

Georgi Dimitrov, Fascisme et classe ouvrière.

Effectivement, le gaullisme au pouvoir ne consiste pas en la barbarie médiévale et la sauvagerie. Il n'est pas une dictature terroriste ouverte.

Mais pour autant, voyons quelle est précisément la nature de classe du fascisme et quelles sont ses caractéristiques.

Continuons avec Dimitrov, qui fait référence en la matière pour nous communistes :

Le fascisme allemand apparaît comme la troupe de choc de la contre-révolution internationale, comme le principal fomentateur de la guerre impérialiste, comme l'instigateur de la croisade contre l'Union Soviétique, la grande patrie des travailleurs du monde entier.

Le fascisme, ce n'est pas une forme du pouvoir d'Etat qui, prétendument, « se place au-dessus des deux classes, du prolétariat et de la bourgeoisie », ainsi que l'affirmait, par exemple, Otto Bauer. 

Ce n'est pas « la petite bourgeoisie en révolte qui s'est emparée de la machine d'Etat », comme le déclarait le socialiste anglais Brailsford. 

Non. 

Le fascisme, ce n'est pas un pouvoir au-dessus des classes, ni le pouvoir de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassées du prolétariat sur le capital financier. 

Le fascisme, c'est le pouvoir du capital financier lui-même.

C'est l'organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels.

Le fascisme en politique extérieure, c'est le chauvinisme sous sa forme la plus grossière, cultivant une haine bestiale contre les autres peuples.

Il est nécessaire de souligner avec une vigueur particulière ce véritable caractère du fascisme parce que le masque de la démagogie sociale a permis au fascisme d'entraîner à sa suite, dans une série de pays, les masses de la petite bourgeoisie désaxée par la crise, et même certaines parties des couches les plus arriérées du prolétariat, qui n'auraient jamais suivi le fascisme si elles avaient compris son caractère de classe réel, sa véritable nature.

Le développement du fascisme et la dictature fasciste elle-même, revêtent dans les différents pays des formes diverses, selon les conditions historiques sociales et économiques, selon les particularités nationales et la situation internationale du pays donné.

Dans certains pays, principalement là où le fascisme n'a pas de large base dans les masses et où la lutte des différents groupements dans le camp de la bourgeoisie fasciste elle-même est assez forte, le fascisme ne se résout pas du premier coup à liquider le Parlement et laisse aux autres partis bourgeois, de même qu'à la social-démocratie, une certaine légalité.

Dans d'autres pays, où la bourgeoisie dominante appréhende la proche explosion de la révolution, le fascisme établit son monopole politique illimité ou bien du premier coup, ou bien en renforçant de plus en plus la terreur et la répression à l'égard de tous les partis et groupements concurrents. 

Ce fait n'exclut pas, de la part du fascisme, au moment d'une aggravation particulière de sa situation, les tentatives d'élargir sa base et, sans changer d'essence de classe, de combiner la dictature terroriste ouverte avec une falsification grossière du parlementarisme.

L'arrivée du fascisme au pouvoir, ce n'est pas la substitution ordinaire d'un gouvernement bourgeois à un autre, mais le remplacement d'une forme étatique de la domination de classe de la bourgeoisie - la démocratie bourgeoise - par une autre forme de cette domination, la dictature terroriste déclarée.

Méconnaître cette distinction serait une faute grave, qui empêcherait le prolétariat révolutionnaire de mobiliser les couches laborieuses les plus étendues de la ville et de la campagne pour la lutte contre la menace de la prise du pouvoir par les fascistes, et d'utiliser les contradictions existant dans le camp de la bourgeoisie elle-même. 

Mais c'est une faute non moins grave et non moins dangereuse de sous-estimer l'importance que revêtent, pour l'instauration de la dictature fasciste, les mesures réactionnaires de la bourgeoisie, qui s'aggravent aujourd'hui dans les pays de démocratie bourgeoise, et qui écrasent les libertés démocratiques des travailleurs, falsifient et rognent les droits du Parlement, accentuent la répression contre le mouvement révolutionnaire.

Camarades, on ne saurait se faire de l'arrivée du fascisme au pouvoir l'idée simpliste et unie qu'un comité quelconque du capital financier déciderait d'instaurer à telle date la dictature fasciste.

En réalité, le fascisme arrive ordinairement au pouvoir dans une lutte réciproque, parfois aiguë, avec les vieux partis bourgeois ou une portion déterminée d'entre eux, dans une lutte qui se mène même à l'intérieur du camp fasciste et qui en arrive parfois à des collisions armées, comme nous l'avons vu en Allemagne, en Autriche, et dans d'autres pays. 

Tout cela sans affaiblir cependant l'importance du fait qu'avant l'instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d'étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l'avènement direct du fascisme.

Résumons donc ; le fascisme au pouvoir se caractérise ainsi par :

– un anticommunisme fort ;

– un support de la guerre impérialiste ;

– le pouvoir du capital financier lui-même ;

– une répression terroriste contre la classe ouvrière, les paysans et les intellectuels ;

– un chauvinisme grossier ;

– une haine bestiale contre les autres peuples ;

– un masque de démagogie sociale ;

– différentes formes nationales et le fait qu'il ne soumet pas forcément directement le parlement et la social-démocratie ;

– la falsification grossière du parlementarisme ;

– le remplacement de la démocratie bourgeoise par la dictature terroriste déclarée.

Le gaullisme aussi est un anticommunisme fort. C'est même l'une de ses principales caractéristiques. Bien que, mais d'autant plus que en fait, De Gaulle ait pu mettre en place des alliances impérialistes stratégiques avec le social-impérialisme russe – notamment contre l'impérialisme américain.

Le gaullisme, c'est une forme particulière de la guerre que l'impérialisme français a mené sur les peuples du monde. Il a constitué principalement, sur le plan international, en la continuation de la guerre impérialiste sous des formes moins brutales après que la France ait perdu « l'Indochine » et qu'elle commençait à être remise en cause en Afrique – notamment en Algérie. 

En tant que tel, le gaullisme n'est pas un chauvinisme grossier, mais plutôt un chauvinisme « raffiné », « républicain », qui enrobe d'un verni civilisationnel sa haine bestiale contre les autres peuples. Ceci dit, De Gaulle n'a pas toujours masqué son racisme, entre autres citations des plus connues : 

Les Arabes, ce n'est rien. Jamais on n'a vu des Arabes construire des routes, des barrages, des usines. Après tout, peut-être n'ont-ils pas besoin de routes, de barrages, d'usines...

L'Afrique? C'est tout simple, je vais vous expliquer : c'est noir et ça grouille.

Malgré tout, le gaullisme est une forme modernisée et subtile de l'agression impérialiste effrénée à l'égard des autres peuples et des autres pays du monde. C'est cela qu'a signifié la fausse décolonisation organisée par De Gaulle en Afrique.

Mais surtout, le gaullisme consiste bien, comme le fascisme, en la dictature du capital financier, menant au capitalisme monopoliste d’État, le haut stade du développement des monopoles impérialistes, comme nous allons le voir dans la partie suivante.

Le gaullisme est une forme originale de la dictature du capital financier, un régime nationaliste et autoritaire, mais ce n'est pas un fascisme. 

Mais ce n'est pas non plus la démocratie bourgeoise. Cela, on le voit clairement en se penchant sur la présentation de la Ve République par un penseur bourgeois libéral classique comme Raymond Aron. Il explique en 1959 que le président de la République est

comparable à un roi des monarchies constitutionnelles d'il y a un siècle, ou au Prince-Président d'une République bonapartiste. Élu pour sept ans, il n'est responsable devant personne, sinon l'histoire, à moins qu'il ne soit traduit en Haute Cour pour trahison. Il choisit le premier ministre, il peut seul dissoudre l'Assemblée nationale, soumettre au référendum des lois votés par le Parlement, il dispose personnellement de droit de grâce, il négocie et ratifie les traités et il est, semble-t-il, habilité à conclure des accords militaires, qui n'exigent pas la ratification parlementaire. Dans des circonstances exceptionnelles [article 16 de la Constitution], il assume tout les pouvoirs et s'érige, par décision propre, dictateur au sens romain.

Si le gaullisme est bien une falsification plus ou moins grossière du parlementarisme bourgeois, il est aussi caractéristique qu'il se pare du masque de la démagogie sociale.

Comme les fascistes, De Gaulle prétend n'être ni de droite ni de gauche, et prétend gouverner au dessus des classes et de la lute des classes, pour incarner une justice sociale.

Cette similitude avec les proses fascistes, De Gaulle la tient de ses origines politiques.

Originellement maurassien et proche du groupe fasciste royaliste, antisémite et hostile au parlementarisme qu'est l'Action Française - Charles Maurras, le penseur de l'Action Française, avait une grande influence dans la jeunesse bourgeoise intellectuelle.

N'hésitant pas à faire référence positivement à l'Italie mussolinienne, De Gaulle s'est finalement tourné contre le régime de Vichy, car il défendait l'autonomie absolue de l'impérialisme français et ne pouvait pas admettre la soumission à l'impérialisme allemand.

La résistance de De Gaulle n'était pas anti-nazie, ni même antifasciste, mais nationaliste et considérant la Résistance comme une lutte de Libération Nationale par la bourgeoisie.

Mais ce ne que du fait de cette particularité de l'Histoire – qu'une part importante des mouvements fascistes français soient passés par la collaboration, en fait la soumission à un autre impérialisme – que De Gaulle bénéficie d'une aura antifasciste. Mais rien de sa pensée ni des ses origines politiques n'ont à voir voir avec l'antifascisme, au contraire.

Le gaullisme puise ses origines dans l'échec du fascisme français à imposer ses positions face à la pression démocratique dans les années 1930, et notamment après le Front Populaire à partir de 1936. C'est une adaptation à la réalité sociale et politique de la France de l'après guerre par la bourgeoisie impérialiste pour imposer la domination du capital financier. 

En 1947, De Gaulle fonde donc le RPF, le Rassemblement du Peuple Français, pour promouvoir, déjà en germe, sa constitution (de 1958). Farouchement hostile au communisme et au parlementarisme bourgeois, ultra conservateur, ce parti pronant une certaine clémence à l’égard de Pétain regroupa des personnes ayant collaboré avec les nazis. 

René Rémond, historien faisant référence pour la bourgeoisie française, membre de l'Académie Française décédé en 2007, disait à propos du RPF qu'il est dans l'histoire du gaullisme le moment qui s'éloigne le moins de « ce qu'en France on a l'habitude de qualifier de fascisme ».

Le RPF de De Gaulle comptait entre autres dans ses rangs Edmond Barrachin qui a été dans les années 1930 directeur du comité central du Parti social français – la plus grosse formation d’extrême droite d'alors, avec de nombreuses organisations de masse. Le Parti social français s'est formé à la suite de la dissolution des Croix-de-feu, une ligue nationaliste ayant pris part aux soulèvements fascistes de 1934.

Le projet du RPF échoua à court terme dans les années 1950. Mais c'est dans la continuité de celui-ci que fut orchestré la prise de pouvoir par De Gaulle en 1958 et l'instauration de sa nouvelle constitution. Cela n'est en rien un accident de l'Histoire survenu à cause des « événements » en Algérie. C'est une manœuvre qui, nous allons le voir, a suivi précisément les intérêts du capital financier français.

Si c'est le gaullisme qui s'est imposé en France et non pas une forme particulière de fascisme, c'est en raison du contexte de pression démocratique et anticolonialiste fort dans les années 1950/1960. 

Le gaullisme est une forme profondément anti-démocratique de la république bourgeoise qui offre la possibilité de la mise en place rapide d'un régime autortitaire. Si elle n'est pas un fascisme, l'idéologie gaulliste a quasiment toutes les caractéristiques du fascisme. 

Preuve en est certainement la visite que De Gaulle rendit immédiatement à Franco après avoir été écarté du pouvoir en 1969 - il déclara regretter de ne pas avoir pu le rencontrer plus tôt du fait des circonstances internationales.

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