13 oct 2014

Eric Zemmour, Bernard-Henri Lévy, Zeev Sternhell, le matérialisme dialectique et la question de la France de Pétain

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Eric Zemmour est à la source d'une nouvelle grande polémique, cette fois d'un intérêt très particulier, puisque portant sur la France du Maréchal Philippe Pétain. Il faut ici voir les tenants et aboutissants, car il y a quelque chose de très important à comprendre : Eric Zemmour a raison de dire que la France de Maréchal Philippe Pétain, c'est la France – c'est d'ailleurs là le coeur de son argumentation.

Et c'est un point de vue qui est ceux et celles qui ont parfaitement compris que la France de Charles De Gaulle est un « mythe » politique, les cadres du gaullisme ne tombant d'ailleurs pas du ciel mais précisément de cette France pétainiste, comme les gens de la fameuse « école d'Uriage ».

Il n'y a jamais eu « deux » France, une bonne et une mauvaise, mais une seule France, et c'est celle du Maréchal Philippe Pétain. Le gaullisme et le communisme sont deux tendances de cette France, antagoniques au pétainisme, mais ils cohabitent avec lui.

L'histoire bourgeoise depuis les années 1970 – et là Eric Zemmour a raison – nie cela, en prétendant que seule la France gaulliste a existé, que la France pétainiste n'a jamais existé que comme colonie nazie, ou bien comme État totalement partisan des nazis (c'est la thèse de l'américain Robert Paxton, que dénonce justement Eric Zemmour).

Lien vers le dossier Proudhon et le "socialisme français"C'est là totalement faux, le pétainisme n'était pas du tout unifié et le dossier Trotskysmes et néo-socialismes français, dont la publication est en cours en ce moment, aborde justement cette question. Le pétainisme existe en tant que tel, sous la forme de multiples courants, et également de manière indépendante des nazis - pas assez aux yeux des vrais fascistes voulant une « véritable » révolution nationale uniquement française, et qui par conséquent passeront… dans la Résistance.

Tout l'appareil d’État français des années 1950, avec ses ingénieurs et leur « planisme », provient de là. C'est ce que le dossier va expliciter.

Pour en revenir à Eric Zemmour, il formule – avec son propre point de vue – la même chose que les grandes « contre-thèses » historiques.

La première fut formulée par Bernard-Henri Lévy dans le retentissant L'idéologie française en 1981, qui attaque Henri Bergson, Maurice Barrès, Charle Péguy, Georges Sorel, en affirmant que le pétainisme n'est pas un phénomène d'importation, mais bien le fruit de la société française.

La seconde fut synthétisée en 1983 par Zeev Sternhell dans Ni droite ni gauche. L'idéologie fasciste en France. Zeev Sternhell est un historien des idées et il dresse le panorama de l'irrationalisme à la française, expliquant que le fascisme non seulement ne fut pas importé en France, mais même que ses bases idéologiques y sont nées.

Eric Zemmour dit la même chose, sauf que lui est nationaliste, donc il trouve la France du Maréchal Pétain comme ayant un questionnement idéologique intéressant. Il faut bien comprendre que les cadres de la révolution nationale n'existent pas au début de l'occupation ; ils se formèrent à l'école d'Uriage, qui passa ensuite dans la Résistance.

La France du Maréchal Pétain fut un mélange de nationalistes, de fascistes, de conservateurs catholiques, de planistes (avec Marcel Déat) et de quelques nationaux-socialistes (avec Jacques Doriot). Ce ne fut nullement un régime unifié, et ce fut même un régime où, pour l'idéalisme, tout était « possible ».

Lien vers le dossier sur L'anti-Dühring d'EngelsC'est pour cela qu'Eric Zemmour défend cette France du Maréchal Pétain, qu'il refuse de voir comme ossifiée, dogmatique, etc. Il y voit la possibilité d'un fascisme français, et comme il est Juif, alors il tente de formuler la possibilité d'un fascisme non antisémite. D'où sa thèse comme quoi le régime pétainiste aurait « sauvé » les Juifs français, en tant que Français.

Un tel point de vue est, dit ainsi, faux, car le régime pétainiste n'était pas antisémite exterminateur uniquement pour ses fractions catholiques ou, à la limite, planistes. Mais cela ne compte pas pour lui, qui entend contribuer à la formation d'un fascisme français.

Son ouvrage est d'ailleurs parsemé de critiques de la communauté juive comme ne s'étant pas entièrement fondue dans la nation française ; il va d'ailleurs jusqu'à présenter favorablement Dieudonné.

Eric Zemmour est donc un concurrent à Bernard-Henri Lévy et Zeev Sternhell, Juifs aussi. Bernard-Henri Lévy a choisi le camp de l'ultra-libéralisme, du type pro-américain, pour s'opposer à « l'idéologie française », au nom d'un universalisme libéral. Zeev Sternhell, qui est israélien, propose lui une sorte de pacifisme ultra-démocratique néo-social-démocrate.

Eric Zemmour, lui, ne s'oppose pas à « l'idéologie française » : il veut s'y fondre. Voici comment dans Le suicide français Eric Zemmour formule sa critique des positions de Bernard-Henri Lévy et Zeev Sternhell :

« Il [Bernard-Henri Lévy ] partit d’une intuition juste pour parvenir à une conclusion fallacieuse. Guidé par Sternhell et Paxton, il avait découvert que le régime de Vichy n’était pas l’exclusif repaire de l’extrêmedroite d’avant-guerre, mais qu’il avait été envahi, submergé de gens de gauche, radicaux, socialistes et communistes, qui œuvrèrent à la révolution nationale.

BHL ne voit pas (ne veut pas voir ?) qu’ils sont avant tout rassemblés par le pacifisme d’après la Première Guerre mondiale, ce « plus jamais ça » né dans l’horreur des tranchées, qui de Laval à Céline prit pour cible tous ceux, Juifs en tête, qui paraissaient fauteurs de guerre. Mais BHL, à la suite de son maître Sternhell, voit dans cette collusion vichyste la preuve patente d’un national-socialisme à lafrançaise, non seulement indépendant du nazisme allemand, mais qui l’aurait précédé, façonné, forgé. Le diable n’est pas l’Allemagne, mais la France ; pas Berlin, mais Vichy.

Et Vichy, c’est la France (…).

Puis, BHL met en joue son plus gros gibier : le parti communiste.

C’est la partie la plus iconoclaste de son ouvrage, la plus fondatrice aussi. BHL ne reproche pas au PCF d’être trop marxiste, mais de ne l’être pas assez ; non d’être trop soumis à Moscou, mais d’être trop français. De trop aimer son terroir, son peuple, ses écrivains, sa langue.

Maurice Thorez est vilipendé parce qu’il admire Descartes et Napoléon ; Aragon est brocardé parce qu’il adule le style de Barrès, défend l’alexandrin français contre les transgressions de la poésie moderne.

BHL reproche aigrement à Paul Vaillant-Couturier d’exalter les militants « profondément enracinés au sol » et dont « les noms ont la saveur de nos terroirs ».

Et ajoute, citant le même Vaillant-Couturier : « Pourquoi refouler toujours “l’amour de notre merveilleux pays” ? Qu’il se rassure, il est là le refoulé. Il est tout entier là, le refoulé pestilentiel. Le racisme, la xénophobie, la cocarde et la connerie. Le travail, la famille et la patrie, et la France profonde. Les germes de ce qui va venir et les fruits de ce qui a été semé. Le PCF, a-t-on dit, n’est pas à gauche, mais à l’Est ; je dirais plutôt, moi : le PCF n’est pas à l’Est mais à droite. » C’est son amour immodéré de la patrie qui fait du PCF « un authentique parti d’extrême droite » !

La logique est implacable : l’amour de la France, c’est la droite et l’extrême droite ; et l’extrême

droite, c’est Vichy ; et Vichy, c’est la rafle du Vél’ d’Hiv’ ; et la rafle du Vél’ d’Hiv’, c’est l’extermination des Juifs. L’amour de la France, c’est donc l’extermination des Juifs. CQFD. »

Ainsi, pour résumer :

*** la gauche, le Parti « Communiste » français, les gaullistes disent : « Vichy, ce n'était pas la France » ; pour dire cela ils s'appuient sur le gouvernement de Charles De Gaulle à Londres. Ils nient ainsi la réalité idéologique et culturelle française, au nom de l'idéal « républicain ». C'est cette incompréhension qui a torpillé le P« C »F ; quant au gaullisme il a largement puisé idéologiquement et humainement dans le pétainisme, notamment avec l'école d'Uriage, sans parler de la carrière des gens comme François Mitterrand, etc.

*** Bernard-Henri Lévy et Zeev Sternhell disent : « Vichy c'est la France », et ils sont contre, dans le sens d'une réponse cosmopolite, par conséquent à rejeter.

*** Eric Zemmour dit : « Vichy c'est la France » et pour lui, par conséquent, c'est bien. C'est bien entendu une contribution au fascisme.

Enfin, notre point de vue c'est : « Vichy c'est la France », et justement nous développons une Pensée-guide fondée sur le matérialisme dialectique, afin de transformer la France.

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