7 Jan 2013

Théorie du génie et disparition de la matière : l'affaire Ibata

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« Telle est la cause première de l'idéalisme « physique ». Les velléités réactionnaires naissent du progrès même de la science. Les grands progrès des sciences de la nature, la découverte d'éléments homogènes et simples de la matière dont les lois du mouvement sont susceptibles d'une expression mathématique, font oublier la matière aux mathématiciens. « La matière disparaît », il ne subsiste que des équations. » (Lénine, Matérialisme et empirio-criticisme)

Ce n'est pas simplement ridicule et ce n'est pas un fait divers : c'est toute une expression du népotisme, du caractère méprisable des journalistes, de la nullité des prétentions scientifiques de la bourgeoisie.

 

Car il fallait tout de même tout un système d'une décadence avancée pour transformer un fils d'astronome ayant fait tourner un programme informatique en quelqu'un ayant renversé Albert Einstein.

 

Les titres journalistiques sont édifiants, et criminels : Sciences. A 15 ans, Neil Ibata est-il le nouvel Einstein ? demande Ouest France. Neil Ibata, 15 ans, est-il un futur Einstein ? demande Sud Ouest.

 

A 15 ans il fait la une de Nature et bouleverse les théories explique Maxisciences. Neil Ibata, ce lycéen de quinze ans qui bouscule Einstein annonce Metro. Un lycéen français remet en cause les théories d'Einstein explique TF1.

 

Quant à un blog sur l'éducation du Monde, il s'inquiète : Fuite des cerveaux : le petit génie à la une de « Nature » envisage des études à l’étranger.

 

On est là dans une véritable opération commerciale décadente et anti-scientifique, dont le premier responsable est Rodrigo A. Ibata. Ce chercheur a en effet eu la brillante idée commerciale de mettre le nom de son fils dans la liste des participantEs à une découverte.

 

La revue Nature, qui publie en anglais des recherches, a alors continué le mouvement en plaçant cette découverte en première page, et le buzz s'est déroulé tranquillement, avec l'appui des médias friands de ce genre d'opération.

 

Et ce d'autant plus qu'il s'agit de déboulonner Einstein, au nom naturellement des statistiques, cette bouée de sauvetage de la bourgeoisie décadente. Le tout avec la théorie fasciste du « génie » de mise en avant, cette théorie qui résume l'histoire à la « création » réalisée par des « individus » aux propriétés « uniques ».

 

Mais présentons donc cette « découverte » prétendument incroyable remettant en cause Einstein. Voici comment le site quoi.info résume cela :

 

La galaxie d'Andromède est connue depuis longtemps par les astrophysiciens, et les galaxies naines qui gravitent aux alentours aussi.

Mais jusqu'à présent les chercheurs pensaient que les galaxies naines étaient des restes de galaxies plus vastes qui ont peu à peu été englouties par leurs voisines, explique le site techno science. Ainsi, chacune serait indépendante de ces voisines.

Or, Niel Ibata a montré que ces petites galaxies sont en grande majorité organisées entre elles, en une gigantesque structure aplatie de plus d'un million d'années-lumière de long, en rotation sur elle-même.

 

Ou donc, pour résumer, voici comment le CNRS dit la chose :

 

La galaxie d'Andromède, la galaxie géante la plus proche de nous, est entourée d'un disque formé par une multitude de petites galaxies naines. Cette structure, extrêmement aplatie, s'étend sur plus d'un million d'années-lumière et semble tourner autour de la galaxie.

 

Le père du jeune de quinze ans explique que, par conséquent :

 

La physique d'Einstein et de Newton n'est pas exactement correcte.

 

Maintenant passons aux choses sérieuses : qu'en est-il vraiment de cette histoire.

 

A la base, il y a en fait le Pan-Andromeda Archaeological Survey (PandAS), un projet qui étudie la galaxie d'Andromède (dont les numéros sont M31 et NGC 224) et son histoire, en observant son entourage.

 

Cette galaxie a environ mille milliards d'étoiles, tout comme la Voie Lactée, les deux étant deux galaxies proches formant le « groupe local », avec des galaxies naines qui sont autour d'elles.

 

Ces galaxies sont dites naines, car elles sont bien plus petites, elles n'ont « que » 10 milliards d'étoiles environ.

 

La « découverte » faite par la nouvelle recherche remettant Einstein en cause, soi-disant, n'est en fait qu'une étude statistique, une simple observation. Il ne s'agit pas d'une découverte, fondée sur la théorie ou la découverte d'un principe nouveau.

 

C'est juste l'observation comme quoi les galaxies naines ne sont pas « indépendantes » les unes des autres et qu'elles forment un disque autour de la galaxie majeure, en l'occurrence Andromède.

 

Il n'y a donc absolument aucune considération théorique dans ce qui est seulement une observation. On est donc bien loin d'Einstein, qui depuis son bureau théorisait l'univers lui-même...

 

On est dans le calcul seulement : le document (A vast, thin plane of corotating dwarf galaxies orbiting the Andromeda galaxy) raisonne en termes de probabilités, expliquant que si tant d'objets vont dans le même sens (à savoir 13 des 15 galaxies naines autour d'Andromède), la probabilité que cela arrive est de 1,4 % alors forcément ce n'est pas du hasard, etc.

 

Il n'y a aucune explication. Quant au « génie » de 15 ans, mis en scène devant un tableau plein de calculs comme dans le film, il n'a fait que produire un petit programme informatique en langage Python pour traiter les données. C'est du niveau des « génies » faisant tourner des jeux vidéos qu'ils programment sur leurs calculettes...

 

Et il est affirmé que cela remet Einstein en cause. Voyons cela, puisque c'est expliqué nulle part.

 

C'est à la fois simple et compliqué, comme toujours dans les constructions décadentes bourgeoises. Le principe est le suivant : l'univers serait explicable selon le modèle ΛCDM (pour Lambda Cold Dark Matter).

 

Cette « dark matter », c'est la « matière noire » dont on ne sait rien mais dont les astrophysiciens croient en l'existence afin d'expliquer le big bang.

 

Le principe est assez facile à comprendre : les astrophysiciens ont constaté que les galaxies bougent, mais qu'elles bougent plus vite que ce que leur luminosité laisse penser (le degré de luminosité permet de « deviner » sa masse).

 

Il manque donc de la masse, et si on ne la voit pas, elle est donc « sombre », « noire ».

 

Quel rapport avec Einstein et les galaxies naines autour d'Andromède ? En fait, si les galaxies naines tournent autour d’Andromède, à une certaine vitesse et dans un certain sens, c'est qu'elles subissent non pas une « attraction », mais bien une « poussée » provoquée par l'énergie noire d’Andromède elle-même.

 

Normalement, les galaxies naines sont censées aller moins vite en étant plus loin du centre d’Andromède. Là elles subissent une « influence » directe et avec des constantes.

 

Cela rentre dans la conception de la matière noire dite froide, qui agrège toujours plus de « blocs » qui ne sont pas moins que des galaxies naines.

 

En fait, et pour revenir enfin au matérialisme dialectique, dans la théorie du Big Bang conçu par la bourgeoisie, il y a eu de nombreuses galaxies qui se sont formées, et elles se seraient « cannibalisées ». Cela aurait amené la formation des galaxies, et les galaxies naines seraient des restes du grand repas du monstre galactique, reflet du monopole dans le capitalisme.

 

Le problème est bien sûr que ces restes de repas sont censés être dispersés, certainement pas organisés en disque, tournant dans le même sens que la grande galaxie voisine. C'est là que réside le grand problème.

 

La seule solution est alors la fuite en avant. En effet, il n'y a que deux solutions :

  • remettre en cause le big bang, en constatant que les restes du repas n'en sont pas, et que donc le modèle d'un big repas cosmique ne colle pas ;

  • affirmer que l'organisation des restes du repas appartient au Big Bang.

 

Le problème de la seconde affirmation est qu'il faut tout de même quitter le terrain du matérialisme. C'est là qu'on arrive à Einstein.

 

Einstein considérait l'univers comme statique. Il a alors développé le principe de la « constante cosmologique », une force permettant de s'opposer à la gravité et empêchant que celle-ci l'emporte et aplatisse l'univers.

 

C'est en raison de cette constante cosmologique que Rodrigo Ibata, le responsable du calcul, a pu expliqué que « soit on se trompe sur la formation de la galaxie, soit sur la gravité ».

 

Seulement comme la formation de la galaxie ne peut pas être remise en cause, car Big Bang = début, conformément à la pensée idéaliste qui a besoin d'un commencement et d'une fin. Par conséquent, c'est le principe même de gravité qui doit être démoli.

 

Or, le principe de gravité est ici constitué de l'espace-temps, car la gravitation selon Einstein c'est la déformation géométrique de l'espace-temps. Et l'espace-temps est considéré par rapport à la matière (selon qu'elle soit énergie ou masse, en mouvement par rapport à tel référentiel, etc.).

 

La conclusion directe des statistiques en astrophysique est la négation de la matière. Ce qui se passe, Lénine l'a parfaitement décrit dans Matérialisme et empiro-criticisme.

 

Voici ce qu'il dit :

La crise de la physique contemporaine vient de ce qu'elle a cessé de reconnaître franchement, nettement et résolument la valeur objective de ses théories,   le conciliateur Rey s'efforce très souvent de le dissimuler, mais les faits sont plus forts que toutes les tentatives de conciliation.

« Il semble, écrit Rey, qu'à traiter d'ordinaire d'une science où l'objet, au moins en apparence, est créé par l'esprit du savant, où, en tout cas, les phénomènes concrets n'ont plus à intervenir dans la recherche, on se soit fait (les mathématiciens) de la science physique une conception trop abstraite : on a cherché à la rapprocher toujours plus près de la mathématique, et on a transposé une conception générale de la mathématique dans une conception générale de la physique... Il y a là une invasion de l'esprit mathématique dans les façons de juger et de comprendre la physique, que dénoncent tous les expérimentateurs. Et n'est ce pas à cette influence, qui, pour être cachée, n'en est pas moins prépondérante, que sont dus parfois l'incertitude, l'hésitation de la pensée sur l'objectivité de la physique, et les détours que l'on prend, ou les obstacles que l'on surmonte pour la mettre en évidence ?... » (p. 227).

C'est très bien dit. L'« hésitation de la pensée » dans la question de l'objectivité de la physique est au fond même de l'idéalisme « physique » en vogue.

« ... Les fictions abstraites de la mathématique semblent avoir interposé un écran entre la réalité physique et la façon dont les mathématiciens comprennent la science de cette réalité. Ils sentent confusément l'objectivité de la physique... Bien qu'ils veuillent être avant tout objectifs, lorsqu'ils s'appliquent ensuite à la physique, bien qu'ils cherchent à prendre et à garder pied dans le réel, ils restent hantés par les coutumes antérieures. Et jusque dans la conception énergétique qui a voulu construire plus solidement et avec moins d'hypothèses gue le mécanisme, qui a cherché à décalquer l'univers sensible et non à le reconstruire, on a toujours affaire à des théories de mathématiciens...

Ils (les mathématiciens) ont tout fait pour sauver l'objectivité sans laquelle ils comprennent très bien qu'on ne peut parler de physique... Mais les complications ou les détours de leurs théories laissent pourtant un malaise. Cela est trop fait ; cela a été recherché, édifié ; un expérimentateur n'y sent pas la confiance spontanée que le contact continuel avec la réalité physique lui donne en ses propres vues... Voilà ce que disent en substance et ils sont légion, tous les physiciens qui sont avant tout physiciens ou ne sont que cela, et toute l'école mécaniste...

Elle [la crise de la physique] est dans la conquête du domaine de la physique par l'esprit mathématique. Les progrès de la physique, d'une part, et les progrès de la mathématique, d'autre part, ont amené au XIX° siècle une fusion étroite entre ces deux sciences... La physique théorique devint la physique mathématique ... Alors commença la période formelle, c'est à dire la physique mathématique, purement mathématique, la physique mathématique, non plus branche de la physique, si on peut ainsi parler, mais branche de la mathématique, cultivée par des mathématiciens.

Nécessairement dans cette phase nouvelle, le mathématicien habitué aux éléments conceptuels (purement logiques) qui fournissent la seule matière de son oeuvre gêné par les éléments grossiers, matériels, qu'il trouvait peu malléables, dut tendre toujours à en faire le plus possible abstraction, à se les représenter d'une façon tout à fait immatérielle et conceptuelle, ou même à les négliger complètement.

Les éléments, en tant que données réelles, objectives, et pour tout dire, en tant qu'éléments physiques disparurent finalement. On ne garda que des relations formelles représentées par les équations différentielles... Et si le mathématicien n'est pas dupe de son travail constructif... il sait bien retrouver ses attaches à l'expérience, et... à première vue, et pour un esprit non prévenu, on croit se trouver en face d'un développement arbitraire... Le concept, la notion a remplacé partout l'élément réel... Ainsi s'expliquent historiquement, par la forme mathématique qu'à prise la physique théorique... le malaise, la crise de la physique et son éloignement apparent des faits objectifs » (pp. 228 232).

Telle est la cause première de l'idéalisme « physique ». Les velléités réactionnaires naissent du progrès même de la science. Les grands progrès des sciences de la nature, la découverte d'éléments homogènes et simples de la matière dont les lois du mouvement sont susceptibles d'une expression mathématique, font oublier la matière aux mathématiciens. « La matière disparaît », il ne subsiste que des équations.

 

L'affaire Ibata n'est pas qu'une fumisterie statistique avec un battage médiatique sur la théorie du génie, c'est également l'observation de faits au moyen de statistiques, afin de faire « disparaître la matière. »

Voilà ce que montre très clairement le matérialisme dialectique.

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