11 déc 2011

Thello, le premier train voyageur privé circule aujourd'hui : derrière les privatisations, les monopoles impérialistes

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Depuis quelque jours, tout le monde s'offusque du grand chamboulement que provoque la nouvelle grille d'horaires pour le réseau ferré français qui entre en vigueur aujourd'hui. Pourtant, il y a une autre actualité dans le domaine ferroviaire qui a une bien plus grande signification ce dimanche 12 décembre 2011 : pour la première fois en France depuis 1937, un train d'une compagnie privée transportera des voyageurs ce soir.  Il s'agit du train de nuit de la nouvelle compagnie Thello, qui relie Paris à Venise en Italie.  

Cela est l'aboutissement d'un long processus amorcé à la fin des années 90, avec l'éclatement de la SNCF en deux entités, l'une commerciale, l'autre concernant l'infrastructure ferroviaire. À partir d'aujourd'hui, la SNCF n'a plus le monopole total du transport de voyageurs par train entre la France et les autres pays (les lignes comme Eurostar ou Thalys sont co-détenues par la SNCF). Le marché devrait être entièrement ouvert pour les lignes intérieures d'ici à 2019.
 
Mais derrière cette privatisation du chemin de fer, il y a des grands groupes monopolistes, qui veulent pouvoir développer leur activité sans contraintes, afin de maximiser leur taux de profit. On a ici affaire à une contradiction qui peut apparaître d'une grande complexité. D'un côté, le marché du transport ferroviaire s'ouvre à la concurrence, mais de l'autre ce système profite en fait à des grands groupes à tendance monopoliste qui concentrent de plus en plus la production, l'économie.
 
Thello, une compagnie franco-italienne
 
Thello est une compagnie de chemin de fer créée conjointement par Trenitalia et le groupe Veolia Transdev en 2011. Elle n'exploite qu'une ligne, reliant Paris à Venise donc, et annonce l'ouverture d'une seconde entre Paris et Rome d'ici au printemps 2012.
 
Trenitalia est l'équivalent en Italie de la SNCF en France, c'est une entreprise publique. Plus précisément, c'est une société anonyme par actions dont le capital est entièrement détenu par l'État italien. 
 
Veolia Transdev lui, est le premier groupe privé dans le domaine du transport public. Il est issu de la fusion en mars 2011 de Veolia Transport  et de Transdev et emploie directement 119 000 personnes dans 28 pays du monde, sur les cinq continents. 
 
Veolia Transport était un grand groupe dans le domaine du transport en commun qui annonçait près de 6 milliards de chiffre d'affaires en 2009. Il possède par exemple la compagnie de bus Eurolines et exploite de nombreux réseaux ou lignes de transport en commun (en région parisienne, à Marseille ou encore à Rouen, mais aussi à Séoul, Bombay, Boston, Los Angeles, Leipzig, Jérusalem, etc.)  
 
Transdev était également un opérateur privé de transport en commun, présent dans plusieurs pays. Il était détenu par la Caisse des Dépôts et Consignations, la RATP, et la très importante Banque italienne Sanpaolo IMI (aujourd'hui Intesa Sanpaolo depuis sa fusion avec Banca Intesa).
 
Aujourd'hui, le groupe Veolia Transdev appartient pour moitié au groupe Veolia Environnement et pour l'autre à la Caisse des Dépôts et Consignations ; c'est une composante de l'impérialisme français. 
 
Une compagnie comme Thello n'a pas vocation à élaborer un réseau dense et efficace de transport ferroviaire mais plutôt de se concentrer avec une politique commerciale agressive sur quelques lignes jugées potentiellement rentables.
 
Jusqu'à la fin de l'année 2011, la ligne nocturne reliant Paris à Venise était exploitée par la société Artesia, une collaboration entre la SNCF et Trenitalia. Cette ligne n'était pas jugés très rentable, du fait de la concurrence aérienne notamment, et la prestation était chere et de mauvaise qualité. Trenitalia n'a pas souhaité renouveler son partenariat avec la SNCF.  
 
Mais il y a une autre raison à cela, c'est l'entrée de la SNCF dans le capital de NTV, Nuovo Trasporto Viaggiatori, à hauteur de 20%. Cela ne pouvait que déplaire à Trenitalia. Alors l'entreprise s'est associé à Veolia qui cherche à développer son activité ferroviaire en Europe, notamment après l'échec de son implantation en Angleterre, du fait de la pression des groupes monopolistes anglais.
 
NTV, le futur concurrent direct et important de Trenitalia
 
Nuovo Trasporto Viaggiatori ne sera pas moins que la première société privée de transport de voyageurs par train à grande vitesse en Europe. 
 
Ce groupe à été créé fin 2006 par des industriels italiens (dont le patron de Ferrari) et est aujourd'hui principalement détenu - avec des systèmes de Holding - par des gros groupes financiers italiens. On y retrouve d’ailleurs le groupe Intesa Sanpaolo...
 
Le développement de NTV en reliant les principales métropoles italiennes, entre Turin et Naples via Milan et Rome, entre Rome et Venise via Bologne et entre Rome et Bari via Naples.
 
Mais surtout, ce qui est important, c'est que ces trains circuleront à grande vitesse, avec du matériel... français. NGV a déjà commandé au groupe Alstom 25 rames AGV aux couleurs de Ferrari, c'est à dire des TGV (de 4ème génération).  
 
En fait, c'est une percée historique de l'impérialisme français en Italie. Historiquement, Trenitalia avait toujours refusé les TGV, préférant le système de trains à grande vitesse dits pendulaires mis au point par la Fiat. Ceux-ci sont moins rapides (220 km/h au lieu de 300 km/h) mais ne nécessitent pas de lignes spécifiques, contrairement aux TGV donc.
 
Bientôt, le groupe impérialiste français Alstom va pouvoir tester « grandeur nature » en Italie du matériel qui n'intéresse pas la SNCF en France. Cela est très important pour Alstom, car le produit à vocation à s'exporter, notamment sur la future ligne Moscou – Saint-Pétersbourg qu'il convoite mais également en Turquie ou bien au Brésil.
 
De toute manière, Alstom avait déjà racheté Pendolino en 2000, la société produisant les trains pendulaires. 
 
La privatisation fonctionne dans les deux sens
 
Voilà donc une première chose à comprendre pour saisir ce que représente l'ouverture à la concurrence du marché du transport ferroviaire pour l'impérialisme français : ouverture à la concurrence ici, signifie également ouverture à la concurrence ailleurs.
 
Si la SNCF risque (éventuellement) de perdre des marchés en France, avec la privatisation du système ferroviaire, elle compte pouvoir s'étendre encore plus en Europe et dans le monde. 
 
Si aujourd'hui, l'entreprise publique SNCF en tant que monopole d'État tend à disparaître, c'est que cette forme à rempli sa mission historique et n'est plus utile à l'impérialisme français. 
 
La SNCF est née le 1er janvier 1938. Jusque là, il y avait six importantes compagnies ferroviaires qui avaient chacune le monopole dans leur secteur (Compagnie des chemins de fer du Nord, Réseau ferroviaire d'Alsace-Lorraine, Compagnie des Chemins de Fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans, Compagnie des Chemins de Fer de l'Est et Réseau de l'État). 
 
Seulement, pour se moderniser l'impérialisme français avait besoin de regrouper l'ensemble des chemins-de-fer en une seule compagnie centralisée et appartenant à l’État. Construire et assurer un réseau ferré ultra-moderne sur l'ensemble du territoire n'était pas rentable en tant que tel ; cela ne pouvait donc pas être réalisé par les compagnies privés.
 
Ce n'est que dans le cadre des nationalisations du Conseil National de la Résistance que se développe l'idée de la SNCF en tant que « service public ». La grande force de l'impérialisme français est d'avoir réussi à « absorber » la lutte des classes en quelque sorte, à intégrer une partie de la classe ouvrière afin de se moderniser.
 
C'est dans ce cadre là que la CGT va en partie co-gérer la SNCF, jusqu'à la fin des années 1990 où le compromis historique avec la Bourgeoisie française a commencé à disparaître, faute de rapport de force. 
 
Mais c'est aussi dans les années 1990 que va commencer à s’opérer une grande restructuration de la SNCF, qui a consisté en de grandes manœuvres techniques imposées par des directives européennes. D'abord avec de grands changements sur le plan juridique. En 1996 la SNCF prend le statut d'EPIC (Établissement public à caractère industriel et commercial) puis en 1997 avec la création de RFF, réseau ferré de France. 
 
La société RFF est la propriétaire et gestionnaire du réseau (c'est la même chose en Italie avec RFI), c'est elle par exemple qui a décidé des nouvelles grilles d'horaires entrées en vigueur aujourd'hui. Elle représente en quelque sorte l'État qui doit mettre à disposition le réseau à des entreprises, comme Thello donc, mais aussi comme la SNCF. 
 
C'est le même principe que pour les routes : ce qui coûte cher, les infrastructures, est pris en charge par l'État ; ce qui peut rapporter, l'exploitation du réseau, est laissé à des entreprises.
 
Une étape nouvelle dans le développement de l'infrastructure impérialiste française. 
 
La mise en circulation du train Thillo, le premier train de voyageurs non SNCF depuis 1937, sera  peut être assez anecdotique sur le plan commercial ; ce n'est pas un grand danger pour la SNCF. Par contre cela représente un moment important, le début d'un nouveau processus d'accumulation capitaliste dans le secteur ferroviaire
 
Si le capital financier a fait en sorte d'ouvrir le marché ferroviaire à la concurrence, c'est en fait pour mieux le concentrer.
 
Une entreprise comme la SNCF s'est développée et modernisée dans son cadre national. Elle n'en reste pas moins un monopole impérialiste, qui a donc vocation à s'étendre. S'étendre, c'est à dire grossir et absorber d'autres entreprises, concentrer encore plus l'économie, mais à l'échelle mondiale. 
 
Car ce ne sont pas des centaines d'entreprises qui pourrons se permettre d'exploiter les réseaux ferroviaires. Globalement, seuls des groupes aussi solides que la SNCF et la Deutch Bahn sont capables de véritablement s'implanter et grossir.
 
D'autant plus que sur leurs territoires nationaux, ces monopoles ne sont pas véritablement menacés. Preuve en est qu'aujourd'hui, il n'y à qu'une seule ligne à saisir cette "opportunité" de l'ouverture à la concurrence pour les liaison trans-frontalières.  
 
La Deutsche Bahn, annoncée comme le principal concurrent de la SNCF en France, vient d’ailleurs justement de renoncer (au moins temporairement) à l'exploitation de sa première ligne passant par la France, entre Francfort et Londres. La pression des monopoles français et anglais, par le biais des normes de sécurité, était trop importante. 
 
L'exemple du fret ferroviaire, ouvert à la concurrence depuis 5 ans en France, est ici également très parlant : dix entreprises se partagent en fait seulement 24% du marché, le reste étant toujours monopolisé par la SNCF, alors même qu'elle n'a absolument aucune ambition dans ce secteur. D'autant plus que la SNCF est en même temps le premier transporteur routier de marchandises en France, par le biais de sa filiale GEODIS, également présente dans 180 autres pays...
 
Avec l'ouverture à la concurrence, les monopoles impérialistes sont gagnants sur tout les plans. Car finalement, même avec Thellos, c'est toujours l'impérialisme français qui contrôle, par le biais de Veolia. Le développement de Veolia et la SNCF étant en fait complémentaires, Veolia étant plutôt centré sur le transport de proximité, dans les agglomérations, alors que la SNCF se spécialise depuis de nombreuses années dans la grandes vitesse et les grandes distances (délaissant petit à petit le reste du réseau).  
 
Et de toute façon, d'ici à 2019, date programmée de l'ouverture du marché à la concurrence pour les lignes intérieures, l'impérialisme français pourra facilement avoir remis cela en cause... avec Marine Le Pen par exemple qui annonce déjà sa volonté de revoir l’évolution du statut de la SNCF, « dictée par Bruxelles ».
 
Concentration de la plus-value. 
 
Dans tout les cas, les marchés sont déjà bouleversés, les gros groupes du secteur ferroviaire ont déjà commencé leur processus d'accroissement de la monopolisation, sous prétexte justement d'ouverture à la concurrence. Même quand il y a plusieurs entreprises qui entrent en scène dans la « concurrence », ce sont finalement les mêmes quelques groupes qui monopolisent toute la production.
 
Les trains Thellos, appartenant au groupe français Veolia Transdev et à l’État Italien donc, circuleront avec des locomotives louées à l'entreprise Akiem, qui est en fait une filiale de... la SNCF ! Et les services à bord, nettoyage, contrôle, restauration, seront assurés par LSG Sky Chefs, une filiale le Deutsche Lufthansa AG, la compagnie aérienne nationale allemande !
 
Le capital concentre de plus en plus intensément l'économie. Pour le capital, peu importe finalement les marques et la nationalité sous laquelle est écoulée la production.
 
Dans le secteur du chemin de fer, la véritable source d'extraction de la plus-value, la source des profits, ne réside pas dans l'exploitation commerciale même des lignes ; elle réside fondamentalement dans la production du matériel ferroviaire lui même (infrastructures comprises).
 
Les profits réalisés par l'exploitation des réseaux de transports ne forment qu'un moment particulier du cycle de circulation du capital. L'essentiel de la plus-value est réalisée lors de l'achat du matériel et des infrastructures ferroviaires.
 
Que ça soit sur le marché national avec son propre réseau, ou bien sur le marché international lors des exportation de ligne TGV (Los Angeles - San Fransisco ; Moscou - St Petersbourg, etc.), la SNCF ne représente qu'une superstructure technique capable de valoriser le capital produit par Alstom. 
 
Alstom qui fabrique et entretient les TGV et la majorité des trains circulant en France ainsi qu'une grosse partie des trains en Italie (avec son rachat de Fiat Ferroviaria). Le groupe réalisait 19,7 Milliards de chiffre d'affaires en 2010, pour un résultat net de 1,2 milliards (+10% par rapport à 2009). Le groupe Alstom, pilier de l'impérialisme français, qui est détenu par Bouygues (31%) mais aussi par les groupes financiers Morgan Stanley, Natixis, Crédit agricole, Caisse des dépôts, Groupama, BNP Paribas, UBS, Crédit agricole.
 
A l'origine des mouvements dans la superstructure impérialiste française dans le domaine ferroviaire, il y les nécessités de reproduction du capital du groupe monopoliste Alstom. L'ouverture à la concurrence est un moyen de dynamiser le secteur pour faire face à la chute tendancielle du taux de profit et la concurrence avec l'allemand Siemens et le canadien Bombardier.
 
Le socialisme contre les restructurations impérialistes.
 
En arrière plan de tout cela, il y a le capital financier qui pousse toujours plus fort dans la voie de l’expansion impérialiste, du fascisme. Les contradictions entre les monopoles impérialistes à l'échelle mondiale ne pourront pas se résoudre de manière pacifique ; déjà les affrontements sont de plus en plus rudes pour les nouveaux marchés (dans tous les secteurs). 
 
En France, la Bourgeoisie financière pousse de plus pour une restructuration par en haut de l'impérialisme français. Pour les masses, cela signifie toujours plus de pression et de moins en moins de « services », ni "publics", ni même "privés" d'ailleurs. Pour les Prolétaires, cela signifie toujours plus d'exploitation et de misère. 
 
La concurrence entre les différents groupes monopolistes va se faire de plus en plus féroce à mesure que s'avancent les concentrations de l'économie et que le monde sombre dans la crise générale du capitalisme. Alors, qu'une chose soit bien claire pour la classe ouvrière :
 
il n'y a pas d'ancien modèle de « service public » à sauvegarder, il n'y a pas de SNCF à « protéger » contre la « concurrence », il n'y a pas de statut quo à négocier.  
 
Pour en finir avec la destruction organisée des infrastructures ferroviaires de proximités sur le territoire français, pour mettre un coup d'arrêt au démantèlement de système de fret ferroviaire, pour mettre en place un véritable réseau de transport au service des masses populaires et de la planète Terre, il n'y a qu'une solution réaliste : prendre le pouvoir, abattre les monopoles impérialistes. 
 
Seule la Dictature du Prolétariat dans Guerre Populaire pourra faire plier la Bourgeoisie et libérer l'humanité de cette chaîne absurde qu'est la concurrence capitaliste ! En avant vers le socialisme, la civilisation, le progrès, le partage et la science ! Érigeons le Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste, quartier général de l'avant-garde ouvrière, bastion de la révolution socialiste !
 
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