29 juin 2012

La situation actuelle au Népal

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Nous n'avons pas parlé depuis quelques temps de la situation au Népal, car en fait il n'y avait pas de raison de le faire. Avec les accords de paix de 2006, une grande trahison a été consommée, que nous avions fort heureusement critiqué, évitant de sombrer comme d'autres.

D'autres encore, notamment en France, se sont d'ailleurs même lancé dans le soutien à la guerre populaire au Népal, au moment où celle-ci n'existait plus, quelle triste ironie ! A l'époque, l'organisation Voie Prolétarienne expliquait dans son organe de presse que de « fructueuses » rencontres avaient eu lieu avec des dirigeants du PC du Népal (soi-disant maoïstes) qui seraient « aux portes du pouvoir », car là-bas la « révolution est en marche. » Quelle aberration, alors qu'au même moment l'organe de presse népalais étalait une publicité pour Toyota sur sa couverture...

La situation actuelle au Népal est donc le prolongement de la catastrophe de 2006, lorsque les accords de paix ont permis l'avènement d'une république au lieu d'une monarchie, sans pour autant que change, évidemment, la base économique. La clique du roi a dégagé, mais pas les propriétaires terriens, ni la bourgeoisie bureaucratique.

Les accords de paix étaient censés être justifié par l'organisation d'une insurrection finale dans la capitale Katmandou, afin de « contourner » pour ainsi dire l'armée qui était très bien équipée.

Rien de cela ne s'est passé, bien entendu, les dirigeants devenus révisionnistes s'intégrant dans l'appareil du vieil Etat népalais.

Cela a provoqué beaucoup de frustration et de contestation. L'un des dirigeants des « maoïstes » népalais en sait quelque chose : lorsqu'il est allé la semaine dernière au Brésil pour la conférence Rio+20, il a été accueilli par des banderoles appelant à la victoire de la guerre populaire !

 

 

 

 

 

Dans ce contexte, une polémique est alors née dans le mouvement maoïste international, entre ceux qui fantasmaient sur cette contestation et en faisait une « fraction rouge » et les autres, dont le PCMLM, qui considéraient cela comme un sous-produit de la trahison.

Le fantasme sur une « fraction rouge » servait en fait les « centristes » dans le mouvement maoïste à faire passer la pilule d'avoir soutenu si longtemps les accords de paix. La seule manière de se justifier était de prétendre qu'il y avait eu une possibilité d'avancer ; pour que cela ait existé, il faut « trouver » une ligne rouge.

La situation en était restée là ces derniers mois, avec une intense campagne internationale pour pousser en avant cette « fraction rouge » à émerger en tant que tel. C'est désormais le cas, cette « fraction rouge » étant sorti du Parti Communiste Unifié du Népal (Maoïste), afin de fonder le « Parti Communiste du Népal (Maoïste). »

C'est donc une refondation du PCN(M), avant que celui-ci ne change de nom dans le prolongement des accords de paix. Il y a alors deux possibilités : soit les centristes avaient raison et alors ce nouveau PCN(M) est une brillante reconstruction, la révolution népalaise renaissant tel le phénix de ses propres cendres. Ou bien ce nouveau PCN(M), si l'on suit ceux et celles rejetant les « centristes », ne représente pas une véritable rupture avec ce qui a amené les accords de paix.

Le nouveau PCN(M) est ainsi le fruit d'une réelle tendance ; sa fondation a rassemblé 2000 délégués, et 44 des 244 membres du comité central de l'ancien parti l'ont rejoint. Reste à savoir ce qu'il vaut.

Sur le papier, il rompt avec deux points essentiels de ce qu'a fait Prachanda : le nouveau PCN(M) critique à la fois l'établissement d'une « république démocratique » (et non d'une république populaire), ainsi que les accords de paix avec le désarmement de l'Armée Populaire de Libération.

Ce qui est juste, mais alors il faudrait tout de même, logiquement, prendre position par rapport aux critiques faites à ce sujet à l'époque, sans quoi il ne s'agit pas d'une réelle autocritique.

Or, que voit-on ? Que le principal dirigeant du nouveau PCN(M), Mohan Baidya « Kiran » est allé voir le président népalais Ram Baran Yadav, le 24 juin 2012, accompagné de la direction du nouveau PCN(M).

Mohan Baidya « Kiran » a expliqué qu'il voulait une constitution fondée sur le principe de la république populaire, et que sans cela le nouveau PCN(M) ne participerait pas aux élections de novembre, tout comme il ne chercherait pas de reconnaissance officielle. Mohan Baidya « Kiran » appelle par conséquent à un gouvernement d'union nationale.

C'est-à-dire que le nouveau PCN(M) exige, en gros, l'application réelle et concrète de ce qui a été décidé dans les accords de paix. Il est d'ailleurs soutenu massivement par les très nombreuses organisations ethniques du pays.

Le nouveau PCN(M) ne compte ainsi nullement passer dans l'illégalité ou mener la guerre populaire ; il veut seulement aller « jusqu'au bout. » Il tiendra d'ailleurs un congrès en février 2013, dans six mois, ce qui montre qu'il est là pour appeler, légalement, à la « révolte. »

On peut considérer cette ligne comme correcte si l'on n'est pas maoïste, mais quand on est maoïste, la ligne est celle de la guerre populaire...

Le nouveau PCN(M) sait qu'il y a là un problème de fond, d'où le discret chambardement idéologique.

Ainsi, dans une interview à l'agence de presse allemande, Mohan Baidya « Kiran » a expliqué que « le Népal était auparavant une société féodale, puis il est devenu une société semi-coloniale et maintenant c'est une société néo-coloniale. »

C'est un très gros problème, car normalement et logiquement, le Népal devrait être considéré comme encore semi-colonial semi-féodal, comme avant 2006. Là, par contre, il est considéré qu'il s'est passé quelque chose en 2006. Dans un document pour le PCN(M), Mohan Baidya « Kiran » explique dans un même ordre d'idée que le Népal est à la fois semi-colonial semi-féodal et néo-colonial ; ce n'est pas clair.

Il ressort néanmoins le fait que cet aspect « néo-colonial » en dit long. Car cette théorie de la transformation du Népal en pays « néo-colonial » est révisionniste ; le marxisme-léninisme-maoïsme ne reconnaît pas le concept de « néo-colonial. » Un tel concept est révisionniste, utilisé par les partisans du social-impérialisme soviétique pour appuyer une sorte de « front » permettant l'émergence d'une bourgeoisie bureaucratique au service de l'URSS.

Il faut d'ailleurs ici noter que le nouveau PCN(M) a une ligne revendiquant ouvertement le nationalisme anti-indien ; l'Inde est considérée comme la force principale exploitant la « néo-colonie » népalaise. Et Mohan Baidya « Kiran » était le mois dernier en Chine... pour discuter ouvertement avec de hauts responsables chinois.

Ce qui est pour le moins étrange, car dans l'interview à l'agence de presse allemande, il présente ceux-ci comme des amis donnant des conseils !

Et ce qui en dit long surtout sur la nature du PCN(M), qui n'est pas une rupture conséquente avec ce qui a amené la défaite de la guerre populaire au Népal.

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