13 mar 2012

Sarkozy et la bourgeoisie traditionnelle contre les exilés fiscaux

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Sarkozy a donc décidé de taxer les exilés fiscaux et Mélenchon a salué l'initiative. Il y a encore quelques semaines, cela aurait été impensable – sauf bien entendu pour les personnes qui ont compris la distinction que nous avons faite entre bourgeoisie traditionnelle et bourgeoisie impérialiste.

Le PCMLM a en effet, à juste titre, souligné que la bourgeoisie française se divisait en deux principales fractions : la bourgeoisie industrielle et la bourgeoisie financière. Sarkozy est l'homme de la bourgeoisie industrielle, d'où ses incessantes critiques du monde de la finance (voir notamment le document de travail : La bataille pour le pouvoir en France entre les bourgeoisies industrielle et financière 1940-2006).

La ligne de Sarkozy est celle du statu quo : il y a d'un côté l'alliance économique avec l'Allemagne, de l'autre l'alliance militaire avec l'Angleterre (signée en 2010 et issue des « Traités de Londres » également appelés parfois « Accords de Lancaster House »).

D'un côté, l'Union Européenne est géré avec l'Allemagne, de l'autre sur le plan militaire la France fait partie du camp « atlantiste » (Grande-Bretagne, USA...) comme on l'a vu en Libye.

D'où, aussi, ce qu'il a expliqué le 12 mars sur la chaîne TF1 :

« Tout exilé fiscal qui est parti à l'étranger dans le seul but d'échapper à l'impôt français devra déclarer à l'administration française ce qu'il a payé comme impôt à l'étranger. Et si c'est inférieur à ce qu'il aurait payé sur ses revenus de son capital en France, on lui fera payer la différence. »

Ces gens, qui sont des « exilés fiscaux », sont-ils nombreux ? En fait, pas tant que cela, mais ils sont très riches, comme la famille Peugeot ou les propriétaires des champagnes Taittinger et Laurent-Perrier, que l'on retrouve en Suisse.

Cependant, ils ne sont pas que très riches : leur démarche est parasitaire. Ici, la richesse est héritée, on est dans le cadre d'une aristocratie financière, qui vit véritablement sur « une autre planète. » On est ici dans la catégorie de jeunes adolescents qui peuvent venir de Suisse à Paris en jet privé, juste pour participer à une soirée.

On est dans le luxe, dans les mondanités, dans une atmosphère de jet-set cosmopolite. On l'aura compris, ces gens appartiennent au capital financier.

Sarkozy ne représente pas ces gens, qui historiquement sont liés à Chirac et la ligne impérialiste française sur le mode néo-gaulliste. Aujourd'hui, ce sont Villepin et Marine Le Pen qui représentent cette ligne.

Par conséquent, Sarkozy peut les cibler, car la bourgeoisie industrielle tente de maintenir la France à flots et n'hésite pas à tacler la bourgeoisie impérialiste.

A la grande joie de Mélenchon :

« Je triomphe ! Le Président de la République sortant reprend à son compte la solution du Front de Gauche concernant la taxation des déserteurs fiscaux à l’étranger ! Hier, il reprenait notre idée de désobéissance européenne. Et il y a quinze jours, c’était François Hollande qui adoptait de l’idée du revenu maximum des hyper riches !

Nos idées sont désormais au centre du débat et des solutions quand il s’agit d’avoir de l’audace et d’organiser le partage des richesses. La richesse obscène des gavés n’est plus supportée. Je constate donc que le Front de gauche mène une campagne qui fait avancer les idées de gauche dans toute la société bien mieux que celle de François Hollande. »

Pourquoi cela ? Parce que Mélenchon est un social-impérialiste ; il veut une France impérialiste forte, mais qui s'appuie sur des mobilisations patriotiques, « républicaines », des couches populaires.

Ce que fait Sarkozy renforce cette dynamique « républicaine », donc Mélenchon trouve cela bien. De l'autre côté, Mélenchon rejette « l'atlantisme » et prône une France qui fait cavalier seul ; en cela, il est sur la même ligne que Marine Le Pen.

C'est là où tout se joue, justement. Sarkozy a décidé d'unifier le plus largement possible tous ceux qui veulent un statu quo, mais une France impérialiste forte. Il peut intégrer des mesures « républicaines » dures – et le rétablissement du Baccalauréat comme valeur « sacrée » fait partie de ce projet « républicain. »

Il entend ici siphonner tant Mélenchon que Marine Le Pen, dont les partisans sont sociaux, mais aussi (voire surtout) patriotiques – républicains – nationalistes. Il pense pouvoir y arriver, car l'extrême-droite n'est pas parvenu à réaliser une synthèse idéologique néo-gaulliste.

Hollande est un « moderniste » et il est dans la même logique. Il avait ainsi annoncé que tous les revenus au-dessus de 1 million d'euro par an seront taxés à 75 % (mais bien évidemment seulement la partie au-dessus du million : si l'on gagne un million cent euros, on ne paiera 75% d'impôts que sur les cent euros).

Il s'était néanmoins rétracté pour les joueurs de football, entendant ne pas gâcher cet opium du peuple...

Cela appartient néanmoins à la même logique. Il n'est pas difficile justement de comprendre qu'avec ce genre d'initiatives de taxation des exilés fiscaux, ces mêmes exilés feront le cas échéant pleuvoir des billets de banque sur l'extrême-droite... Il est évident aussi que l'extrême-droite va tout faire pour apparaître comme le « camp de l'opposition » après les prochaines élections. Une scission de l'UMP apparaît ici comme inévitable, avec la frange conservatrice-nationaliste quittant le bateau libéral.

Ce à quoi on assiste, c'est à un affrontement Sarkozy – Hollande qui est le dernier affrontement historique dans un cadre « républicain » traditionnel. Sarkozy le partisan du statu quo et Hollande le moderniste sont les derniers représentants historiques de la France qui n'a pas encore intégré en son for intérieur l'inéluctabilité et l'ampleur de la crise générale du capitalisme.

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