20 avr 2012

Poutou et Arthaud, un opportunisme électoral à mille lieues des exigences révolutionnaires de notre époque

Submitted by Anonyme (non vérifié)

C'est maintenant une tradition en France, différents groupes trotskistes présentent des candidats aux élections présidentielles. Cette année 2012, ils ne sont « que » deux à étaler leur opportunisme à l'occasion de ces élections, Philippe Poutou du Nouveau Parti Anticapitaliste et Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière. 

N'imaginant évidemment pas être élus, les candidats trotskistes justifient leur participation aux élections par le fait que cela serait une tribune pour exprimer un programme. Soit. Mais quel est alors leur programme, que mettent-ils donc en avant ?
 
La particularité de Nathalie Arthaud est qu'elle prétend être la seule communiste, son créneau est de se la jouer « vraie révolutionnaire » qui ne lâche rien. Phillipe Poutou pour sa part cultive l'image du type « simple » qui balancerait des vérités dures « à la gueule des bourgeois », ce qui serait sensé convaincre de se battre contre le capitalisme.
 
Les deux candidats d’extrême-gauche ont beaucoup eu l'occasion de s'exprimer à travers les médias bourgeois depuis le début de la campagne, mais ce qui en ressort principalement, c'est justement le fait qu'ils n'ont pas grand chose à dire.
 
La candidate de LO répète en boucle son programme social-démocrate dur qu'elle sait pertinemment irréaliste - l’interdiction des licenciements et la répartition du travail, l’augmentation et l’indexation des salaires, retraites et pensions sur le coût de la vie, le contrôle des travailleurs sur les entreprises industrielles et bancaires.
 
Ces revendications d'aménagement du capitalisme sont irréalisables dans le cadre de la démocratie bourgeoise et elles deviendraient totalement obsolètes, car dépassées et en dessous des exigences dans le cadre de la prise du pouvoir par le prolétariat et l’établissement d'un régime socialiste.
 
Si les militants de Lutte Ouvrière répètent inlassablement ces mêmes mesures depuis plusieurs dizaines d'années, c'est qu'ils s'imaginent – conformément à l’interprétation mécaniste de la lutte de classe par Trotsky -  que l'appui de ces revendications permettrait de pousser le régime à bout et ainsi faire exploser le système tellement les contradictions seraient importantes.
 
Lutte Ouvrière applique à la lettre, en bonne élève, les premiers points du programme de transition rédigé par Trotsky en 1938, alors qu'il était devenu l'un des principaux ennemis idéologiques de l'Internationale Communiste et de l'URSS.
 
La vision du monde véhiculée par Lutte Ouvrière est très simple : le chô­mage et les bas salai­res sont responsables de tout, alors il faut obliger le « gou­ver­ne­ment », les « ban­quiers et grands patrons » à lâcher de l'argent. 
 
C'est une caricature de marxisme, un subjectivisme économiste étranger au matérialisme dialectique de Karl Marx et Friedrich Engels.

Mais admettons. Bien que nous critiquions cela, c'est une caractéristique nationale du mouvement ouvrier français que d'être économiste, comme en témoigne la prédominance historique du syndicalisme révolutionnaire et de l'anarcho-syndicalisme. Si elle a décidé de s'engager dans cette voie, on pourrait alors imaginer que Nathalie Arthaud, qui se veut être une « puriste », se saisisse de ses « tribunes » pour exposer des analyses économiques poussées du mode de production capitaliste, mettant en avant l'inéluctabilité de son effondrement et critiquant les théories économiques bourgeoises – d'autant plus qu'elle est professeure agrégée d'économie et qu'elle doit donc bien les connaître.
 
Mais ce n'est pas le cas, elle refuse de servir les masses en proposant des analyses. Elle préfère sombrer dans une démagogie anti-finance absurde et improductive.
 
Que valent alors les déblatérations de Arthaud contre la « finance » ou pour « abat­tre le mur de l’argent » ? Elles ne valent pas grand chose, car à ce jeu là, au jeu de l'anticapitalisme romantique tendant à l'antisémitisme, le populisme de Mélenchon et Marine Le Pen terrasse totalement sa plate et redondante rhétorique économiste.
 
En fait, même Jacques Cheminade a plus de contenu dans sa critique romantique de la « finance ». Il est capable lui de placer dans un débat télévisé par exemple des (soi-disant) citations du livre III du Capital de Karl Marx afin d'appuyer son propos. 
 
La ligne prétendument « vraie communiste » de Nathalie Arthaud est en fait un opportunisme de droite, c'est-à-dire une vision mécaniste qui - sous prétexte de soumettre toute analyse à la « lutte de classe » - abandonne quasiment tout caractère progressiste et projet de civilisation dépassant le capitalisme.
 
Le paragraphe de son programme intitulé improprement « écologie » exprime froidement cela : 
 
« Je suis oppo­sée à toutes les mesu­res, même impo­sées au nom de l’écologie, visant à res­trein­dre la consom­ma­tion popu­laire par des aug­men­ta­tions de prix, par la créa­tion de taxes…
Et je me refuse à sim­ple­ment mettre en cause des tech­ni­ques par­ti­cu­liè­res, comme les OGM ou le nucléaire… Ce ne sont pas les tech­ni­ques, mais les condi­tions de leur mise en œuvre dans ce sys­tème, ainsi que l’absence d’infor­ma­tion et de contrôle de la popu­la­tion sur ces sujets, qui sont à incri­mi­ner.
Pour moi, si être com­mu­niste impli­que for­cé­ment d’être « écologiste », mili­ter pour que la société se donne les moyens de maî­tri­ser les pro­blè­mes écologiques sup­pose d’être com­mu­niste. »
 
Cela est effectivement froid. Il n'y aucune sensibilité pour la vie dans ces propos mortifères. C'est à mille lieues de la réalité brutale que fait subir le règne de la marchandise à la planète et aux êtres vivants qui vivent avec elle, en elle. En fait, on se demande bien à quoi peut ressembler le « communisme » de Nathalie Arthaud ? Si ce n'est à un sur-capitalisme dans lequel les « travailleurs » gérant les livres de comptes des entreprises auraient assez d'argent pour consommer tout ce que la bourgeoisie a été capable d'inventer comme marchandises.
 
Dans les années 1990 et 2000, la LCR, l'ancêtre du NPA de Phillipe Poutou, s'est développée comme le pendant inverse de cette vision du monde froide et morbide incarnée par les militants de Lutte Ouvrière.
 
La ligne de la LCR a consisté au contraire de LO en un pragmatisme sur les questions sociales progressistes. Mais ce fut un opportunisme (de « gauche ») qui s'est de plus en plus éloigné des préoccupations populaires et a fini par se noyer dans les méandres de l'individualisme et du subjectivisme petit-bourgeois. Cela est encore plus vrai depuis la création du NPA.
 
Le NPA a voulu se défaire de son image petit-bourgeoise pour les élections présidentielles. Et c'est un ouvrier qui s'est collé à la tâche « rebutante » (de son propre aveu) de la candidature.
 
Philippe Poutou est très certainement un bon syndicaliste... Mais il est clair que sa prestation de candidat à la présidentielle est totalement éloignée des besoins de la classe ouvrière sur le plan politique.
 
A l'instar de Nathalie Arthaud, qui répète en boucle sa prose sociale-démocrate, l'accumulation du « temps de parole » de Philippe Poutou se résume très simplement lui aussi : la crise serait un prétexte ; il suffirait de prendre l'argent aux méchants patrons pour que tout aille mieux.
 
Pour cela, la perspective politique du NPA est de « virer Sarkozy en priorité » mais tout en ne faisant pas de « chèque en blanc à François Hollande ». C'est-à-dire que le NPA se porte garant du fait qu'il y aura une opposition au Parti Socialiste. Et que donc la prise du pouvoir par la social-démocratie irait tout de même dans « le bon sens ».
 
Cela est pleinement conforme au point de vue trotskyste qui suppose que la ligne communiste révolutionnaire consisterait à déborder la social-démocratie sur sa gauche, en appuyant ses contradictions.
 
Mais c'est un point de vue petit-bourgeois anti-dialectique, car niant la nécessité de la synthèse et du saut qualitatif. Le NPA n'est pas communiste, mais seulement « anti-capitaliste ». Il exprime une vague antithèse du capitalisme mais aucunement une synthèse par rapport à lui, un changement qualitatif qui verrait naître une nouvelle société socialiste ayant dépassé le capitalisme. 
 
Étant donné que le matérialisme dialectique est étranger au NPA, il va sans dire que sa maîtrise de l'économie politique marxiste est lamentable, voire totalement inexistante. Philippe Poutou pense aller dans le bon sens en essayant de tirer mécaniquement la social-démocratie vers la gauche. Mais il nie totalement la puissance de la bourgeoisie et sa capacité destructrice.
 
Plus la crise du capitalisme se généralise, plus la social-démocratie et le fascisme se renforcent comme des remparts face au communisme, comme des ogives bourgeoises lâchées sur la classe ouvrière et les masses populaires pour empêcher l’émergence de la dictature du prolétariat par la guerre populaire. En fait, plus la crise du capitalisme se généralise et plus la position de Philippe Poutou apparaît comme absurde et décalée.
 
Dans la pratique, il est flagrant que Philippe Poutou bute face à cette contradiction et qu'il ne peut pas assumer le bricolage idéologique et politique du NPA face aux journalistes bourgeois. Sa seule porte de sortie, son unique perspective lors de ses interventions est alors d'esquiver la politique en se la jouant syndicaliste dur. C'est la nature du syndicalisme que d’être anti-politique.
 
Cela est une erreur profonde de la part de Philippe Poutou. Une erreur qui a des répercussions énormes sur le plan culturel. Quand on essaye de nier la politique, la politique s'impose à soi. Ce qui apparaît alors aux yeux des masses populaires, c'est un Philippe Poutou qui dénonce certainement des choses vraies, mais qui n'a en fait aucune solution réaliste pour aller de l'avant.
 
Cela est terrible d'un point de vue culturel, car cela renforce dans les masses l'idée que la bourgeoisie serait une classe utile. Mais qu'elle devrait simplement être garante d'un équilibre afin de satisfaire les mécontentements pour éviter les extrémismes qui ne mènent à rien. 
 
C'est une vision du monde contre-révolutionnaire qui est extrêmement répandue dans les masses et que les communistes doivent combattre inlassablement.
 
Mais Philippe Poutou, avec ses approximations dans son discours, avec ses clips de campagne niais, avec son attitude « détachée » et avec - il faut bien le dire - ses pleurnicheries ridicules contre les « vilains patrons », renforce indiscutablement cette vision bourgeoise.
 
Au contraire, notre époque exige une attitude ferme et déterminée face à la bourgeoisie qui ne peut rien contre la crise généralisée du capitalisme, motrice de la montée du fascisme.
Notre époque exige une avant-garde ouvrière qui soit capable de diriger un État et qui soit pleinement consciente de son rôle de porteuse de la civilisation contre la barbarie produite par le mode de production capitaliste.
 
Ni Nathalie Arthaud ni Philippe Poutou ne sont à la hauteur de ces exigences prolétariennes. Bien au contraire, ils ont tous les deux un point commun, c'est que lui comme elle brillent par leur absence de style révolutionnaire, de contre-culture et mode de vie antagonique avec la bourgeoisie.
 
L'attitude de Nathalie Arthaud et Philippe Poutou est parfaitement à l'image de l’extrême-gauche française : quasiment inerte, coupée de la vie des masses populaires et complètement asphyxiée par le syndicalisme. Tout cela est à mille lieues des exigences révolutionnaires de notre époque.
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