22 nov 2011

Marine Le Pen et la modernisation des abattoirs et de l'industrie de la viande

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le programme de Marine Le Pen comporte, comme nous l'avons dit, un passage sur l'amélioration de la « condition animale », notamment par rapport à l'abattage.

Revenons sur ce point qui est important en économie politique, comme nous l'avions expliqué dans l'article Crise du capitalisme et intensification de la productivité: le rôle des animaux dans la chute tendancielle du taux de profit.

Le principe est simple, et comporte ici deux aspects.

Le premier, c'est qu'intégrer des animaux dans la production permet des gains de productivité, et donc le renforcement de l'intensité du capital. Les animaux sont de la force de travail exploitée.

Le second, c'est que, afin de renforcer les monopoles, l’État généralise les règlements qui, comme par hasard, ne peuvent pas être appliqués par les petits entreprises, qui n'ont plus qu'à fermer.

Marine Le Pen sert ici directement les monopoles et leur volonté d'intensifier le capital, au moyen de mesures « humanitaires », « démocratiques », en faveur de la « condition animale. »

Commençons par rappeler le point de son programme concerné :

« La protection animale
La législation concernant l’élevage en batterie sera revue afin d’offrir un espace vital décent aux animaux ; un crédit d’impôt aidera les éleveurs à transformer leurs installations en conformité avec les nouvelles normes.
L’interdiction de l’abattage des animaux destinés à la consommation sans étourdissement préalable, qui s’impose pourtant à la France, sera respecté.
La législation concernant les expérimentations sur des animaux sera durcie, notamment pour les cas où la recherche permet de les éviter.
Les programmes de lutte contre l’abandon d’animaux de compagnie seront soutenus par l’octroi par l’Etat de plages de publicité gratuites sur le service public audiovisuel, et un soutien accru aux associations engagées dans ce combat. »

A la lecture de ce point du programme de Marine Le Pen, il faut bien avoir à l'esprit les conditions économiques, notamment dans le cadre juridique européen.

Si Marine Le Pen avait ainsi dit : nous allons donner de l'argent aux éleveurs, alors l'Union Européenne lui aurait dit que cela ne serait pas légal.

Mais elle contourne ce point en faisant en sorte que les éleveurs ne paient pas d'impôts proportionnellement à leurs investissements.

Or, qu'est-ce qu'un éleveur si ce n'est un capitaliste ? Et quel capitaliste peut se permettre un lourd investissement, si ce n'est un gros capitaliste ?

Et là justement où cela renforce l'intensité capitalistique, c'est sur le double point suivant :

a)les obligations juridiques pour le « bien-être animal » vont, tout comme les mesures sociales pour les employés, obliger les petites entreprises à s'effacer devant les grandes, car elles ne pourront pas suivre ;

b)les espaces vitaux décents permettront l'ouverture d'usines plus grandes et plus efficientes, car on se doute bien qu'on ne pourra pas agrandir les murs des usines existantes !

Il n'y aura donc pas de transformation des installations en particulier, mais la modernisation générale de cette industrie. Les partisans du « bien-être animal » niant l'exploitation capitaliste, ils servent de faire-valoir à la modernisation de l'industrie.

D'ailleurs, cette modernisation existe déjà... Voici ce que dit le ministère français de l'agriculture :

La modernisation et l’adaptation des bâtiments et des équipements d’élevage constituent un puissant levier économique car le bâtiment structure l’exploitation, son fonctionnement, notamment en termes de conditions et de pénibilité du travail et de compétitivité. Le plan vise à favoriser l’introduction d’innovations technologiques ou encore de pratiques d’élevage plus respectueuses du bien-être et de l’hygiène des animaux ainsi que de l’environnement.
Ce plan de modernisation est financé par un fonds unique multi-financeurs : Etat (ministère chargé de l’agriculture), Agences de l’eau et Collectivités territoriales. S’inscrivant dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, il fait appel à un cofinancement communautaire de 50%.

Mais allons plus loin et voyons des chiffres très parlants : ceux de la concentration, en nous appuyant sur l'exemple des vaches enfermées pour produire du lait. Il s'agit là d'un exemple typique d'exploitation.

Cela est tellement vrai qu'en France, une exploitation agricole sur quatre est une ferme laitière.

Mais ces fermes ne sont pas très modernisées ; il y a au maximum une centaine de vaches par ferme, et en moyenne plutôt 40-50.

C'est très peu, surtout quand on sait qu'il y a en France 3 800 000 vaches concernées par la production du lait, qui s'élève à 23 milliards de litres.

Ce qui se laisse profiler est facile à comprendre : les méga-usines. Pour cela, il suffit de faire une loi disant que les installations doivent être modifiées, etc., puis au fur et à mesure de toutes manières, la concentration se développe, les grands écrasant les petits, etc.

Il ne faudrait pas penser que l'industrie de la viande n'a pas de rapport ici, bien au contraire ; rappelons ici que les vaches dites laitières sont abattues bien vite ; 42% des viandes sont issues de ces vaches.

Lorsque Marine Le Pen arrive donc en disant : réformons la « condition animale », elle veut par là dire : renforçons la concentration de la production.

C'est même très intelligent, car ce faisant Marine Le Pen s'appuie sur une force capitaliste montante, en plein renforcement. Et en plein accord – pour l'instant car elle veut en fait la concentration – avec l'image d'Epinal de la France rurale, du terroir, etc.

On est ici bien sûr en plein fascisme, car qui dit modernisation du capitalisme dit souvent fascisme... cette modernisation ayant lieu par en haut le plus souvent, et encore plus à la période de la crise générale du capitalisme.

Lorsque ce n'est pas le fascisme, c'est la social-démocratie qui accompagne le mouvement de modernisation « en douceur », comme l'histoire en donne de nombreux exemples (notamment dans les années 1960-1980 en Allemagne et en France).

Notons cependant les autres points, afin de les comprendre.

Déjà, dire que « La législation concernant les expérimentations sur des animaux sera durcie, notamment pour les cas où la recherche permet de les éviter » ne tient pas debout, puisqu'en effet la loi ne peut pas « décider » de quand cela serait possible d'éviter ou pas, d'ailleurs théoriquement les lois en Europe vont déjà en ce sens pour certains animaux.

D'où un flou qui, de toutes manières, n'atteindrait pas la vivisection dans son ensemble.

En ce qui concerne « L’interdiction de l’abattage des animaux destinés à la consommation sans étourdissement préalable, qui s’impose pourtant à la France, sera respecté », c'est pareillement difficile à appliquer, et si ça le sera, c'est forcément au service de certaines entreprises aux dépens d'autres.

Enfin, comme il a déjà été dit, quand on ne touche pas au commerce des animaleries – bien plus que petit commerce d'ailleurs, mais une vraie industrie – quel sens cela a-t-il de dire : « Les programmes de lutte contre l’abandon d’animaux de compagnie seront soutenus par l’octroi par l’Etat de plages de publicité gratuites sur le service public audiovisuel, et un soutien accru aux associations engagées dans ce combat » ?

En fait, là aussi on a le principe de la modernisation : les grandes animaleries seraient des « garantes » plus efficaces des non abandons, et donc les petites devraient fermer.

En pratique, les abandons seraient aussi nombreux, car c'est un problème idéologique et culturel. Mais, dans le mouvement, le processus de concentration serait renforcé...

On peut d'ailleurs être sûr que Marine Le Pen aura ici beaucoup de soutien. Il y a de grandes possibilités de concentration, et par conséquent, beaucoup de capitalistes pour appuyer le mouvement.

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