Gérer ou correspondre à la transformation de la réalité ? Une question majeure du maoïsme
Submitted by Anonyme (non vérifié)Quel est le chemin révolutionnaire? Est-ce gérer la transformation de la réalité, l'obliger à se transformer de façon révolutionnaire? Ou est-ce suivre la nature révolutionnaire de la réalité elle-même, y correspondre?
La question soulevée ici est celle de la nature du matérialisme dialectique. Soit la réalité existe « en dehors de nous » et d'une certaine manière nous pouvons choisir de la transformer, ou la contradiction est interne à la réalité et nous sommes une partie de la réalité, nous transformant d'une manière adéquate.
Il s'agit d'une question très importante, la question fondamentale de la nature du matérialisme, de la réalité. Et cela joue un rôle très important également - ou même un rôle central - de nos jours dans les débats au sein du mouvement communiste international sur le maoïsme.
Pour comprendre cela nous avons besoin de voir les principales propositions idéologiques qui existent. Nous pouvons voir que ces deux conceptions sont exprimées et sont la source des principales différences.
Les principales conceptions maoïstes de nos jours
Il y a de nos jours quatre principales conceptions maoïstes. Voici une courte présentation.
a) La conception avakianiste
Cette conception est que la révolution n'est pas quelque chose qui vient « mécaniquement » de la réalité, mais le meilleur choix de l'humanité. Le communisme est la meilleure « option » pour une pensée rationnelle. Il n'y a aucune affirmation scientifique, seule une volonté, un choix, une option. Le communisme ne sera pas établi à moins que l'humanité ne le « choisisse ».
Portée par Bob Avakian du Parti Communiste Révolutionnaire (USA), elle a été acceptée par toutes les organisations impliquées de différentes manières au sein du Comité du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste - MRI (Sarbedaran d'Iran, communistes révolutionnaires et TKP (ML) Maoist Merkezi en Allemagne c'est-à-dire Berlin, etc.)
b) La conception du Co-MRI seconde génération
Lorsque les avakianistes ont abandonné le MRI, cette structure est passée sous la direction du Parti communiste du Népal (maoïste), du Parti communiste maoïste d'Italie et le Parti communiste maoïste de Turquie Kurdistan du Nord.
La conception avancée par ces organisations est que le maoïsme est la science de la révolution. Néanmoins, le maoïsme donne essentiellement les principales indications ; la souplesse au niveau pratique est nécessaire en raison des nombreuses situations. Par conséquent, les bons choix doivent être faits, avec un esprit flexible et il n'y a pas de place pour les vues dogmatiques.
c) la conception intermédiaire
Certaines organisations ont rejeté clairement la conception avakianiste comme idéaliste et la seconde génération du Co-MRI comme opportuniste.
Par conséquent, ils ont produit des appels anti-centristes, contre la trahison du Népal au début, ce qui les a amenés dans un conflit idéologique avec les organisations défendant « l'approche souple ».
La compréhension du maoïsme de ces organisations est assez différente, mais la base commune est que le maoïsme est la science de la révolution avec des principes qui ne sont pas « flexibles ».
d) La conception de Gonzalo – deux interprétations
Selon Gonzalo, le communisme est inévitable, et donc les pensées sont produites, synthétisant une réalité nationale avec le matérialisme dialectique et étant un phare pour les révolutionnaires. En ce sens, une pensée est toute-puissante.
Mais il peut y avoir et il y a deux interprétations de ce caractère tout-puissant.
a) soit cette pensée est toute-puissante parce qu'elle montre la voie et donne les bonnes méthodes ; alors suivre la pensée signifie la victoire
b) ou cette pensée est toute-puissante, car elle correspond au mouvement de la réalité; étant conforme au mouvement de la matière, et l'expression de celle-ci, la pensée est tout-puissante, parce que conforme.
La position du MPP et sa conséquence
Il est très clair que le Mouvement Populaire Pérou, organisme généré du Parti communiste du Pérou (PCP) pour le travail à l'étranger, soutient la première conception mentionnée au sujet de la conception Gonzalo (la pensée montre la voie et donne les bonnes méthodes).
Pour le MPP, le maoïsme doit être « mis à la tête », il est parlé d'« imposer le maoïsme », certaines organisations proches du MPP appellent à « accélérer » la constitution ou la reconstitution du Parti dans leur propre pays, et il y a aussi l'appel à la lutte de deux lignes.
Le PCMLM de France n'accepte pas cette conception. La lutte de deux lignes n'est pas un « choix », mais une pratique qui est faite lorsque dans la réalité elle-même les conditions sont réunies pour cela. Il n'est pas possible ni d'« accélérer » ou de « freiner » la révolution, la réalité est une et il n'y a pas de « choix » possible.
La conséquence de cette différence peut être vue dans l'attitude au sujet du révisionnisme népalais. Lorsque Gonzalo a été capturé par l'armée réactionnaire péruvienne, le PCP se considérait comme la fraction rouge dans le MRI.
Le MPP a maintenu cela dans les années qui ont suivi. Le MPP a parlé pendant longtemps du « camarade Avakian », en essayant de ne pas le critiquer ouvertement directement, et la même chose s'est produite avec « camarade Prachanda ». Quand en 2007, pour le PCMLM de France, Prachanda était déjà considéré comme ouvertement au service du révisionnisme moderne et de la ligne d'un accord de paix impérialiste, le MPP le critique, mais parlait encore du « camarade Prachanda ».
La raison de la position du MPP, qui peut se résumer par « pas de critique ouverte jusqu'à ce que l'autre décide une scission », est un produit direct de la conception subjectiviste de « gérer la matière ».
Le MPP a essayé de « gérer » la réalité du MRI, alors que la contradiction interne du MRI n'a absolument pas été prise en considération, permettant ainsi aux avakianistes de s'organiser et ensuite aux centristes de s'organiser.
Il faut ainsi noter que le MPP a signé de nombreux documents avec le Parti communiste maoïste d'Italie, participant à de nombreuses « conférences », par exemple à Paris, organisée par le communiste maoïste d'Italie.
La position du PCE-CR et sa conséquence
Dans les dernières semaines, le PCE-CR - Comité de Reconstruction du Parti communiste d'Équateur, a appelé à la lutte des deux lignes et a critiqué fortement certaines organisations de ce que nous appelons ici la conception intermédiaire.
Le paradoxe est que le PCE-CR leur reproche de ne pas reconnaître les enseignements de Gonzalo, tandis que de l'autre côté le PCE-CR ne critique pas les centristes qui, clairement, rejettent les enseignements de Gonzalo !
La raison en est que le PCE-CR semble se déplacer dans la même conception subjectiviste de « gérer la réalité ». Son appel à « la lutte des deux lignes » existe comme si rien n'était arrivé dans le MRI ces 15 dernières années.
C'est comme si le MRI existait, avec des problèmes – le PCE-CR et le MPP n'étant certainement pas d'accord avec le centrisme – mais que les anti-centristes étaient des « outsiders », avec un niveau idéologique « en-dessous » de la valeur du MRI.
Par conséquent, avec une telle vision, le PCE-CR peut venir faire un appel subjectiviste de lutte de deux lignes avec ses propres critères – même si les critères sont de la plus grande valeur, ils ne correspondent pas à la question du moment, ils ne sont pas articulés politiquement.
L'exemple positif du premier mai 2009
Quand il y a eu la trahison de la révolution népalaise, en 2005-2006, quelques rares organisations l'ont expliqué ouvertement et ont exprimé que c'était un danger révisionniste terrible. Parmi elles, il y avait l'Union Ouvrière Communiste (marxiste-léniniste maoïste) de Colombie.
Le premier mai 2009, le document commun appelé Le capitalisme impérialiste est en crise – Vive le Socialisme et le Communisme !, signé par l'Union Obrera Comunista (MLM), le Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste de France et le Parti Communiste d'Equateur – Soleil Rouge, affirmait de manière correcte :
« Le monde est mûr pour la révolution ! (…) Et pas seulement pour résister, aussi pour supprimer avec la révolution toutes les relations d’oppression et d’exploitation, dans la mesure où l’intensification des contradictions sociales met à l’ordre du jour la question du pouvoir politique et de la violence révolutionnaire des masses, et sa résolution par la Guerre Populaire qui aujourd’hui avance de manière victorieuse dans des pays comme l’Inde, resurgit au Pérou, et se prépare dans d’autres, en accord avec le niveau d’organisation du parti du prolétariat (…).
Et avec cette réalité qui montre une perspective lumineuse, les prolétaires du monde doivent connaître une vérité amère : au Népal, où l’avancée victorieuse de la Guerre Populaire et les masses ouvrières et paysannes s’apprêtaient à la conquête du pouvoir dans tout le pays, la direction du Parti Communiste du Népal (Maoïste), a signé un accord de paix avec la bourgeoisie et les propriétaires terriens avec l’appui des impérialistes, démantelant le pouvoir populaire dans les bases d’appui et confiné l’Armée Populaire de Libération sous la supervision de l’ONU.
Un abandon du chemin révolutionnaire, qui constitue dans les faits une trahison de la révolution de Nouvelle Démocratie au Népal et à la Révolution Prolétarienne Mondiale, produisant dans le Mouvement Communiste International une grande confusion au point que le MRI – Mouvement Révolutionnaire Internationaliste est resté lié et silencieux face à la trahison et face à des phénomènes qui comme la crise sont d’une importance décisive dans la situation mondiale et la lutte internationale du prolétariat (…).
Vive le Premier Mai Rouge, Journée Internationale de la Classe Ouvrière !
Le Capitalisme Impérialiste est en crise – Vive le Socialisme et le Communisme !
A bas la Trahison Révisionniste au Népal !
En avant dans la Construction des Partis Communistes et vers une Nouvelle Conférence Internationale des Marxistes-Léninistes-Maoïstes !
1er Mai 2009 »
On retrouve ici quatre points : soutenir la guerre populaire en Inde, saluer la guerre populaire au Pérou, rejeter l'accord de paix impérialiste au Népal, appeler à une nouvelle conférence internationale MLM.
Était-ce correct ? En effet – ce n'était pas « gérer » la réalité, mais lui correspondre. Ce n'était pas le subjectivisme ou la volonté au poste de commande, c'était une compréhension synthétique de la réalité, et une expression de la réalité.
Gérer ou correspondre à la transformation de la réalité ? Une question majeure du maoïsme
Le communisme est inévitable, parce que la matière est éternelle et obéit à la loi dialectique de la transformation. Les communistes sont des êtres humains correspondant idéologiquement au nouveau, étant une partie de la tendance triomphant sur le passé.
De cette conception vient la théorie du reflet, la conception de la pensée, le réalisme socialiste dans l'art (c'est-à-dire la représentation typique correspondant à la nouvelle réalité en train de naître, assumant l'héritage du passé).
Mao Zedong, en expliquant que rien n'est indivisible, a permis de comprendre cela de la manière la plus parfaite.
Mao Zedong nous a permis de dépasser les erreurs de notre grand camarade Staline, qui s'est déplacé vers l'approche idéaliste qui consistait à vouloir changer la matière de « l'extérieur », oubliant la contradiction interne (erreurs produisant le « Grand Plan pour la transformation de la nature » en 1948, ouvrant la voie à l'idéalisme et au révisionnisme).
La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) a été lancée non seulement contre les contre-révolutionnaires, elle était également là pour généraliser l'idée que rien n'est indivisible.
Partout dans le monde, les pensées ont été produites, suite à l'appel de la GRCP : Gonzalo au Pérou, Akram Yari en Afghanistan, Siraj Sikder au Bangladesh, Ibrahim Kaypakkaya en Turquie...
Et ces pensées n'étaient pas une idéaliste « pensée Mao Zedong » prétendant changer la réalité avec la « volonté » révolutionnaire, elles étaient le meilleur produit de la compréhension par Mao Zedong du marxisme-léninisme, porté à une nouvelle étape.
Ce n'était pas une question de « gestion » de la réalité, mais de s'y conformer ! C'est pourquoi le subjectivisme doit être rejeté ; même la meilleure « volonté » révolutionnaire converge avec l'opportunisme, car elle n'est pas en mesure de suivre la réalité et sa transformation incessante.
L'adéquation doit être notre préoccupation, nous devons toujours correspondre à la transformation de la réalité.