26 juin 2012

Le Capital de Marx – 3. Le double caractère du travail présenté par la marchandise

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Le Capital de Marx – 3. Le double caractère du travail présenté par la marchandise

Pour comprendre et établir la loi de la valeur, Marx doit d'abord comprendre et établir quelle est la contradiction qui est au cœur du mouvement de la valeur.

En étudiant la société capitaliste de manière matérialiste dialectique, c'est à dire scientifiquement, Marx comprend que c'est dans les marchandises que sont incarnées ces contradictions. Karl Marx est matérialiste, il sait bien que les choses ne viennent pas de nulle part, que les marchandises ne tombent pas du ciel mais sont le produit du travail (comme nous l'avons vue précédemment).

Marx a aussi présenté simplement ce qu'est une marchandise :

"La marchandise est d'abord un objet extérieur, une chose qui par ses propriétés satisfait des besoins humains de n'importe quelle espèce. Que ces besoins aient pour origine l'estomac ou la fantaisie, leur nature ne change rien à l’affaire. Il ne s'agit pas non plus ici de savoir comment ces besoins sont satisfaits, soit immédiatement, si l'objet est un moyen de subsistance, soit par une voie détournée, si c'est un moyen de production."

Il précise ensuite : 

"Chaque chose utile, comme le fer, le papier, etc., peut être considérée sous un double point de vue, celui de la qualité et celui de la quantité. Chacune est un ensemble de propriétés diverses et peut, par conséquent, être utile par différents côtés."

Marx présente alors les deux aspects de la marchandise qui est à la fois valeur d'usage et valeur d'échange (la « valeur »). Il explique simplement : 

"L'utilité d'une chose fait de cette chose une valeur d'usage. Mais cette utilité n'a rien de vague et d'indécis. Déterminée par les propriétés du corps de la marchandise, elle n'existe point sans lui. Ce corps lui-même, tel que fer, froment, diamant, etc., est conséquemment une valeur d'usage, et ce n'est pas le plus ou moins de travail qu'il faut à l'homme pour s'approprier les qualités utiles qui lui donne ce caractère. 

Les valeurs d'usage ne se réalisent que dans l'usage ou la consommation. Elles forment la matière de la richesse, quelle que soit la forme sociale de cette richesse. Dans la société que nous avons à examiner, elles sont en même temps les soutiens matériels de la valeur d'échange.

La valeur d'échange apparaît d'abord comme le rapport quantitatif, comme la proportion dans laquelle des valeurs d'usage d'espèce différente s'échangent l'une contre l’autre, rapport qui change constamment avec le temps et le lieu. La valeur d'échange semble donc quelque chose d'arbitraire et de purement relatif ; une valeur d'échange intrinsèque, immanente à la marchandise, paraît être, comme dit l'école, une contradictio in adjecto. Considérons la chose de plus près."

Un peu plus tard, toujours dans le premier chapitre du Capital, Karl Marx explique quelque chose d'important : 

"En tant que valeurs, l'habit et la toile sont des choses de même substance, des expressions objectives d'un travail identique."

C'est à dire que :

"En fin de compte, toute activité productive, abstraction faite de son caractère utile, est une dépense de force humaine. La confection des vêtements et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux une dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de l'homme, et en ce sens du travail humain au même titre. La force, humaine de travail, dont le mouvement ne fait que changer de forme dans les diverses activités productives, doit assurément être plus ou moins développée pour pouvoir être dépensée sous telle ou telle forme. 

Mais la valeur des marchandises représente purement et simplement le travail de l'homme, une dépense de force humaine en général. "

Il renchéri plus tard, pour bien continuer d'expliquer : 

"Le tissage et la taille forment la toile et l'habit, précisément parce qu'ils ont des qualités différentes ; mais ils n'en forment les valeurs que par leur qualité commune de travail humain."

Une fois tout cela établit, Marx va pouvoir passer au cœur de la théorie de la valeur. Il exprime alors sa grande maîtrise du matérialisme dialectique en montrant le double caractère du travail présenté par la marchandise.

Ce double caractère du travail est la contradiction motrice du mouvement de la valeur. Nous verrons ensuite dans l'analyses détaillé des mouvements du capital, quelles sont les formes de la valeur. Nous parlerons de l'argent et en comprendrons la substance. Mais avant toute chose, il faut bien comprendre la contradiction entre la valeur des marchandises et leur utilité concrète. Cela est très bien expliqué par Karl Marx lui même :

"Si donc, quant à la valeur d'usage, le travail contenu dans la marchandise ne vaut que qualitativement, par rapport à la grandeur de la valeur, à ne compte que quantitativement. Là, il s'agit de savoir comment le travail se fait et ce qu'il produit ; ici, combien de temps il dure. Comme la grandeur de valeur d'une marchandise ne représente que le quantum de travail contenu en elle, il s'ensuit que toutes les marchandises, dans une certaine proportion, doivent être des valeurs égales.

La force productive de tous les travaux utiles qu'exige la confection d'un habit reste-t-elle constante, la quantité de la valeur des habits augmente avec leur nombre. Si un habit représente x journées de travail, deux habits représentent 2x, et ainsi de suite. 

Mais, admettons que la durée du travail nécessaire à la production d'un habit augmente ou diminue de moitié ; dans le premier cas un habit a autant de valeur qu'en avaient deux auparavant, dans le second deux habits n'ont pas plus de valeur que n'en avait précédemment un seul, bien que, dans les deux cas, l'habit rende après comme avant les mêmes services et que le travail utile dont il provient soit toujours de même qualité. Mais le quantum de travail dépensé dans sa production n'est pas resté le même.

Une quantité plus considérable de valeurs d'usage forme évidemment une plus grande richesse matérielle ; avec deux habits on peut habiller deux hommes, avec un habit on n'en peut habiller qu'un, seul, et ainsi de suite. Cependant, à une masse croissante de la richesse matérielle peut correspondre un décroissement simultané de sa valeur.

Ce mouvement contradictoire provient du double caractère du travail.

L'efficacité, dans un temps donné, d'un travail utile dépend de sa force productive. Le travail utile devient donc une source plus ou moins abondante de produits en raison directe de l'accroissement ou de la diminution de sa force productive. Par contre, une variation de cette dernière force n'atteint jamais directement le travail représenté dans la valeur. Comme la force productive appartient au travail concret et utile, elle ne saurait plus toucher le travail dès qu'on fait abstraction de sa forme utile. 

Quelles que soient les variations de sa force productive, le même travail, fonctionnant durant le même temps, se fixe toujours dans la même valeur. 

Mais il fournit dans un temps déterminé plus de valeurs d'usage, si sa force productive augmente, moins, si elle diminue. 

Tout changement dans la force productive, qui augmente la fécondité du travail et par conséquent la masse des valeurs d'usage livrées par lui, diminue la valeur de cette masse ainsi augmentée, s'il raccourcit le temps total de travail nécessaire à sa production, et il en est de même inversement.

Il résulte de ce qui précède que s'il n'y a pas, à proprement parler, deux sortes de travail dans la marchandise, cependant le même travail y est opposé à lui-même, suivant qu'on le rapporte à la valeur d'usage de la marchandise comme à son produit, ou à la valeur de cette marchandise comme à sa pure expression objective. 

Tout travail est d'un côté dépense, dans le sens physiologique, de force humaine, et, à ce titre de travail humain égal, il forme la valeur des marchandises. 

De l'autre côté, tout travail est dépense de la force humaine sous telle ou telle forme productive, déterminée par un but particulier, et à ce titre de travail concret et utile, il produit des valeurs d'usage ou utilités. 

De même que la marchandise doit avant tout être une utilité pour être une valeur, de même, le travail doit être avant tout utile, pour être censé dépense de force humaine, travail humain, dans le sens abstrait du mot [note de Engels : La langue anglaise a l'avantage d'avoir deux mots différents pour ces différents aspects du travail. Le travail qui crée des valeurs d'usage et qui est déterminé qualitativement s'appelle work, par opposition à labour; le travail qui crée de la valeur et qui n'est mesuré que quantitativement s'appelle labour, par opposition à work. ].

La substance de la valeur et la grandeur de valeur sont maintenant déterminées. Reste à analyser la forme de la valeur."

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