27 nov 2011

Le camp de Valognes, presque 35 ans après Creys-Malville : un symbole

Submitted by Anonyme (non vérifié)

L'organisation d'un camp à Valognes, là d'où partent les trains CASTOR remplis de déchets radioactifs en provenance de l'usine de retraitement Areva de Beaumont-Hague non loin, est un fait historique.

Non pas simplement parce que 400-600 personnes se sont regroupées, formant un camp, discutant, s'organisant afin de tenter d'empêcher le convoi de passer.

Et cela de manière plus que courageuse, face à une brutalité assumée des forces de répression, qui tenaient absolument à casser l'initiative (il n'y a encore pratiquement rien comme bilan, cependant on peut trouver un compte-rendu ici).

Mais surtout parce qu'il s'agit de la première fois qu'en France, un nombre important de gens décident d’être aussi radical qu'en Allemagne, où les affrontements liés au CASTOR sont très importants, en raison d'une très large mobilisation.

Cela n'a, culturellement, jamais eu lieu. Faut-il le rappeler, à Creys-Malville en 1977, 60 000 personnes avaient manifesté contre le projet de centrale nucléaire de Superphénix.

Pourtant, ce sont les maos venuEs d'Allemagne qui possédaient les clefs de l'organisation militante de l'affrontement.

Les révolutionnaires d'Allemagne s'attendaient à la répression, pas les gens en France : la manifestation coûtera la vie d'une personne, alors que deux personnes seront mutilées (l'une perdant une main et l'autre un pied).

Par la suite, des groupes autonomes lutteront, par des actions allant d'attentats à des implantations locales pour organiser la lutte. Mais l'échec sera complet, et marquera d'ailleurs la mort du mouvement autonome, incapable d'une ligne de masse.

Le camp de Valognes marque-t-il la fin d'un cycle ouvert par la défaite de Creys-Malville ? Ou bien en est-il un lointain écho ?

On peut penser que c'est la fin d'un cycle et l'ouverture de quelque chose de nouveau. L’État français ne peut plus faire passer aussi simplement la pilule du convoi de CASTOR qui traverse le pays. Il ne peut plus cacher simplement l'existence de convois de centaines de tonnes de déchets nucléaires.

Rien qu'entre 1977 et 2008, 5.483 tonnes de combustibles irradiés dans les centrales allemandes ont été retraitées à La Hague, avant d'être renvoyés. Un chiffre fou, et pourtant l'opposition a été pratiquement inexistante.

Même la catastrophe de Tchernobyl n'a pas cassé l'idéologie dominante et l'hégémonie du nucléaire.

Après Fukushima pourtant, les rapports de force se sont modifiés, et l'Etat français ne peut plus profiter de la passivité complète des masses anesthésiées par les arguments de l'industrie du nucléaire.

Le courant anarchiste, d'ailleurs, l'a bien vu et tente de s'engouffrer dans cette brèche. Tout au moins cela est-il vrai de sa partie la plus radicale, l'autre partie en restant désespérément au syndicalisme apolitique.

Mais les anarchistes se trompent ici, en s'imaginant que le nucléaire est le symbole de la toute puissance d’État. Au contraire, cela montre bien que l’État est subordonné aux entreprises.

Les entreprises ont besoin d'une énergie rapide et massive, dans l'indépendance impérialiste, et ce peu importe les coûts écologistes.

Le nucléaire est tout à fait adapté aux capitalistes ; d'ailleurs la fission nucléaire n'est-elle pas anti-dialectique, tout comme inversement est dialectique la fusion nucléaire au cœur du soleil ?

On connaît le mot de Marx comme quoi au moulin à eau correspond la société féodale, et au moulin à vapeur la société bourgeoise. On doit ajouter que la centrale atomique correspond à la société impérialiste.

On devrait ajouter ainsi à :

« Le moulin à bras vous donne la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur vous donnera la société avec le capitalisme industriel. »

par conséquent un : La centrale atomique vous donne le capitalisme impérialiste.

Il faut ici néanmoins ne pas faire la même erreur que les anarchistes, qui considère que le nucléaire « donne » la société impérialiste, au sens où elle la générerait.

Non, c'est un processus dialectique ; le mode de production capitaliste profite des matières premières et de techniques particulières, et inversement ces techniques donnent à la société son contour.

Le nucléaire est donc à mettre sur le même plan que toutes les forces ayant façonné la société impérialiste ces 50 dernières années, renforçant la contradiction entre les villes et les campagnes.

Depuis les gigantesques abattoirs jusqu'à l'automobile généralisée, depuis le nucléaire jusqu'à l'industrie musicale (5 majors en 2000, 3 aujourd'hui), toute la vie quotidienne est façonnée par des moyens de production, dont la base est le capitalisme à son stade impérialiste.

Pour en revenir au camp de Valognes, bien entendu les limites sont évidentes : le combat était « seulement » anti-nucléaire.

Des anarchistes peuvent bien « imaginer » que la dimension était autre, mais en pratique, politiquement, culturellement et idéologiquement, le contenu ne va pas plus loin que Greenpeace, Europe Écologie les Verts ou bien le NPA.

C'est la conséquence obligée d'une lutte « anti » - et la même improductivité guette la lutte contre la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes.

S'opposer au plan des dominants n'est pas suffisant en soi, si l'on ne dit pas à quoi doit ressembler... la biosphère.

Mais encore faut-il saisir ce qu'est la biosphère, et pour cela assumer une rupture réelle avec les valeurs dominantes.

Une rupture qui se produira objectivement inévitablement, quelles que soient les faiblesses subjectives encore.

Le camp de Valognes, presque 35 ans après Creys-Malville : un symbole de l'érosion de l'idéologie dominante, un symbole qu'un nouveau cycle commence, les contradictions historiques produisant l'effondrement général de la société bourgeoise et du capitalisme à son stade impérialiste.

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