Pourquoi Dieudonné fait-il campagne au sujet de la Shoah ?
Submitted by Anonyme (non vérifié)Il est une question extrêmement importante, à laquelle pourtant il n'a nulle part été donné de réponse : pourquoi Dieudonné fait-il campagne au sujet de la Shoah ? Pourquoi a-t-il choisi précisément l'Holocauste, afin de développer son « humour » et, au-delà, sa culture idéologique ?
Il existe plusieurs aspects de cette question, et il s'agit en plus de les trouver et de les comprendre, de voir lequel est le principal.
Premier aspect : la méconnaissance essentielle en France de ce qu'a été la Shoah
C'est un fait important. La France a connu les exactions nazies, puisque sur 330 000 personnes juives présentes en France en 1939, 76 000 périront, dont 69 000 à Auschwitz-Birkenau.
Cependant, à part les personnes s'intéressant à l'histoire, les aspects de cela sont pratiquement inconnus, comme le montre le fait que l'écrasante majorité des gens ne fait pas la distinction entre camps de concentration et camps d'extermination.
La Shoah est considérée comme une sorte de délire allemand où les gens sont arrêtés puis gazés dans des camps ; la Shoah par balles, qui concerne pratiquement près d’un million et demi de personnes juives d’Ukraine, est inconnue.
La terreur antisémite, les actions pogromistes, sont pareillement inconnues. Ici, on trouve une sorte de racisme anti-allemand, le fait d'être allemand justifiant ici « par nature » un irrationalisme industriel et meurtrier.
Dieudonné a pu, tout comme les négationnistes avant lui, profiter de la méconnaissance populaire de ce qu'a été la Shoah.
Second aspect : la récupération religieuse effectuée par le clergé juif
La Shoah est absolument incompréhensible du point de vue du judaïsme, qui contourne savamment la question, vu que sa seule explication, particulièrement choquante, est que les personnes juives se seraient détournées de la religion et auraient donc été punies pour cela.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les masses juives se détournaient massivement de la religion et ses abstractions ; elles se tournaient soit vers le communisme et son universalisme, soit vers le sionisme et son particularisme, comme tentative de résoudre la question de l'antisémitisme.
Or, ces trente dernières années, les religieux et les « dirigeants bourgeois » de la communauté juive ont massivement utilisé la question de la Shoah pour enfermer la communauté juive idéologiquement dans un carcan communautariste.
Une grande part des masses juives de France, ouvertes au communisme ou bien inversement philosionistes, se sont tournées vers une idéologie sioniste–religieuse communautariste, tombant dans le piège de la dépendance des « institutions » officielles bureaucratiques, corrompues et opportunistes.
Cela a notamment été le cas en France et aux États-Unis, et nombreuses ont été les dérives bourgeoises, dont ont profité les antisémites en parlant de « shoah business ».
Associé à la méconnaissance populaire, il y avait ici un boulevard pour quelqu'un comme Dieudonné.
Troisième aspect : l'antisémitisme populaire
Dieudonné a pris le thème de la Shoah parce qu'il sait que c'est la question essentielle de l'antisémitisme. Un antisémitisme « léger » n'est plus possible, à moins de nier purement et simplement les personnes juives (comme le fait par ailleurs l'extrême-gauche).
Ainsi, l'antisémitisme doit faire sauter le verrou moral faisant que l'Holocauste est un traumatisme moral terrible. Il y a ainsi eu les négationnistes, qui ont effectué la première étape dans le « relativisme ».
La seconde étape consiste en la banalisation, et c'est là que l'arme de l'humour rentre en jeu.
Comme en plus il existe un antisémitisme populaire important, véhiculé entre autres par le catholicisme et l'Islam, l'humour touche le peuple et reconnecte les franges antisémites entre elles, les unifiant.
Quatrième aspect : « Shoah nanas » ou comment parler des ananas au lieu des animaux
C'est un aspect très important. Il est bien connu que de nombreuses personnes juives historiquement touchées par la Shoah se sont tournées vers la compassion pour les animaux. La comparaison entre les camps de la mort et les élevages industriels est quelque chose de récurrent chez les personnes liées à la culture juive ashkénaze, de l'Est européen.
Or, la chanson « Shoah nanas » qui se moque de la Shoah et des « déprépucés » (allusion à la circoncision) traite précisément de cette question, ce qui n'a malheureusement jamais été remarquée.
En effet, au lieu des animaux, Dieudonné parle des ananas. S'il parlait des animaux, il reprendrait le thème de la Shoah pour affirmer une cause morale ; il va cependant dans l'autre sens : niant la réalité du meurtre industriel en particulier avec le génocide nazi, il est obligé de le nier en général.
Voici ce que dit Dieudonné :
« Shoah nanas
Sho sho sho ananas
Tu me tiens par la shoah
Je te tiens par l'ananas
Sho sho shoananas !
Ananas chéri
Je ne t'oublierai jamais
Tu a tant souffert
Et pour tout ce que tu as enduré
Nous demandons réparation
Qu'il te soit donné
Un pays au soleil et des millions de dollars
Pour les millions d'ananas déportés dans leurs jus
Pour les millions d'ananas privés de leurs famille
Chantons à jamais
Shoah shoananas ! »
Cinquième aspect : Dieudonné reprend les arguments du sionisme
Dans la chanson « Shoah nanas », Dieudonné relie directement l'existence de l'Etat israélien - « pays au soleil et des millions de dollars » - à la Shoah.
Ici, on est dans l'irrationalisme complet. En effet, c'est le sionisme qui prétend avoir une légitimité en raison de la Shoah, mais cela n'a aucun fondement historique, et d'ailleurs le sionisme est né avant la Shoah.
Le départ pour Israel de la part de personnes juives relève de situations bien précises, liées à des contextes à chaque fois complexes et avec un soutien ouvert de certaines puissances impérialistes.
Ainsi, un nombre important de personnes ayant émigré en Israel consiste en des gens fuyant le nazisme, ou encore en des rescapés de la Shoah, puis encore en des personnes juives d'Orient fuyant l'antisémitisme s'étant répandu massivement à la suite de la naissance de l'Etat israélien, etc.
Ce n'est pas tout : quiconque connaît l'histoire du sionisme sait que celui-ci n'en avait strictement rien à faire du nazisme et que sa seule priorité était la venue de personnes juives en Palestine. La Shoah n'a jamais été un thème pour le sionisme, pas plus que l'antisémitisme, car le nationalisme juif sioniste considère qu'en dehors de l'Etat israélien, rien ne compte.
L'enlèvement du nazi Adolf Eichmann et son procès à Jérusalem relève d'une opération de communication, l'Etat israélien se posant comme le « vengeur » historique de par son existence même.
Pour autant, le sionisme a toujours considéré la Shoah comme le produit d'une « faute » historique : la présence en un lieu erroné des personnes juives, qui doivent se rétablir « spirituellement » et « physiquement » en allant en Palestine.
Ainsi, lorsque Dieudonné dénonce les « sionistes qui pleurnichent sous prétexte que mémé et pépé en ont chié et qui s'croient tout permis », il prend pour argent comptant les arguments du sionisme.
Il est, objectivement, leur agent, car il assimile un phénomène historique d'antisémitisme – la Shoah – au sionisme, alors que les deux phénomènes sont historiquement séparés.
Sixième aspect : cela va mal tourner
Le sang va couler : c'est inévitable. L'antisémitisme a atteint un tel niveau de violence idéologique en France qu'il va tuer, comme le montre l'affaire Merah ; inversement, les personnes juives de France ont un niveau de compréhension de la violence antisémite qui est élevé et l'autodéfense fait partie de la culture générale de base.
En fait, de tous les aspects, c'est celui-là qui est le principal, car il concerne directement la réalité quotidienne des masses.
C'est là qu'on voit que Dieudonné a été l'outil du sionisme de par sa thématique, mais également du fascisme, parce qu'il divise les masses selon des critères communautaires, permettant ainsi de nier l'existence des classes sociales et de leurs luttes.
Dieudonné impose, en pleine crise du capitalisme, une actualité qui vise tout sauf le capital, en prétendant qui plus est que ce serait « la » grande question sociale. En cela, sa dynamique est la même que le national-socialisme, avec l'antisémitisme comme paratonnerre pour le capitalisme.