4 déc 2014

Le principe de « biomasse »

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le principe de « biomasse » est d'une importance certaine quand on s'intéresse à la biosphère. C'est un concept qui demande un regard certain sur le rapport entre matérialisme et dialectique, ou plus exactement comme le matérialisme est nécessairement dialectique, entre la compréhension de la matière d'un côté, et de son mouvement de l'autre.

Bien entendu, le mouvement est indissociable de la matière, et inversement. C'est cela qui fait que le concept de « biomasse » est à la fois très facile à comprendre, et très difficile en même temps.

La définition de ce terme est, en apparence, relativement simple : c'est la masse totale des organismes vivants. On prend ainsi tous les êtres vivants, on mesure leur masse, et on a la biomasse. 

Celle-ci est estimée à 560 milliards de tonnes, et il ne faut pas oublier le monde des bactéries, qui joue un rôle central pour la vie, sans avoir de biomasse importante : dans un gramme de terre, on a 40 millions de bactéries, et un million dans un simple millilitre d'eau.

Toute cette biomasse établit un rapport entre elle et avec la matière non vivante ; il y a un mouvement d'interaction, de production et de consommation. L'urine, les excréments, la décomposition, l'utilisation de matière, tout cela fait qu'il existe un va-et-vient chimique entre la planète et les êtres vivants.

Le scientifique soviétique Vladimir Vernadsky est ici le grand théoricien de cet aspect de la science ; c'est lui qui, le premier, a compris qu'une biosphère abritait une certaine biomasse, les deux étant en interaction.

Dans « La composition chimique de la matière vivante et la chimie de l'écorce terrestre », Vladimir Vernadsky nous explique comment il conçoit ce qu'il appelle la « géochimie » :

« Je me propose de traiter ici plusieurs problèmes relatifs à une nouvelle science définitivement constituée au XXe siècle, là Géochimie. 
La Géochimie a pour but l'histoire des éléments chimiques de l'écorce terrestre, en quoi elle se distingue de la Minéralogie, qui étudie leurs molécules, les minéraux.

Cette étude géochimique a établi le rôle important que joue le monde organique vivant,la matière vivante, comme je l'appellerai, dans la chimie de l'écorce terrestre (…). . Nous sommes obligés, en Géochimie, d'étudier des organismes vivants, des phénomènes vitaux. Mais ces organismes ne se manifestent pas sous les formes que se représentent les biologistes. 

Le géochimiste est obligé d'employer, à l'égard des organismes, les méthodes d'investigation adoptées dans l'étude du règne minéral. Ce qui l'intéresse dans l'organisme, c'est sa composition chimique, son poids et son énergie. La structure morphologique, les phénomènes qui s'accomplissent dans l'organisme, passent au second plan, bien qu'ils ne soient pas négligeables, comme nous le verrons plus tard.

Les organismes ne se manifestent pas individuellement, mais dans leur action en masse. L'individu disparaît, si l'on considère l'immensité de l'échelle des phénomènes terrestres. Seul l'ensemble de ces individus offre de l'importance.

Les organismes vivants se présentent en Géochimie presque exclusivement comme des faits susceptibles d'être assujettis à des lois statistiques. Il s'ensuit qu'il nous sera commode et nécessaire d'introduire une nouvelle conception de la nature vivante.

J'appellerai matière vivante l'ensemble des organismes, réduits leur poids, à leur composition chimique et à leur énergie, et matière vivante homogène, l'ensemble des organismes vivants appartenant à la même espèce ou au même genre. »

Et il constatait, de manière parfaitement scientifique, dès 1922 donc :

« Ce n'est pas un hasard non plus que, pendant des millions d'années, l'évolution morphologique du monde organique ne se soit pas manifestée dans l'histoire des éléments chimiques. 
Ce n'est qu'aujourd'hui, à l'époque géologique présente, qu'est survenu un grand changement sous ce rapport, lié avec l'apparition d'un nouvel organisme, l'homme, formé à la suite d'une longue évolution et qui se trouve être un facteur géologique sans précédent dans l'histoire de notre planète. 

L'apparition sur la terre d'une humanité civilisée qui, avec l'aide de l'agriculture, s'est rendue maître du substratum fondamental de la matière vivante, de la matière végétale verte, commence à changer chimiquement la face de notre planète, d'une façon dont nous n'apercevons ni la portée, ni la fin. »

Aujourd'hui, par contre, nous connaissons la portée des activités humaines.

Mais comment faut-il voir ici les choses ? Ce qui compte, c'est qu'il y a évolution, et par conséquent, on ne retrouve pas les mêmes êtres vivants, c'est-à-dire les mêmes espèces, tout le long de la vie de la biosphère. Des espèces ont d'ailleurs, non pas disparu, mais se sont transformées, car tout se transforme, et de fait toutes les espèces se sont en réalité transformées, mais à différents degrés.

Ceci étant, les espèces différentes ont des mode de vie différents. Leur production – par exemple d'urine, d'excréments – comme leur consommation, leur consommation d'oxygène, leur modification de l'environnement, etc., tout cela est foncièrement différent.

Il s'avère justement que l'espèce humaine a radicalement modifié son propre mode de vie en 10 000 ans. Particulièrement, ces 100 dernières années, voire ces 50 dernières années, le mode de production capitaliste a façonné le mode de vie d'une manière bien précise.

Cela est conforme à la loi du développement inégal, à la progression en spirale. L'être humain a connu un saut qualitatif, et il doit être le vecteur d'un saut qualitatif au sein du système lui-même (c'est-à-dire la biosphère).

Or, ce mode de production capitaliste – qui concerne la production et consommation – est particulièrement exigeant et anarchique concernant l'utilisation des ressources. Cela signifie, forcément, non seulement que la biomasse humaine augmente, mais que de la même manière des ressources sont ôtées à d'autres secteurs de la vie dans la biosphère, dont la biomasse recule.

Dans l'ordre des choses, la matière avance toujours et il ne peut pas y avoir de retour en arrière strict, car il y a justement évolution : la vie trouve toujours un chemin. Cela signifie que même si les conditions sont modifiées, il y a adaptation. On ne perd rien sur le plan du saut qualitatif : la matière garde son niveau de complexité.
Avec l'évolution, les sauts qualitatifs, la matière progresse même plus vite, utilisant mieux les ressources. 

Le problème est que le mode de production capitaliste impose un rythme effréné ne laissant pas le temps à cette évolution pour la grande majorité des êtres vivants. En fait, et c'est le problème aux yeux du matérialisme dialectique, le mode de production capitaliste est découplé de la biosphère. 

Le mode de production capitaliste vit de manière pour ainsi dire autonome, comme s'il était séparé de la réalité matérielle, qui est la biosphère. Cela est naturellement impossible et le mode de production capitaliste est dans une situation intenable.

Les capitalistes ne « pensant » pas, cette problématique leur est incompréhensible ; les intellectuels bourgeois pensent qu'ils trouveront des solutions ou bien, après avoir éradiqué la vie sur la planète Terre, qu'ils trouveront une nouvelle planète.

Sauf que la contradiction est interne, et puisqu'elle ne peut pas être ici dans la biosphère, alors elle est dans le mode de production capitaliste.

La matière est, en effet, divisible à l'infini. Elle trouvera forcément le moyen de procéder à un saut qualitatif. La biosphère connaît des contradictions, dont nous n'avons que peu de compréhension encore. Mais elle ne peut pas se modifier de manière extérieure, comme tente de l'imposer le mode de production capitaliste.

La biosphère ne pourra connaître de saut que par une contradiction interne – et celle-ci consiste en l'humanité, comme l'a en quelque sorte formulé Karl Marx dans ses fameux Manuscrits de 1844. La société communiste est celle de l'humain naturalisé ; comme le dit Karl Marx :

« Le caractère social est le caractère général de tout le mouvement ; de même que la société elle-même produit l’être humain en tant qu’être humain, elle est produite par lui. L’activité et la jouissance tant par leur contenu que par leur genre d’origine sont sociales; elles sont activité sociale et jouissance sociale.

L’essence humaine de la nature n’est là que pour l’être humain social; car c’est seulement dans la société que la nature est pour lui comme lien avec l’être humain, comme existence de lui-même pour l’autre et de l’autre pour lui, ainsi que comme élément vital de la réalité humaine; ce n’est que là qu’elle est pour lui le fondement de sa propre existence humaine.
Ce n’est que là que son existence naturelle est pour lui son existence humaine et que la nature est devenue pour lui l’être humain.

Donc, la société est l’achèvement de l’unité essentielle de l’être humain avec la nature, la vraie résurrection de la nature, le naturalisme accompli de l’être humain et l’humanisme accompli de la nature. »

Bien entendu, le mode de production capitaliste lui aussi relève de la matière, puisqu'on est dans la production et la consommation de matière. Cependant, il est en conflit avec la matière, en particulier la matière vivante. Il a permis un saut qualitatif pour une espèce, mais il est temps de passer au saut qualitatif par une espèce, ou plus exactement à travers une espèce : l'humanité, issue de la biosphère, n'est alors plus en contradiction avec elle, mais une de ses composantes ayant connu un saut, et l'aidant à faire un saut, donc la colonisation spatiale, la diffusion de la vie, est une conséquence des plus évidentes.

Mots clés: 
Rubriques: 
Resume page accueil: 
Le principe de « biomasse » est d'une importance certaine quand on s'intéresse à la biosphère. La définition de ce terme est, en apparence, relativement simple : c'est la masse totale des organismes vivants...