Rapport Gallois, robots et valeur
Submitted by Anonyme (non vérifié)La société bourgeoise française est une société en pleine décadence. Une décadence qui est le produit de la crise du mode de production capitaliste. En France, les rapports de force entre la bourgeoisie industrielle et la bourgeoisie impérialiste sont de plus en plus favorables à cette dernière – et ce malgré l'intermède Sarkozy où la bourgeoisie industrielle pensait pouvoir prendre l'ascendant –. Un exemple très frappant de ce déséquilibre est l'état retardataire du capital industriel en France.
Ainsi, le récent « Rapport sur la compétitivité française » rendu par Louis Gallois (ancien PDG du trust EADS) souligne le faible niveau de robotisation de l'industrie française (présenté comme facteur de sa « non-compétitivité »).
« 34 500 robots industriels, avec une moyenne d’âge élevée, sont en service en France, contre 62 000 en Italie et 150 000 en Allemagne (en fait, 157 000). »
« Un robot dure plus d'une vingtaine d'années en France contre 10 seulement dans le reste du monde. »
Un tel retard technologique est un vrai poids pour les grandes entreprises industrielles françaises par rapport à leurs concurrentes d'autres pays. Expliquons pourquoi.
Une marchandise possède deux valeurs :
1. Une valeur d'usage. Par exemple, le pain a pour valeur d'usage de nourrir et d'apporter un certain nombre de nutriments au corps humain.
2. Une valeur d'échange. C'est cette valeur qui intéresse les capitalistes et qui fait qu'il s'agit d'une marchandise. En effet, pour qu'un objet puisse devenir une marchandise, il faut qu'il soit un produit du travail humain destiné à la vente.
Et c'est ce travail humain (plus ou moins assisté par des machines) qui se cache derrière la valeur d'une marchandise.
Comme les valeurs d'échange des marchandises ne sont que les fonctions sociales de ces objets et n'ont rien de commun avec leurs qualités naturelles, il faut tout d'abord nous demander : Quelle est la substance sociale commune à toutes les marchandises ? C'est le travail.
Pour produire une marchandise, il faut y appliquer, y faire entrer une quantité déterminée de travail. Et je ne dis pas seulement de travail, mais de travail social. Un homme qui produit un objet pour son usage personnel immédiat, en vue de le consommer lui-même, crée un produit, mais non une marchandise. En tant que producteur subvenant à lui-même, il n'a rien de commun avec la société. Mais pour produire une marchandise, il faut que cet homme produise non seulement un article qui satisfasse à quelque besoin social, mais il faut encore que son travail soit un élément ou une fraction de la somme totale du travail utilisé par la société. Il faut que son travail soit subordonné à la division du travail qui existe au sein de la société. Il n'est rien sans les autres subdivisions du travail et à son tour il est nécessaire pour les compléter.
Karl Marx - Salaire, prix et Profit
Cependant, pour une même marchandise, qu'elle soit produite par telle ou telle entreprise, cette valeur sera généralement dans la même fourchette de prix. En effet le prix du marché exprime la quantité moyenne de travail social nécessaire.
Quel est donc le rapport entre la valeur et le prix du marché, entre le prix naturel et le prix du marché ?
Vous savez tous que le prix du marché est le même pour toutes les marchandises de même sorte, aussi différentes que puissent être les conditions de production des producteurs pris individuellement. Le prix du marché n'exprime que la quantité moyenne de travail social nécessaire, dans les conditions moyennes de production, pour approvisionner le marché d'une certaine quantité d'un article déterminé
Karl Marx - Salaire, prix et Profit
Ainsi une entreprise en avance technologiquement sur une entreprise concurrente vendra au même prix une marchandise d'une valeur moindre (car nécessitant moins de temps pour la réaliser). La marge de profit sera donc plus importante.
C'est la même logique qui pousse la bourgeoisie à exploiter toujours plus durement les ouvriers en augmentant la cadence. Il faut toujours être en dessous la quantité moyenne de travail social nécessaire.
La valeur d'échange d'une marchandise ne reste donc pas fixe.
La quantité de valeur d'une marchandise resterait évidemment constante si le temps nécessaire à sa production restait aussi constant. Mais ce denier varie avec chaque modification de la force productive du travail, qui, de son côté, dépend de circonstances diverses, entre autres de l'habileté moyenne des travailleurs ; du développement de la science et du degré de son application technologique des combinaisons sociales de la production ; de l’étendue et de l'efficacité des moyens de produire et des conditions purement naturelles. La même quantité de travail est représentée, par exemple, par 8 boisseaux de froment si la saison est favorable, par 4 boisseaux seulement dans le cas contraire. La même quantité de travail fournit une plus forte masse de métal dans les mines riches que dans les mines pauvres, […] En général, plus est grande la force productive du travail, plus est court le temps nécessaire à la production d'un article, et plus est petite la masse de travail cristallisée en lui, plus est petite sa valeur. Inversement, plus est petite la force productive du travail, plus est grand le temps nécessaire à la production d'un article, et plus est grande sa valeur. La quantité de valeur d'une marchandise varie donc en raison directe du quantum et en raison inverse de la force productive du travail qui se réalise en elle.
Karl Marx - le Capital
La robotisation de l'industrie permet donc de diminuer la valeur des marchandises, d'être plus compétitif si une entreprise est en avance sur d'autres. Et donc de s'accaparer plus de plus-value ou de s'emparer de marchés en vendant les mêmes marchandises moins cher mais en plus grande quantité.
Mais ce processus pose une contradiction importante.
Comme nous l'avons dit la valeur d'échange repose sur la quantité de travail social nécessaire. Il s'agit ici du travail humain. Seul le travail humain créé la valeur :
Le quelque chose de commun qui se montre dans le rapport d'échange ou dans la valeur d'échange des marchandises est par conséquent leur valeur ; et une valeur d'usage, ou un article quelconque, n'a une valeur[d'échange] qu'autant que du travail humain est matérialisé en elle (...)
Karl marx - Le Capital
Donc, bien qu'ils créent des valeurs utiles (comme des objets de la vie courante ou de la nourriture), les robots ne créent pas de valeur marchande. Ils peuvent, tout au plus, être considérés comme des outils dans les mains des opérateurs (quand il y en a) dont le travail humain - la manipulation des robots - s'incorpore aux marchandises créées et leur confère une valeur.
Seulement le Capital n'a pas de cerveau. Sa course concurrentielle au profit (dont le rapport Gallois est un très bon exemple) le pousse à investir de plus en plus dans la robotisation, remplaçant parfois totalement un ou une ouvrière. En plus de poser la contradiction quant à la création de la valeur, cela crée d'autres contradictions que la bourgeoisie, ayant une vision partielle et à court terme, ne peut pas voir.
En effet, avec le rapport Gallois, nous avons pu entendre nombres d'économistes et de technocrates bourgeois ne pensant qu'à une chose: « rendre les entreprises concurrentielles » en remplaçant les ouvriers et ouvrières par des robots. Sans même parler du problème de création de la valeur d'échange, il y a une forte contradiction entre un prolétariat de plus en plus pauvre d'un coté et la surproduction de marchandise de l'autre qui se vendent de moins en moins.
Toutes ces contradictions, inhérentes au mode de production capitaliste, mènent à la baisse tendancielle du taux de profit. Le capitalisme est l'artisan de sa propre fin.
On voit bien que le mode de production capitaliste a développé les forces productives à un haut niveau (les robots) mais devient une entrave au développement de celles-ci. Non seulement le capital utilise les robots pour asservir, polluer et faire la guerre ; mais en plus cette robotisation mène à la crise générale et à la destruction de ces mêmes forces productives.
En fait, le cadre du capitalisme est devenu trop étroit pour les avancées technologiques qu'il a lui-même fait naître. Des machines aussi prometteuses que les robots, capables de servir l'Humanité et la Biosphère à un haut niveau, se retrouvent dans le capitalisme transformées en leur contraire : une source de destruction et de retour à la barbarie.
Avec le capitalisme, l'Humanité a créé les robots, et l'existence même des robots exige la fin du capitalisme et le passage à un autre mode de production, le socialisme puis le communisme où seule la valeur d'usage importera.
La propriété privée des moyens de production et donc la concurrence n'existant plus, les robots ne représentent plus aucun danger.
Les robots ne représentent donc pas une menace mais bien une opportunité de faire encore mieux, ce sont des outils hautement perfectionnés, propre d'une civilisation scientifiquement avancée.
Les robots seront d'une grande aide en déchargeant les humains de travaux pénibles, qui pourront alors se tourner vers d'autres productions encore plus avancées, notamment en abolissant la contradiction entre travail manuel et travail intellectuel. La résolution de la contradiction entre la ville et la campagne exige que nous limitions notre impact négatif sur la Biosphère et ceci nécessitera une production rationalisée, facilitée par les robots.
Tout cela, la bourgeoisie ne peut le faire, car comme le capitalisme, elle est dépassée et historiquement condamnée, se tournant vers une fuite en avant barbare.
Face à cela, face à cette impasse et cette barbarie dans lesquelles nous mènent la bourgeoisie, c'est au prolétariat uni et organisé de s'emparer des outils nécessaires afin d'abattre les dernières fondations d'un système qui a fait son temps, et de construire par dessus l'avenir, le communisme.