Une langue « anglaise » s'installe dans les hautes études françaises
Submitted by Anonyme (non vérifié)Il suffit que la langue quitte cette position d'instrument commun à tout le peuple, il suffit qu'elle prenne une position tendant à préférer, à soutenir un groupe social quelconque au détriment des autres groupes sociaux pour qu'elle perde sa qualité, pour qu'elle cesse d'être un moyen de communication entre les hommes dans la société, pour qu'elle devienne le jargon d'un groupe social quelconque, pour qu'elle déchoie et se voue à la disparition.
(Staline, Le marxisme et les problèmes de linguistique, 1950)
Le gouvernement socialiste a donc décidé une mesure satisfaisant absolument les grandes entreprises capitalistes : faire en sorte qu'à haut niveau soient proposés à l'université des cours directement tenus en langue anglaise.
Il est prétendu que cela est au service de la recherche. En réalité, il n'y a plus aucune grande entreprise capitaliste qui ne fait l'impasse sur l'apprentissage de la langue anglaise de ses cadres, mais également de ses commerciaux, de la section recherche et développement, etc.
La sélection par les mathématiques au lycée, avec la liquidation des matières littéraires (le français, mais également l'histoire ou la philosophie), va de pair avec l'établissement de l'anglais comme langue commerciale.
Il va de soi en effet que cet anglais n'est plus réellement l'anglais de Shakespeare, mais un langage toujours plus barbare et simplement technique. C'est le second aspect de cette affirmation de Jean-Christophe Sciberras, DRH de Solvay Rhodia France et président de l'Association nationale des directeurs de ressources humaines (Andrh), à une interview au Figaro :
On n'a pas besoin de la langue de Shakespeare dans une usine de la vallée du Rhône. A l'inverse, un juriste qui travaille sur des contrats internationaux doit être excellent en anglais.
Car cette langue des juristes, des commerciaux, des chercheurs, etc. c'est-à-dire d'agents bourgeois d'une science décadente et de cadres capitalistes, n'est plus de l'anglais, mais une sorte de construction cosmopolite, uniquement utilitaire, coupée de la réalité sociale. C'est ainsi une superstructure, une idéologie, à réfuter.
Le matérialisme historique souligne la valeur des langues portées par l'histoire des masses, pas les constructions abstraites, coupées de la réalité. L'espéranto est une construction ridicule, et on peut voir que mêmes les inventions nationales que sont le Pakistan et Israël ont été obligées de récupérer des langues préexistantes (en l'occurrence, l'ourdou et l'hébreu).
On ne peut pas obliger les masses, par en haut, à parler une langue. Le Pakistan a tenté d'imposer l'ourdou dans les années 1970 dans sa partie orientale : celle-ci a refusé, donnant naissance au Bangladesh.
L'anglais de ces cours de « haut » niveau n'est donc pas l'anglais du tout ; il ne s'agit pas de réfuter l'anglais comme vecteur du capitalisme anglais ou américain, comme le feront les fascistes.
D'ailleurs c'est au service du capitalisme français, pour l'aider sur le plan international, qu'est prise cette mesure, et sans doute que même l'extrême-droite, finalement, s'en accommodera facilement, de par sa base de classe.
Voici comment Geneviève Fioraso, la ministre de l'Enseignement supérieur, tourne la chose de manière totalement hypocrite : « Il s'agit au contraire d'élargir le socle de la francophonie auprès des jeunes, notamment des pays émergents, qui, aujourd'hui, ne viennent pas dans notre pays. »
C'est la défense du capitalisme, Geneviève Fioraso le sait très bien, car elle explique qu'en fait, l'abrogation de l’article 2 de la loi Toubon de 1994 comme quoi le français est la langue de l'enseignement supérieur... ne fera que « régulariser ce qui se fait déjà ».
En effet, les écoles de commerce et d’ingénieurs ont déjà cette pratique ! Et Geneviève Fioraso d'expliquer : « Je n’ai entendu personne protester alors que les cours en anglais existent depuis quinze ans dans ces écoles, déclare-t-elle, nous voulons aujourd’hui en faire profiter aussi les étudiants à l’université, souvent de milieux moins favorisés »
Les faits sont donc très parlant : l'anglais commercial, coupé de la réalité nationale (anglaise, américaine, australienne, etc.), est utilisé comme moyen technique de la machinerie capitaliste.
Il ne s'agit pas d'une langue authentique ; c'est une expression de la décadence impérialiste, comme l'est le langage SMS.
Voici comment Staline, justement, note sur la question langue / infrastructure / superstructure, dans Le marxisme et les problèmes de linguistique :
La base est le régime économique de la société à une étape donnée de son développement. La superstructure, ce sont les vues politiques, juridiques, religieuses, artistiques, philosophiques de la société et les institutions politiques, juridiques et autres qui leur correspondent.
Toute base a sa propre superstructure, qui lui correspond. La base du régime féodal a sa superstructure, ses vues politiques, juridiques et autres, avec les institutions qui leur correspondent ; la base capitaliste a sa superstructure à elle, et la base socialiste la sienne. Lorsque la base est modifiée ou liquidée, sa superstructure est, à sa suite, modifiée ou liquidée ; et lorsqu'une base nouvelle prend naissance, à sa suite prend naissance une superstructure qui lui correspond.
La langue, à cet égard, diffère radicalement de la superstructure (…).
La langue est engendrée non pas par telle ou telle base, vieille ou nouvelle, au sein d'une société donnée, mais par toute la marche de l'histoire de la société et de l'histoire des bases au cours des siècles.
Elle est l'œuvre non pas d'une classe quelconque, mais de toute la société, de toutes les classes de la société, des efforts des générations et des générations.
Elle est créée pour les besoins non pas d'une classe quelconque, mais de toute la société, de toutes les classes de la société. C'est pour cette raison précisément qu'elle est créée en tant que langue du peuple tout entier, unique pour toute la société et commune à tous les membres de la société.
Par suite, le rôle d'instrument que joue la langue comme moyen de communication entre les hommes ne consiste pas à servir une classe au détriment des autres classes, mais à servir indifféremment toute la société, toutes les classes de la société.
Cet « anglais » commercial, qui va le parler, les masses ? Non, une minorité, récupérant une langue de manière totalement abstraite.
Staline l'avait d'ailleurs prévu :
La langue existe, la langue a été créée précisément pour servir la société comme un tout, en tant que moyen de communication entre les hommes, pour être commune aux membres de la société et unique pour la société, pour servir au même titre les membres de la société indépendamment de la classe à laquelle ils appartiennent.
Il suffit que la langue quitte cette position d'instrument commun à tout le peuple, il suffit qu'elle prenne une position tendant à préférer, à soutenir un groupe social quelconque au détriment des autres groupes sociaux pour qu'elle perde sa qualité, pour qu'elle cesse d'être un moyen de communication entre les hommes dans la société, pour qu'elle devienne le jargon d'un groupe social quelconque, pour qu'elle déchoie et se voue à la disparition.
Sous ce rapport, la langue, qui diffère par principe de la superstructure, ne se distingue cependant pas des instruments de production, des machines par exemple, qui, indifférents à l'égard des classes comme l'est la langue, peuvent servir également le régime capitaliste et le régime socialiste.
C'est tout à fait matérialiste dialectique. Lorsque chaque pays sera socialiste, le marché mondial existera et par là-même la société humaine s'unifiera, avec une seule langue à la fin de ce processus.
Mais cette langue sera le fruit des échanges humains, pas une invention utilitaire d'une minorité capitaliste.