26 sep 2013

Histoire de l'Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes)

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L'Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), issue de l'Union des Etudiants Communistes, a joué un grand rôle dans la popularisation de Mao Zedong dans la jeunesse, et s'est développée parallèlement au PCMLF.

L'origine pratique

Lorsque le PCF cessa totalement, au milieu des années 1950, de se proposer comme alternative révolutionnaire autonome par rapport aux institutions, il y eut une vague d'intégration à celle-ci.

Cela fut vrai avec le municipalisme, le syndicalisme, mais également avec la participation aux institutions universitaires. Le marxisme fut donc accepté, pour un temps, en économie, en politique, en philosophie, etc. ; avoir l'agrégation devenait possible tout en étant membre du PCF et en se revendiquant marxiste-léniniste.

Ce processus amena la formation d'une nouvelle intelligentsia liée historiquement au PCF, se revendiquant à différents degrés du marxisme tout en prenant de nombreuses libertés. Certains, comme Michel Foucault, se lancèrent dans la « French philosophy », d'autres passèrent dans le camp de la psychanalyse en suivant Jacques Lacan, et enfin d'autres tentèrent de « radicaliser » le PCF.

Cette tentative de radicalisation est passée par l'Union des Etudiants Communistes et le philosophe Louis Althusser.

L'origine théorique

Louis Althusser (1918-1990) est un penseur tentant de maintenir le PCF dans un cadre idéologique « dur », par opposition à la tendance libérale représentée alors par Roger Garaudy.

Althusser s'appuie dans son projet sur le « structuralisme », idéologie analysant les « structures » de l'histoire, et amenant Althusser à expliquer que l'histoire dispose d'une démarche aléatoire, que Staline est à rejeter totalement, qu'il y a une coupure entre le « jeune Marx » et le Marx de la maturité.

Althusser est ainsi proche dans sa démarche « structuraliste » de Roland Barthes et de Claude Lévi-Strauss, et a écrit un ouvrage très célèbre alors, Lire le Capital, publié en 1965 sur la base d'un travail commun avec Étienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et Jacques Rancière, qui sont des exemples types de « marxistes-léninistes » des années 1960 reconvertis dans l'idéologie post-moderne, notamment à l'université de Paris 8 (Vincennes – Saint-Denis).

Althusser est ainsi surtout dans la lignée du PCF (et du PC italien) qui tente de développer un théorie des appareils d'Etat fondée sur les œuvres d'Antonio Gramsci, afin de remettre en cause le marxisme-léninisme, mais sur une base dure, en apparence seulement non révisionniste. Althusser s'opposera ainsi à mai 1968 et ne quittera jamais le PCF, sombrant par ailleurs toujours davantage dans la folie, jusqu'à terminer dans un hôpital psychiatrique après avoir tué sa femme, tout en ayant eu également une maîtresse, etc.

Pour résumer, la ligne d'Althusser était de nier le capitalisme comme reproduction de la vie réelle, nécessitant un saut révolutionnaire, pour expliquer que le capitalisme ne se reproduisait à chaque cycle de production que grâce à des appareils idéologiques d'Etat – qu'il faudrait alors changer, ce qui justifie la ligne révisionniste du PCF de marche dans les institutions.

Or, Althusser était enseignant à l'Ecole Normale Supérieure, la grande école littéraire de la bourgeoisie française, machine à agrégés et professeurs d'université. Il a eu comme élève les principaux théoriciens de l'agitation « gauchiste » suivant mai 1968 : Robert Linhart, Benny Levi et Alain Badiou pour la tendance maoïste spontanéiste, ainsi que Michel Foucault pour la tendance spontanéiste post-moderne.

Les Cahiers marxistes-léninistes

Tout part ainsi de l'Ecole Normale Supérieure, où est admis Robert Linhart, qui devient le principal disciple d'Althusser.

Il devient alors la figure du cercle de l'Union des Étudiants Communistes de l’École Normale Supérieure, qui commence en octobre 1964 à publier les Cahiers marxistes-léninistes, pour un millier d'exemplaires.

Au départ, ces Cahiers, qui auront au final une quinzaine de numéros, attaque la fraction dite « italienne » de l'UEC, c'est-à-dire désireuse de suivre l'option libérale du Parti Communiste italien.

Lorsqu'en mars 1965, la fraction italienne est brisée, les Cahiers tentent de prolonger le mouvement et de se poser comme alternative à la direction de l'UEC, ce qui passa par une lutte des deux lignes avec la fraction dirigée par Jacques-Alain Miller, qui fonda par la suite les Cahiers pour l'analyse et devint un idéologue du freudisme.

Le cercle de l'Union des Étudiants Communistes de l’École Normale Supérieure devient alors la base d'une agitation au sein de l'UEC, notamment en avril 1966 lors du 9e Congrès, contre la ligne de Roger Garaudy triomphant au sein du PCF dans le domaine culturel et idéologique.

Cela aboutit à sa dissolution, alors que les Cahiers marxistes-léninistes publient coup sur coup un texte d'Althusser (Matérialisme dialectique et matérialisme historique) et un numéro sur l'art, d'esprit structuraliste et althussérien.

Naissance de l'UJC (ml)

A la mi-juillet 1966, les cellules proches des Cahier marxistes-léninistes tiennent une conférence nationale avec 60 délégués, à Andrésy en région parisienne. Une conférence est organisée à Paris le 6 décembre 1966, à la salle des Horticulteurs, sous le titre « Qui sont les scissionnistes ? », que le PCF casse dans la violence.

En décembre 1966 naît alors l'Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), dont les Cahiers marxistes-léninistes deviennent l'organe théorique, avec le mensuel Le garde rouge, qui deviendra au bout de quelques mois le bimensuel Servir le peuple. L'organisation est présente à Paris, Nancy, Nantes, Rennes, Lille et Dijon.

S'opposant à la direction du PCF, les Cahiers marxistes-léninistes se lancent alors dans un grand soutien à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) en Chine populaire, avec même un article d'Althusser, qui quant à lui ne rompt pas avec le PCF.

Un numéro sur le capitalisme d'Etat, en mars 1967, où est dénoncée la ligne du PCF en faveur des nationalisations dans le cadre capitaliste, est l'avant-dernier numéro avant celui d'avril 1968, traitant de nouveau de la GRCP en Chine populaire.

L'orientation favorable à la Chine populaire tient ainsi à deux choses : tout d'abord, le fait qu'il y ait opposition à la direction du PCF, et ici l'UJC(ml) est l'équivalent pour l'UEC du PCMLF dans le PCF : c'est la rupture d'une minorité radicale refusant le tournant révisionniste ouvert, mais arrivant tardivement et sans base idéologique très nette.

Ensuite, il y a le fait que les Cahiers marxistes-léninistes sont d'idéologie althussérienne et que le refus logique d'Althusser de sortir du PCF est « dépassé » en pratique par la naissance de l'UJC(ml) qui se tourne alors idéologiquement ouvertement vers les thèses chinoises, au lieu de simplement s'appuyer sur elles contre la direction.

Premiers succès

La jeune UJC(ml) naît donc avec un prestige intellectuel lié à son rapport avec l'Ecole Normale Supérieure. Le cinéaste Jean-Luc Godard produit même un film, La Chinoise, qui sort en septembre 1967 et représente de manière romantique, voire expressionniste, des étudiants bourgeois parisiens faisant le choix de devenir « garde rouge. »

L'UJC(ml) organise une université rouge, qui a un grand succès ; elle parvient à faire manifester en soutien au Vietnam quelques centaines de personnes le 21 février 1967, jour de l'anniversaire de l'exécution par les nazis du groupe Manouchian des FTP-MOI.

Elle possède des ressources efficaces en cogneurs antifascistes au quartier latin, où elle dispose également rapidement d'une librairie, rue Gît-le-coeur.

Elle envoie ses activistes procéder à des « enquêtes » dans toute la France, tandis que des délégations sont envoyées en Chine populaire et en Albanie. La Chine populaire ne reconnaîtra cependant pas l'UJC(ml), alors qu'en Albanie la délégation est rapidement expulsée en raison d'un incident (un dessin jeté dans une poubelle montrant un serpent sortant des sables avec écrit : « Albanie, désert théorique »).

Robert Linhart appelle alors à généraliser la ligne de « l'établissement » des étudiants dans les entreprises, et la liquidation de la tradition althussérienne.

Seconds succès

L'UJC(ml) prolonge le mouvement : début 1967 il tient son congrès, puis il appelle à créer des Comités Vietnam de Base (CVB), qui naissent en février et auront un succès très grand dans la jeunesse activiste. En mai sort Victoire pour le Vietnam, organe qui aura six numéros jusqu'en mars 1968.

A côté de cela, l'UJC(ml) dispose de « Groupes de Protection et d'Autodéfense », extrêmement para-militarisés et formant des groupes de choc antifasciste. Si début février 1968 l'attaque du meeting pour le Sud-Vietnam à la salle de la Mutualité à Paris échoue, il culmine dans l'affrontement de 300 activistes contre les CRS.

Et le 21 février 1968, les CVB parviendront à hisser un drapeau du FNL du Vietnam sur la façade de l'ambassade du Sud Vietnam ; en mars, il existe 120 CVB en Île-de-France et 150 en province.

Le 30 avril, les CVB attaquent une exposition sur les « atrocités nord-vietnamiennes », saccageant les locaux et brutalisant les activités d'extrême-droite, avec même une fausse manifestation pacifique devant les locaux pour donner le change.

Les menaces fascistes de représailles contre la faculté de Nanterre amèneront l'organisation par l'UJC(ml) d'une auto-défense extrêmement para-militarisée (une tranchée est même creuser pour bloquer l'accès aux voitures), alors qu'à la Sorbonne a lieu une intervention policière le 3 mai 1968 par crainte de troubles, provoquant par la même occasion mai 1968.

Auparavant, le 1er 1968, était publié le numéro 1 de La Cause du peuple, journal du Mouvement de soutien aux luttes du peuple, comme organisme généré de l'UJC(ml), et lors du défilé du 1er mai 1968, le cortège avait réussi à s'imposer malgré l'opposition du service d'ordre du PCF.

L'UJC(ml) est alors une organisation structurée, apparaissant comme le véritable écho de ce qui se passe en Chine populaire avec les gardes rouges et la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

La tentative échouée de compréhension de Mai 1968

Lorsque mai 1968 est lancé, c'est Robert Linhart qui l'interprète. Seulement, l'UJC(ml) a une base idéologique liée au PCF, à Althusser. Il n'est donc nullement étonnant que Robert Linhart développe donc la même position hostile.

Prisonnier de la contradiction de l'UJC(ml) – Althusser d'un côté, Mao Zedong de l'autre – Robert Linhart a des crises de délires. Il se précipite en pleine nuit au siège du PCF pour tenter de discuter avec le secrétaire général d'alors, Waldeck-Rochet ; il fait de même à l'ambassade de Chine populaire, pour y expliquer que Mao Zedong a tort de soutenir mai 1968. Une dernière crise de délire le conduit à l'hôpital psychiatrique.

Robert Linhart avait bien vu la dimension foncièrement petite-bourgeoise du mouvement de mai 1968. A ses yeux, c'était cependant la social-démocratie qui était aux manœuvres, et le gaullisme profiterait de la situation pour écraser le tout. Aussi fallait-il rejeter mai 1968 et lancer comme mot d'ordre le fait d'aller aux usines.

Robert Linhart n'a donc pas compris qu'il s'agissait d'une crise du régime né du putsch gaulliste de 1958, avec donc également des revendications démocratiques.

Sur ce plan, Robert Linhart avait donc la même vision que le PCF, qui rejetait mai 1968 pour les mêmes raisons que lui, et ne saisissait pareillement pas les questions démocratiques.

L'erreur de Robert Linhart est en fait d'avoir eu raison sur la nature du PCF, tout en ayant tort. En effet, historiquement l'UJC(ml) est issue de la critique de gauche interne au PCF, avec Althusser.

Dans sa lancée et par l'attirance pour la critique chinoise du révisionnisme, cette critique est devenue l'UJC(ml), en rupture avec le PCF.

Dans l'ordre des choses, l'UJC(ml) aurait dû donc également rejeter la CGT ; or, elle ne l'a pas fait et a tenté de former une tendance « CGT lutte de classe ».

Cela signifie que Robert Linhart considérait la CGT (et le PCF) non pas comme social-fasciste à la base, mais comme social-démocrate.

Le problème est que l'UJC(ml) n'a pas compris cette rupture, et était culturellement une simple rupture par la gauche, sans compréhension authentique des enseignements de Mao Zedong.

Alors, au lieu de soutenir le mouvement de mai 1968 de manière critique et en posant à l'intérieur la ligne révolutionnaire, l'UJC(ml) s'est retrouvée sur la position du PCF.

L'activisme de l'ex-UJC(ml) durant mai 1968

La position de Robert Linhart était intenable et lui-même en paya le prix psychologiquement. L'UJC(ml) en paya le prix idéologiquement en s'effondrant, sa base se précipitant dans la lutte.

Le 16 mai, 300 personnes quittent le cortège principal pour marcher vers l'usine de Renault-Billancourt, avec comme banderole « Les ouvriers prendront, des mains fragiles des étudiants, le drapeau de la lutte contre le régime anti-populaire ».

Le 23 mai 1968, La Cause du peuple commence une parution quotidienne (qui durera jusqu'au 30 juin), comme organe du Mouvement de Soutien aux Luttes du Peuple. A côté, on retrouve les Comités de défense contre la répression, les Cercles Servir le peuple, les Groupes de travail communistes qui sont eux composés d'établis.

Du 7 au 10 juin, l'usine Renault de Flins en région parisienne est témoin d'une union ouvrière et étudiante culminant en série d'affrontements ultra-violents avec les CRS ; un lycéen de l'UJC(ml), Gilles Tautin, actif comme photographe pour La Cause du Peuple, meurt alors noyé, devant les yeux de la police qu'il fuyait.

Le 12 juin 1968, l'UJC(ml) est interdite, à l'instar des autres organisations « gauchistes ». Mais en pratique, elle n'existe déjà plus.

L'échec de l'UJC(ml)

Après un été d'enquête, l'ancienne direction de l'UJC(ml) peut à la fin septembre constater l'échec du projet. L'organisation n'a pas passé l'épreuve de feu.

Pire, la grande majorité de l'organisation décide de rejoindre le PCMLF, ce qui montre les limites idéologiques de l'UJC(ml), censée représenter une compréhension juste de Mao Zedong, allant à l'opposé du PCMLF.

Il est vrai que les ex-UJC(ml) qui vont rejoindre le PCMLF le quitteront vite, pour former le Parti Communiste Révolutionnaire (marxiste-léniniste) ; cependant, cela ne changera rien au fait que leur tradition n'a rien à voir avec ce qui sera appelé plus tard le maoïsme.

L'UJC(ml) n'a pas réussi à aller au maoïsme. Une seconde tentative est alors faite : Robert Linhart est mis de côté, et Benny Lévy, le numéro 2 de l'UJC(ml), va fonder les bases de ce qui deviendra vite la Gauche Prolétarienne.