10 mai 2013

Epicure, Lucrèce, Spinoza - 2e partie : Epicure

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Épicure, Lucrèce, Spinoza - 2ème partie : Épicure

Quelle est la philosophie d’Épicure ? Épicure ne s’intéresse pas aux démonstrations, mais aux sens ; les sens doivent être le point de départ de la compréhension du réel.

C’est-à-dire qu’il accorde au réel une dignité ; la pensée se fonde sur les sensations :

Toutes nos pensées ont leur origine dans les sensations par conjoncture, analogie, similitude et combinaison, le raisonnement y contribue également.

(cité par Diogène Laërce)

L’importance de cette reconnaissance a été totalement incomprise par les penseurs bourgeois ; seul le courant matérialiste en a saisi la signification. Épicure se situe en effet dans la lignée d’Anaxagore, dont il reconnaissait l’importance essentielle, et pour Anaxagore il existe un mouvement essentiel.

Citons ici Anaxagore et sa thèse centrale :

Les Hellènes parlent mal quand ils disent : naître et mourir. Car rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau. Pour parler juste, il faudrait donc appeler le commencement des choses une composition et leur fin une désagrégation.

Les penseurs bourgeois n’ont pas compris que toute la philosophie d’Épicure, qui est une morale, une théorie du mode de vie, repose sur cette considération.

Avant Épicure, les philosophes matérialistes cherchaient à saisir le mouvement général de la matière, mais ils ne positionnaient pas l’être humain par rapport à ce mouvement.

Avec Épicure, par contre, la nature se voit reconnue comme étant la réalité où vit l’être humain, être humain qui en fait partie.

Ce n’est qu’ainsi qu’on peut comprendre la logique d’Épicure comme quoi la vie est transitoire, et qu’il faut en profiter, en s’admettant en tant que simple être humain, sans chercher ni la gloire ni un monde idéal dans l’au-delà.

Voici ce qu’Épicure explique dans la Lettre à Ménécée :

Habitue-toi à penser que la mort n’est rien par rapport à nous ; car tout bien – et tout mal – est dans la sensation : or la mort est privation de sensation.

Par suite, la droite connaissance que la mort n’est rien par rapport à nous, rend joyeuse la condition mortelle de la vie, non en ajoutant un temps infini, mais en ôtant le désir de l’immortalité. [...]

Ainsi, le plus terrifiant des maux, la mort, n’est rien par rapport à nous, puisque quand nous sommes, la mort n’est pas là, et quand la mort est là, nous ne sommes plus.

Le point de vue d’Épicure est à la base non seulement du matérialisme, mais de l’attitude matérialiste. Le matérialisme affirme en effet qu’il est possible d’être heureux ; qu’être heureux c’est comprendre qu’on est de la matière pensante, avec des besoins à satisfaire.

L’épicurisme n’est donc en rien un culte des orgies ou de la consommation barbare ; au contraire, il prône une attitude raisonnable, une simple satisfaction sans chercher de grandes « transcendances » (cette recherche des grandes « transcendances » étant inversement la thèse moderne du fascisme comme « refus de la vie commode »).

D’où le mot d’ordre d’Épicure : « On peut atteindre le bonheur. ». Même les dieux sont remis en cause : ils existent, mais existent pour eux, ils n’interfèrent pas avec nous. Lucrèce et Spinoza ne diront pas autre chose.

Peu importe comment on qualifie le mouvement général : en tant que petite composante de ce tout, on peut donc vivre, être heureux. « Le cri de la chair : ne pas avoir faim, ne pas avoir soif, ne pas avoir froid. Celui qui a ces choses, et l’espoir de les avoir, peut rivaliser avec Zeus en bonheur. »

Le monde est composé d’atomes – Épicure assume la position de Leucippe et Démocrite – et les sens nous font connaître les choses réelles issues du mouvement des atomes.

Ainsi, l’épicurisme, c’est la reconnaissance du caractère naturel de l’être humain, d’où d’ailleurs la fausse interprétation propagée par le christianisme comme quoi l’épicurisme consiste en une apologie décadente des orgies. Mais un penseur décadent aurait-il écrit plus de 300 œuvres ?

Pour en plus, mettre en avant le concept d’ataraxie, c’est-à-dire le principe comme quoi l’esprit doit être paisible, tranquille, en harmonie avec la nature.

Voici ce qu’en dit Épicure :

Quand nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n’entendons pas par là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent ceux qui ignorent notre doctrine, ou qui sont en désaccord avec elle, ou qui l’interprètent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l’absence de souffrance corporelle et de troubles de l’âme.

En tant qu’êtres humains, nous sommes naturels, nous cherchons à éviter certaines choses, tout comme nous cherchons certaines choses que nous considérons comme bonnes. C’est là la base de la nature humaine, un point de vue qui aujourd’hui a une grande importance alors qu’il faut construire le programme communiste.

La religion et le capitalisme nient le caractère naturel de l’être humain ; un monde purement spirituel ou totalement bétonné est la seule perspective proposée. Nous, communistes, faisons comme Épicure : nous combinons science de la nature et mode de vie. Épicure a raison d’affirmer qu’il est juste d’un côté de vivre dans l’absence de troubles et de douleurs (ce qu’il appelle les plaisirs en repos), et de l’autre de vivre également la joie et la gaieté (qu’il appelle plaisirs en mouvement).

Cela est dans la nature de l’être humain. Par conséquent, nous rejetons la conception de l’être humain nécessairement troublé, perturbé, anxieux, angoissé, empli de malaise… pour affirmer la possibilité du bonheur, en tant qu’être vivant dans la biosphère.

Voilà pourquoi Marx, regardant l’Antiquité, considère que seul Lucrèce a réellement compris la philosophie d’Épicure. Lucrèce a compris la portée de la pensée d’Épicure.

Et étant donné que l’œuvre de Lucrèce nous est parvenue, à l’opposé de celle d’Épicure qui elle a été perdue dans sa quasi totalité, il y a donc vraiment lieu de se pencher sur Lucrèce, et ce d’autant plus que Lucrèce présente la pensée d’Épicure en détail.

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