6 juin 2011

Le sens de la campagne LulzSec

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le groupe hacker LulzSec a annoncé le 26 juin sa dissolution après 50 retentissantes journées de vie.

« Notre croisière prévue sur 50 jours est terminée. Nous devons maintenant partir au large en laissant derrière nous – nous l’espérons – inspiration, crainte, bonheur, approbation, désapprobation, moquerie, embarras, gentillesse, jalousie, haine, et même amour. »

De quoi s’agit-il exactement ?

En fait à l’origine il y a la mouvance Anonymous. Au départ, « Anonymous » est le nom qui apparaît pour les personnes postant des images ou du texte sans être identifié sur les « imagesboard. »

Les imagesboard sont un type de médias de discussion sur Internet né au milieu des années 2000.

Leur but est de permettre de préserver l’anonymat des participants, d’être le plus dynamique possible et donc de poster n’importe quel type de contenu.

Ainsi, les topics y ont une durée de vie limitée et on peut y poster sans y renseigner d’identité. Tout et n’importe quoi y est donc posté y compris le pire de la barbarie (pédopornographie, propagande fasciste, etc…), mais il y règne -sur les imagesboards américains et japonais- principalement un esprit contestataire grosso modo de gauche et une attitude sarcastique.

Donc ainsi, s’est développée la blague que « Anonymous » serait une seule personne aux contours flous. Des hackers se sont emparés de cette idée pour lancer des campagnes d’attaques collectives massives. C’est une évolution assez importantes de la mouvance hackers où régnaient plutôt un esprit individualiste anarchisant et une attitude assez compétitive entre les hackers et équipes de hackers.

Les premières attaques signées Anonymous ont lieu en 2006 contre Habo – le site de réservation d’hôtels américain – en représailles à l’interdiction d’accéder à la piscine d’un parc d’attraction faite à un enfant de 2 ans parce qu’il était atteint du VIH.

Comme on le voit l’esprit est très clairement progressiste, et surtout offensif, comme le montre la devise :

« Nous sommes les Anonymous. Nous sommes la Légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Attendez-vous à nous… »

Le mode d’organisation lui-même montre très clairement que la culture est celle de l’extrême-gauche américaine, avec ses aspects positifs comme négatifs (rappelons ici que Contre-Informations se veut culturellement bien plus lié à l’extrême-gauche des USA qu’à celle en France).

C’est-à-dire que la culture est considérée comme étant au centre des préoccupations ; il y a un style, une démarche de fond avec des exigences individuelles.

A cela s’ajoute la méthode du « label » permettant à de nombreux groupes de signer leurs attaques et des campagnes collectives d’attaques qui sont les modes d’organisation adoptés notamment par les structures activistes (Front de Libération Animale, Front de Libération de la Terre principalement).

Un des intérêts d’Anonymous est donc de permettre la participation de personnes n’étant pas forcément des hackers très performants.

La technique de piratage la plus utilisée par Anonymous est l’attaque « Distributed Denial Of Service » (DDoS en abrégé) ce qui veut dire « déni de service distribué ». Le principe est de provoquer ce qu’on appelle un déni de service -c’est-à-dire empêcher le fonctionnement normal d’un serveur web, d’un site, d’un serveur de mails, etc. – en inondant la cible de requêtes.

Ces attaques reposent sur des failles connues des systèmes de communication et ne demandent pas de très grandes compétences en informatiques pour les mettre en œuvre (il existe un certains nombres de logiciels disponibles sur internet pour en lancer).

Mais pour qu’elles soient efficaces, il faut donc qu’elles soient lancées depuis un grand nombre de machines.

Une des techniques des hackers est de se créer un réseau d’ordinateurs « zombies », c’est-à-dire infectés par un ver informatique qui permet d’utiliser leur ressources sur commande.

On appelle cela un « botnet ». Les botnets servent pour tous les types de piratage informatique (spams, cassage de mots de passe, attaques, etc.)

C’est là que le mode d’organisation d’Anonymous est intéressant : les membres ou mettent à disposition leurs propres ressources informatique pour servir de botnet ou leur propre botnet s’ils en ont. Du coup leurs attaques sont très rapides et durs à contrer.

Comme nous l’avons dits, Anonymous est clairement une mouvance militante et progressiste. L’axe idéologique principal reste bien évidemment social-démocrate : défense de la « liberté d’expression », luttes contre les dictatures, les censeurs, etc.

C’est le cheval de bataille classique du mouvement hacker : permette la libre-utilisation de toutes les ressources informatiques. C’est la même idée qui se trouvent au cœur des projets GNU/Linux ou de sites comme Wikileaks.

Cela est indéniablement progressiste (et justement en raison de sa démarche « américaine », Contre-Informations saisit cela).

Anonymous a mené des campagnes contre l’Église de Scientologie, les restrictions d’accès à internet en Iran, en Tunisie, en Chine, en Arabie Saoudite, le Vénézuela … (en mettant en place des systèmes qui permettent d’accéder anonymement au net malgré les restrictions des États).

Des représailles ont été mené contre le site PayPal et les banques qui ont coupé les comptes du site Wikileaks et la dernière campagne, baptisé « #opsony » est quant à elle une action de représailles contre la traduction en justice de deux hackers qui avaient démontré les faiblesse du réseau de jeu en ligne PlayStation Network.

Le groupe LulzSec était, lui, un petit groupe « dissident » de la mouvance Anonymous. Il s’est lancé sous la forme d’une sorte de happening de hacking. Le projet était prévu pour avoir une durée de vie limitée à 50 jours et faire le plus de bruit possible, tout au moins c’est ce qu’il a affirmé à la fin, après avoir défrayé la chronique.

Les hackers à l’origine de LulzSec voulaient critiquer l’aspect trop « sérieux », militant et surtout devenu à la limite du légalisme de la mouvance Anonymous.

En effet, Anonymous s’est dissocié des attaques les plus violentes contre le réseau PlayStation Network, certains groupes allant même jusqu’à balancer l’identité de certains hackers à l’origine de ces attaques permettant ainsi leurs arrestations par les services de sécurité des différents Etat bourgeois.

A côté de l’aspect social-démocrate « costard-cravatte » d’Anonymous, le groupe LulzSec a remis en avant une attitude moins militante dans la forme mais plus radicale et « fun » dans l’expression.

Le nom même du groupe en est un symbole : « Lulz » est le pluriel de « LOL » avec un aspect sarcastique et « Sec » vient de Security. L’objectif du groupe est donc de se foutre de la gueule des politiques de sécurité des États et des grands trusts … « for the LULZ » !

Si l’apparence est moins politique et plus délirante, les cibles elles montrent que le groupe reste en fait très progressiste. Ont ainsi été attaqué durant les 50 jours d’existence du groupe : la base de données de l’émission de téléréalité X-Factor, celle de la chaine de télévision réactionnaire Fox, plusieurs sites de Sony, Nintendo et Sega (action niée par la suite sous prétexte que les membres seraient des fanatiques de la Megadrive), le site républicain Gawker.

Ils ont montré les faiblesses de la base de données de la Sécurité Sociale britannique. Ils ont réussi à hacker le site du Sénat des USA, à faire tomber le site de la CIA, de la Serious Organised Crime Agency britannique, de l’Arizona Department of Public Safety, en charge de la lutte contre l’immigration clandestine.

Même le hack du site du réseau de télévision américaine Public Broadcasting Service montre bien que la culture de LulzSec est celle de l’extrême-gauche américaine puisque son but était d’annoncé que le chanteur de HipHop Tupac Shakur « est vivant ».

Rappelons que Tupac Shakur était le fils d’un couple de black panthers, son beau-père est toujours en prison (il s’agit du frère de la grande figure afro-américaine Assata Shakur), son parrain était Elmer « Geronimo » Pratt, grande figure révolutionnaire afro-américaine mort tout récemment…

Sur la fin de sa vie (avant son meurtre donc), Tupac Shakur était nettement en train de glisser de la mise en avant du « Thug » (sorte de lumpen métropolitain rebelle) à une certaine politisation ; il fait pour cette raison partie de la culture révolutionnaire aux USA.

Lors de sa dissolution, le groupe LulzSec a appelé toutes les personnes qui les soutenaient à rejoindre la campagne « Antisec ».

Cette campagne a pour objectif de lancer des vagues massives d’attaques contre les États et les grands groupes industriels qui tentent de restreindre la liberté d’expression sur internent.

LulzSec annonce ainsi que « la plus haute priorité est de voler et de publier toute information classifiée par les gouvernements, ce qui inclue les spouleurs de mail et la documentation. Les cibles principales sont les banques et les autres établissements de haut rang. »

Comme on peut le deviner, la campagne Antisec vise en fait à peu près tous les États, puisque des lois et des mesures restrictives sont menées partout (par exemple en France avec la loi HADOPI), ainsi qu’à peu près tous les trusts qui mènent une guerre permanente contre les hackers et l’informatique libre.

LulzSec comme Anonymous montrent que même sur internet l’actualité est bien la guerre des masse contre le capitalisme.

Dans les deux cas, il n’est pas fait recours à des procédés demandant de très grandes compétences informatiques mais à la puissance de la collectivisation des ressources. L’objectif de LulzSec était de redonner une impulsion radicale et « fun » au mouvement Anonymous et de ce point de vue leur objectif a été atteint.

Évidemment, on ne peut pas voir cela sans manier la dialectique. D’ailleurs, pour l’extrême-gauche française, cela n’est même pas de la lutte de classes. Pour nous au contraire, tout est luttes de classes, tout fait partie du problème… ou de la solution !

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