Les 10 ans de Wikipedia
Submitted by Anonyme (non vérifié)Il y a 10 ans naissait l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Wikipédia a depuis été un véritable phénomène du web.
C’est un des sites internet les plus visités juste derrière Google, Facebook et le moteur de recherche chinois Baidu. C’est même un des sites internet les plus « gros » puisque Wikipédia contient entre 15 et 20 millions de pages. Il y a des versions de Wikipédia dans 267 langues (vivantes ou mortes) ce qui en fait le site le plus multilingue du monde.
La création de Wikipédia est intimement lié avec l’explosion d’internet au début des années 2000. Il en est même un des facteurs important.
Avant sa création, il existait d’autres encyclopédies en ligne ou numériques comme les versions électroniques et internet des encyclopédies Larousse, Universalis ou encore l’encyclopédie Encarta de Microsoft. La plupart ont leur contenu placé sous copyright, c’est-à-dire qu’on ne peut réutiliser, copier ou publier leur contenu sans autorisations (c’est-à-dire sans payer!) ; pour certaines comme l’encyclopédie Encarta, on ne peut même pas la prêter à quelqu’un d’autre…
On voit là un des fonctionnement classique et central du capitalisme : rendre les choses privées pour pouvoir les transformer en marchandises.
Évidemment, il existait quelques encyclopédies « libres » (c’est-à-dire dont le contenu était réutilisable à souhait) mais elles étaient très réduites. Wikipédia a ainsi pour but de mettre en oeuvre le « rêve encyclopédiste » : rassembler toutes les connaissances de l’Humanité. C’est un projet éminemment progressiste qui est né durant l’Antiquité et a été porté à chaque étape de l’avancée vers la civilisation.
La première tentative connue de rassembler toutes les connaissances est « l’Histoire Naturelle » de Pline l’Ancien, un philosophe et naturaliste stoïcien romain du premier siècle. Comme on peut s’y attendre, la plus importante tentative encyclopédiste du Moyen-Age vient d’un philosophe arabe : Ibn Khaldoun.
Son ouvrage, Al Muqaddima (المقدمة Introduction à l’Histoire Universelle ) englobe toutes les connaissances de son époque de la géographie à la politique en passant par l’histoire, les sciences, la philosophie.. Pour l’écrire, il a fait un travail titanesque de résumé et traduction de sources grecques, byzantines et arabes.
Cette oeuvre a été d’une extrême importance non seulement par le travail qu’elle a nécessité, mais aussi par les idées développées par Ibn Khaldoun. En effet c’est dans les Muqaddima qu’Ibn Khaldoun développe pour la première fois une approche scientifique de l’Histoire.
La plus grande encyclopédie du Moyen-Age fut l’Encyclopédie de Yongle (Yongle Dadien 永樂大典 en chinois) compulsée à la demande de l’empereur Yongle à partir de 1403. Elle est la première qui n’est pas l’oeuvre d’un penseur isolé, mais une véritable oeuvre collective.
En effet, plus de 2000 savants ont travaillé à son écriture à partir de sources allant de l’Antiquité jusque 1400. Elle était tellement gigantesque que l’ensemble des manuscrits la composant prenait 40m3 !
L’encyclopédie en tant que projet moderne a été réellement formalisé durant les Lumières sous la direction du philosophe Diderot et du mathématicien D’Alembert. De fait, l’Encyclopédie Raisonnée des Sciences, des Arts et des Métiers a été un élément dans la lutte pour l’hégémonie culturelle de la bourgeoisie préalable à sa Révolution politique qui a renversé lé féodalité lors de la Révolution Française.
Comme tous les projets bourgeois de l’époque, l’Encyclopédie est un projet éminemment progressiste et est le fait de la fraction « matérialiste » des intellectuels bourgeois. C’est d’ailleurs du fait du matérialisme qui parcourait tous les articles de l’Encyclopédie qu’elle a été interdite plusieurs fois sous la pression des jésuites.
Ce qui la différencie des expériences précédentes d’encyclopédie est son aspect collectif et surtout son aspect politique. En effet, elle est le fait d’un collège d’intellectuels bourgeois regroupés au sein de la « société des gens de lettres » (ses membres étaient surnommés « les encyclopédistes »). Les « sociétés » étaient la forme d’organisation des militants progressistes de la Révolution bourgeoise. Cette forme d’organisation n’a été dépassé que lorsque Karl Marx a montré au prolétariat que sa forme d’organisation était le Parti.
Les encyclopédistes ont en quelque sorte été l’avant-garde de la lutte du « parti philosophique » contre les forces de la féodalité et de la superstition religieuse.
C’est dans cette tradition encyclopédiste que s’ancre Wikipédia tout en la dépassant. Car ce qui rend Wikipédia si particulier et explique son développement c’est l’utilisation de la technologie Wiki qui permet un mode de développement « démocratique » et massif.
En effet, au départ de Wikipédia, il y a l’encyclopédie libre en ligne Nupedia (prononcée nioupédia en référence au « new » anglais, c’est-à-dire « nouveau »), fondée en 2000 par Jimmy Wales.
Le but de Jimmy Wales était de créer une encyclopédie en ligne libre et de qualité équivalente aux mastodontes privées qui monopolisaient le marché.
Mais son développement était très lent car il était organisé sur le même modèle intellectuel élitiste que les autres encyclopédies : le « collège d’expert ». Pour accélérer le développement des articles, le rédacteur en chef du site lui propose de créer un « wiki ». L’efficacité de cet outil et sa popularité quasi-immédiate l’amène à éclipser très vite le projet originel de Nupedia.
Les Wikis viennent directement de la culture hacker. En fait, ils étaient déjà très populaires sur les sites de programmation informatique.
« Wiki » vient de l’expression hawaïenne « wiki wiki » qui veut dire « très rapide ». La technologie wiki est extrêmement pratique pour le développement de sites collaboratifs (c’est ce qui explique leur popularité chez les hackers et les programmeurs).
Les wikis fonctionnent grâce à un logiciel informatique puissant qu’on appelle un « moteur de wiki ». Il permet de gérer beaucoup plus de fonctionnalité qu’un site classique.
En premier lieu, les moteurs wikis permettent de gérer des hyperliens. Les hyperliens, c’est ce qui permet de faire que quand on clique sur un mot, une image, une phrase cela ouvre une autre page internet. Par exemple sur la colonne centrale de CI, chacun des titres de textes contiennent un hyperliens vers la page internet où se trouve le texte en question. On voit tout de suite en quoi cette fonctionnalité est pratique pour un dictionnaire ou une encyclopédie, car cela permet les renvois vers d’autres articles sans passer par un sommaire.
Ensuite, ils offrent un grand nombre de fonctionnalités de publications et d’édition. D’abord un langage particulier plus simple que le code html dans lequel sont en général écrit les sites informatique : le wikitexte. Cette simplicité permet de participer sans connaître la programmation informatique (ce qui n’était pas franchement le cas pour les sites internet en 2001).
Ils permettent aussi de gérer les connexions au site par un système d’inscription ou de repérage automatique de l’adresse IP et tiennent une base qui met en rapport l’adresse avec les modification qui ont été effectuées. Cette fonctionnalité permet de lutter assez efficacement contre les piratages ou les spams en contrôlant très rapidement qui a fait quoi. Dans le même esprit, ils permettent de garder un historique des modifications et ainsi savoir comment à évoluer le contenu d’une page.
Wikipédia a mis en place un système plus ou moins démocratique de gestion avec des espaces de discussions internes pour régler les débats concernant les informations à mettre dans une page et lorsque que ces débats ne se résolvent pas en publiant les différents avis « critiques ».
Il a été mis en place un système hiérarchisé de pouvoir au sein de la communauté Wikipédia avec des « administrateurs », des « bureaucrates » et des « arbitres ». Comme pour la plupart des communautés de l’informatique libre, les personnes à ces postes sont élus régulièrement. Leur rôle par contre n’est jamais éditorial : ils ne peuvent en aucun cas juger du contenu d’un article.
On voit que Wikipédia est clairement un projet moderne et progressiste. Cette modernité provient directement du fait qu’elle est très liée ( historiquement et structurellement) avec l’informatique libre et est un produit de la nouvelle révolution industrielle.
L’aspect démocratique et populaire de Wikipédia est évident, que ce soit par son mode de fonctionnement comme par son approche du savoir. Effectivement, rien de ce qui est de la culture n’est rejeté par Wikipédia : on y trouve aussi bien des articles sur la mécanique quantique que sur des groupes de musique.
Cet aspect progressiste et universaliste apparait très clairement dans la présentation qu’en fait son co-fondateur Jimmy Wales : « un effort pour créer et distribuer une encyclopédie libre de la meilleure qualité possible à chaque personne sur la terre dans sa langue maternelle. »
Bien évidemment, si Wikipédia est un projet progressiste et populaire, ce n’est pas un projet révolutionnaire. Si elle ne l’est pas, c’est par son aspect clairement petit-bourgeois par rapport à la politique d’édition. En effet, Wikipédia refuse la prise de position et met en avant le « laisser faire » libéral.
Un de ses principes fondateurs est la « neutralité des points de vue ». En ce sens, elle est même moins révolutionnaire que l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui mettaient clairement en avant une perspective rationaliste et se vivaient comme en lutte avec l’idéologie des féodaux.
Comme le disait l’historien bourgeois Michelet : « l’Encyclopédie fut bien plus qu’un livre. Ce fut une faction… ». Et Wikipédia, elle, refuse d’être une faction.
Elle le refuse alors que de fait elle l’est. C’est en cela qu’elle est typiquement petite-bourgeoise et pour le dire clairement « libéral-libertaire » : elle refuse d’assumer la politique.
Et ce alors qu’elle en fait ! C’est d’ailleurs parce qu’elle est considéré comme trop « gauchiste » que de nombreux clones réactionnaires ou fascistes sont nés, comme Conservapedia aux USA dont le but est de mettre en avant le créationnisme qui était très justement rejeté comme n’étant pas une « position » par les rédacteurs de Wikipédia, ou encore Métapedia en France qui met en avant essentiellement les aspects culturels et politique de l’extrême-droite.De la même manière, si Wikipédia est interdite en Chine et que la dictature social-fasciste a développé ses propres « encyclopédies » (Baidu Baike et Hudong – qui sont d’ailleurs logiquement toutes deux sous copyright), c’est en raison des positions développées sur Wikipédia.
A l’inverse de cette démarche de pseudo-neutralité, nous, communistes, mettons en avant la nécessité de prendre position. Nous assumons que la lutte de classe traverse toute la société et donc aussi tous les aspects culturels, scientifique, technologique, artistiques de la société.
Donc voilà, bien que n’étant pas révolutionnaire, Wikipédia est un projet progressiste, populaire et universaliste ; un projet qui porte une culture importante à nos yeux, car présentant un haut degré de civilisation. C’est un projet qui va dans le bon sens mais qui finira inévitablement par s’effondrer sous la pression du fascisme montant, s’il n’assume pas la politique.
Et comme il ne le pourra pas, c’est à Contre-Informations d’avoir à toujours plus se développer!