20 juil 2011

L’histoire de la littérature française se confond avec celle du psychodrame et de la nervosité bourgeoise

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La bourgeoisie a permis l’avènement de l’individu et c’est là son mérite, mais elle donne naissance également par la suite à l’individualisme, dans toute sa confusion mentale, et cela est critiquable.

La bourgeoisie française a lutté de manière exemplaire contre les forces féodales ; sa révolution a été exemplaire et considérée comme un modèle pour toutes les bourgeoisies du monde. Et il faut bien souligner que sa décadence est tout aussi exemplaire.

Cela fait que la littérature française a un développement très clair, comme nulle part au monde ; son cheminement correspond à l’avènement du psychodrame. En quoi consiste ce mouvement ?

1.L’humanisme qui apparaît au 16ème siècle rejette les prétentions de l’église à régenter le passé. Ce moment, celui de la renaissance, est un moment d’affirmation authentique de la connaissance et de la sagesse.

Si on y ajoute le mouvement de la Pléiade, on doit y ajouter la volonté de parler dans la langue du peuple (et non en latin, langue de la religion), afin d’exprimer le plus parfaitement ce que l’on ressent.

Ce premier moment est essentiel : il marque le début de l’individu, mais d’une manière progressiste : il y a l’individu, mais pas individualisme.

2.La contre-réforme du 17ème siècle s’est développée pour faire obstacle à l’humanisme. Dans les mouvements de la contre-réforme – le baroque (espagnol et italien) et sa version française (le classicisme) – il n’y a pas de place pour l’individu et sa personnalité.

Dans les tragédies et les comédies, les personnages sont des figures abstraites, sans profondeur. Seul le mouvement libertin tente de mettre en avant une attitude non conventionnelle, il reste toutefois marginal.

La baroque, en tant que catastrophisme de type chrétien face à la crise provoquée par l’humanisme (et la Réforme protestante, et la Renaissance en général), est ici à souligner comme premier mouvement de panique de type individuel.

Le caractère « étrange » et morbide du baroque est déjà un « décrochage » par rapport à l’évolution de la société : il est l’expression de la décadence de la classe aristocratique, la panique de ses intellectuels collectifs.

3.Les Lumières, au 18ème siècle, réaffirme de nombreuses positions de l’humanisme. Toutefois, ces positions sont subordonnées aux nécessités politiques, sociales et économiques de la bourgeoisie.

La célébration humaniste de la culture de l’antiquité gréco-romaine, mettant l’accent sur la formation individuelle et la discipline intellectuelle et morale, cède le pas aux revendications de la bourgeoisie en tant que classe.

Les Lumières forment ainsi le premier avènement de l’individualisme bourgeois, au sens où ce n’est pas la personnalité qui est mis en avant, mais le « droit. »

Les Lumières s’adressent à tous les individus, mais à aucun en particulier ; ne comptent que les « droits » sur le plan général, c’est-à-dire ceux des éléments de la classe bourgeoise.

Le recul par rapport à l’humanisme, célébrant l’étude et la formation individuelle (avec Montaigne, Rabelais, et qui aura un écho jusqu’à Fénelon à la fin du 17ème siècle), est patent.

4.Le romantisme du début du 19ème siècle est l’expression de la restauration politique en France ; il représente la nostalgie d’un passé idéalisé.

Ici il faut souligner le caractère de parenté – et seule la science MLM peut l’affirmer – entre la baroque et le romantisme.

Le romantisme est un mouvement de panique individuel, tout comme le baroque. Il a les mêmes traits, le caractère religieux devenant par contre mystique, en raison de la crise totale provoquée par la révolution française, temporairement en recul en raison de l’échec napoléonien.

Les intellectuels bourgeois considèrent souvent Victor Hugo comme la principale figure du romantisme, ainsi que comme une figure progressiste.

En réalité, Hugo arrive bien après Chateaubriand, et son romantisme n’en est pas un : Victor Hugo est en fait un apologiste de l’individu bourgeois qui a une personnalité.

C’est là son rôle historique, que l’on retrouve exprimé clairement dans les romans historiques et l’invention du drame avec les figures complexes de Jean Valjean, Ruy Blas, etc.

Il y a donc deux romantismes : le « vrai », consistant en la peur panique de l’aristocratie. Et celui de Hugo, qui transforme ce romantisme (en tant que repli sur les affres individuelles) en soutien à l’affirmation de la personnalité individuelle bourgeoise.

5.Cela relativise le rôle progressiste du réalisme. En effet, le réalisme a une valeur progressiste dans la mesure où il s’agit d’une arme de combat (bourgeoise) contre le romantisme (aristocratique) qui lui est tourné vers le passé.

Mais le réalisme est vite lié au naturalisme, à la manière bourgeoise d’analyser la réalité.

Il faut citer ici Claude Bernard, l’apôtre sanglant de la vivisection qui résume cette conception « scientifique » : « Le physiologiste n’est pas un homme du monde, c’est un savant, c’est un homme qui est saisi et absorbé par une idée scientifique qu’il poursuit : il n’entend plus les cris des animaux, il ne voit plus le sang qui coule, il ne voit que son idée, et n’aperçoit que des organismes qui lui cachent des phénomènes qu’il veut découvrir. »

Zola a puisé sa méthode dans l’approche de Claude Bernard, et on doit voir que les littératures réaliste et naturaliste ne procèdent finalement pas autrement ; elles sont tout autant incapables de saisir la dignité du réel.

Le réalisme et le naturalisme sont une lecture sociologique et bourgeois-scientifique du monde, le pendant du développement de la personnalité individuelle effectuée notamment par Victor Hugo.

Car le réalisme, et principalement le naturalisme, mettent en avant les nerfs, la nervosité. L’individu naît au 19ème siècle avec le développement du capitalisme, mais avec un prix : celui d’être un humain d’une grande nervosité, quelqu’un de toujours tendu, comme s’il était adapté aux nécessités de l’accumulation du capital – ce qu’il est, bien évidemment.

6.Cette mise en avant des nerfs ne pouvait aboutir qu’à une fascination pour les crises de nerfs.

Aux descriptions réalistes du triomphe capitaliste à Paris, succèdent les considérations de Baudelaire sur les souffrances intérieures de l’individu.

C’est la naissance de la figure de l’artiste comme « bohème », du « poète maudit. » Le symbolisme est l’aboutissement du processus qui tout au long du 19ème siècle met en avant les nerfs.

Le symbolisme est l’expression de la crise de nerfs ; la littérature de Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et Nerval est tout autant le fruit décadent de la crise de nerfs, que la tentative de refuser cette malédiction, en s’attachant à la quête de l’idéal artistique.

7.Ce double caractère du symbolisme sera bien entendu également celui du surréalisme.

Ce n’est pas pour rien que le surréalisme est l’équivalent français de la psychanalyse autrichienne : la crise des nerfs atteint ici son paroxysme.

Dans la première partie du 19ème siècle, on donne naissance à l’humain « sur les nerfs » ; dans la seconde moitié du 19ème siècle, on exprime les nerfs en crise : c’est le spleen, le thème du nevermore, les fantasmes sur le « poète voyant » (Rimbaud) qui « déchiffre » (Baudelaire) le monde.

Au début du 20ème siècle, la crise des nerfs est absolue et le surréalisme affirme qu’il n’y a de fuite possible que dans cette crise de nerfs elle-même.

8.Inévitablement, le culte de la crise de nerfs devait donner naissance à une littérature fascinée par le fascisme, car le culte de la crise de nerfs ne pouvait pas durer, à une époque de crise générale du capitalisme.

Céline et Drieu la Rochelle en sont les expressions les plus abouties ; toute leur littérature est une crise de nerfs, et la quête d’une perspective à partir de celle-ci.

Leur littérature met de côté les tentatives surréalistes de type mystique, principalement celle de Bataille, mais également celle d’Eluard, qui pourtant a réussi parfois à transcender son surréalisme et produire de grandes oeuvres, de par son adhésion au communisme.

Leur littérature est ainsi le fétichisme de la crise de nerfs; l’équivalent de la « volonté de puissance » de Nietzsche, personnage sur les nerfs s’il en est.

8.Après la seconde guerre mondiale impérialiste, la crise de nerfs se replie sur elle-même, elle s’accepte.

C’est le sens de l’existentialisme (Sartre, mais Camus doit être considéré de même), du théâtre de l’absurde, du nouveau roman.

Ces trois mouvements nient la possibilité de saisir le sens de la crise de nerfs de l’humain moderne. Leur but, dans le cadre des 30 glorieuses qui marque la relance d’un cycle du capitalisme : accepter, accepter la crise de nerfs, accepter la subjectivité, accepter l’impossibilité de l’objectivité.

9.Face à la confusion de cette crise de nerfs, que doit mettre en avant la science MLM ? Elle doit réassumer l’humanisme.

L’être humain est un individu, oui, mais il n’est rien sans la société, et il doit perpétuellement avancer de manière critique et autocritique.

Le communisme considère que les humains doivent être à la fois des savants et des artistes ; l’humanité doit assumer systématiquement le plus haut degré de culture et de civilisation.

C’est le sens du programme communiste de dépassement de la société bourgeoise, et voilà pourquoi pour comprendre les mentalités françaises et l’importance de la notion de psychodrame, il y a lieu de saisir le cheminement de la littérature française.

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