Quelle est la nature de Cuba et de ceux qui soutiennent son « socialisme »?
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Pendant les années 1960, les révolutionnaires qui voulaient une révolution sans Parti Communiste prenait l'exemple cubain.
« Cuba socialiste », dont le Parti a été fondé APRÈS la révolution.
Aujourd'hui, toute la gauche du « PCF » qui prétend vouloir un Parti Communiste fondé sur l'enseignement de Lénine voire de Staline prend Cuba comme modèle.
Comment est-ce possible?
Pourquoi ce soutien si important à Cuba et à son « socialisme »?
La raison en est en fait toute simple: par nationalisme bourgeois.
Lorsqu'un pays veut faire sa « révolution française », il est empêché par l'impérialisme, qui veut conserver ce pays dans la dépendance.
Les « républicains bourgeois » fondent alors une nouvelle théorie (la Jamahiriya en Libye, le Juché en République Populaire de Corée, le « socialisme du 21ème siècle » de Chavez, etc.) et se tournent alors vers un grand frère: hier Cuba était une société produisant du sucre pour l'URSS, et aujourd'hui du tourisme (sexuel également) pour l'Union européenne.
Pour comprendre la nature bourgeoise de ceux qui soutiennent Cuba et prétendent qu'il y a là-bas le socialisme, étudions l'histoire de Cuba.
Il y a eu à Cuba une révolution.
Qui a mené cette révolution cubaine? Le Parti Communiste?
Non.
Le Parti Communiste, après une lutte courageuse dans les années 1930 sur la base du marxisme-léninisme, se vendit au dictateur Batista et changea son nom en Parti Socialiste Populaire (PSP).
Mais en 1953 il fut interdit, Batista appliquant la ligne nord-américaine de la guerre froide, et naturellement le PSP continua de sombre dans une position réformiste.
Qui a alors mené la révolution cubaine?
La révolution cubaine part de la tentative d'un groupe de guérilleros dirigé par Fidel Castro d'attaquer la Moncada, une base militaire à Santiago de Cuba, le 26 juillet 1953.
L'attaque fut un échec et Fidel Castro alla en prison d'octobre 1953 à mai 1955, pour ensuite aller au Mexique fonder le Mouvement du 26 juillet.
En décembre 1956 82 hommes vont à Cuba depuis le Mexique dans le bateau Granma et font une base dans la Sierra Maestra, dans le sud-ouest.
En 1958 le mouvement du 26 juillet comptait 300 guérilleros, et après l'échec de l'offensive du dictateur Batista en mai 1958 contre la guérilla, l'armée officielle s'effondra et Batista s'enfuit du pays le 31 décembre.
Les USA avaient cessé de soutenir Batista, qu'ils voulaient remplacer par quelqu'un d'autre en raison de son impopularité; l'échec de Batista à écraser la guérilla a précipité la chute de son régime.
Castro était-il le dirigeant d'un Parti communiste, menant la révolution selon les principes de la classe ouvrière, de l'idéologie communiste?
Non. Castro est le représentant de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie nationale cubaines, lassées de l'exploitation impérialiste, et dont il est lui-même issu.
Le modèle de Fidel Castro, c'est la démocratie bourgeoise.
Lors d'une visite aux USA suivant la révolution, il déclarera clairement à la presse : « Je ne suis pas un communiste et je n'adhère pas au communisme, » ce que le Times commentera avec satisfaction : « Docteur Castro a affirmé de manière répétée que son mouvement n'était pas communiste et que si Cuba pouvai atteindre un certain degré de prospérité, le communisme ne pourra pas grandir. » (Times du 20 avril 1959).
«Docteur Fidel Castro est venu au Club National de la Presse aujourd'hui afin de répéter ses garanties faites durant sa visite dans la capitale selon lesquelles il ne cherchait rien d'autres que l'amitié avec les Etats-Unis, il n'y aurait pas de communistes dans son gouvernement, qu'il n'aurait aucun plan d'expropriation de compagnies étrangères à Cuba. » (Times du 21 avril 1959)
Et comme il défend les intérêts de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie nationale cubaines, jusque-là brimées par la bourgeoisie bureaucratique vendue aux USA, il affirme le 21 mai 1959 dans un discours diffusé à la télévision: « Le capitalisme sacrifie l'Homme, l'Etat communiste sacrifie l'Homme.
Notre révolution n'est pas rouge, mais vert olive, la couleur de l'armée rebelle. » (Guide de la pensée politico-économique de Fidel, La Havane 1959)
La révolution cubaine s'est dirigée contre l'impérialisme et son allié : la bourgeoisie bureaucratique cubaine. Son objectif est une économie où la petite-bourgeoisie et la bourgeoise nationale peuvent se développer, et où la bourgeoisie nationale peut devenir une bourgeoisie comme celle de pays capitalistes.
Mais pour cela, la bourgeoisie nationale doit également liquider les propriétaires terriens, alliés de la bourgeoisie bureaucratique et de l'impérialisme.
C'est pourquoi la révolution cubaine a été décrite comme une révolution « paysanne », alors que la paysannerie n'y a aucunement participé : la révolution cubaine a été exclusivement porté par la petite-bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie nationale.
La redistribution des terres fut donc organisée, aux dépens des grandes propriétés féodales; de nombreuses grandes coopératives furent fondées, dont les membres étaient rémunérés par l'Etat et soumis à une direction bureaucratique.
Une fois ses deux ennemis battus, la petite-bourgeoisie et la bourgeoisie nationale n'avait plus qu'à espérer développer l'économie.
Dans ce processus, Castro avait également besoin de cadres. Ceux du PSP, liés à Batista, pouvaient lui convenir.
Le PSP accepta alors de rejoindre les « Organisations Révolutionnaires Intégrales », rejointes par le Mouvement du 26 juillet et les étudiants du « directorat révolutionnaire. »
Il en pris très vite la direction, et développa des thèses comme quoi la bourgeoisie nationale devait guider l'économie.
Mais le pays devant se donner du champ par rapport aux USA, il chercha des accords avec l'URSS et accepta alors un prêt de 100 millions de dollars fourni par l'URSS, ainsi que du pétrole soviétique remboursable en sucre.
Car les raffineries nord-américaines présentes à Cuba refusèrent le pétrole soviétique, et Cuba dut alors nationaliser les raffineries, ce qui amena un boycott des USA, et dès que le refus d'acheter les 700.000 tonnes de sucre prévues, l'URSS se proposa de les acheter.
Castro dut alors aller de l'avant devant l'hostilité nord-américaine, qui ne pouvait tolérer qu'un pays reste à mi-chemin des USA et de l'URSS.
En octobre furent nationalisés 382 grandes sociétés, soit toutes les banques (sauf deux banques canadiennes), la production sucrière, 18 distilleries, 61 compagnies de textile, 16 de riz, 11 cinémas et 13 grands magasins.
Lorsque les USA tentèrent le coup de force avec l'invasion ratée de la baie des cochons en avril 1961, les dés furent jetés : Cuba passa sous la dépendance de l'URSS.
La classe dominante ne sera pas une bourgeoisie libérale, mais une bourgeoisie bureaucratique vendue à l'URSS, comme l'ancienne bourgeoisie bureaucratique dépendait des USA.
Castro rejeta alors toute la ligne économique défendue par Guevara.
Guevara voulait que cesse la dépendance des pays du « tiers-monde » par rapport aux économies des pays impérialistes, alors que Castro instaura une économie agricole au service de l'URSS.
Le 16 avril 1961 Castro parla de « révolution socialiste » pour Cuba et en juillet 1961 il annonça que Cuba irait vers un Etat avec un seul parti, qui fut fondé le 1er décembre 1961 à partir des « Organisations Révolutionnaires Intégrales » : le Parti uni de la révolution socialiste.
Dans le discours de fondation Castro annonce sa nouvelle idéologie : « Je suis un Marxiste-Léniniste et j'en serais un jusqu'au dernier jour de ma vie. »
Il procéda alors à la liquidation des membres dirigeants issus du PSP, partisans de la bourgeoisie nationale et opposée aux nationalisations, pour eux obstacles au développement de la bourgeoisie nationale.
En décembre 1962 l'ensemble de l'économie fut nationalisé. En 1963 l'Etat, qui ne possédait que 40% des terres, augmenta sa part à 70%.
En 1965, Castro annonce que le Parti dirigeant prend le nom de « Parti Communiste de Cuba », avec lui-même comme secrétaire général.
Le quotidien Hoy (aujourd'hui) du PSP et celui du Mouvement du 26 juillet, Revolucion, fusionnent pour donner Granma.
Ainsi, une nouvelle bourgeoisie bureaucratique était née, vendue à l'URSS, issu de la petite-bourgeoisie qui avait participé à renverser la bourgeoisie bureaucratique liée aux USA.
Mais Castro était issu de la bourgeoisie nationale, et en défendait les intérêts tout en considérant que la dépendance vis-à-vis de l'URSS est inévitable.
C'est pourquoi Cuba a soutenu les mouvements nationaux-démocratiques en Amérique latine, et organisé en 1965 la conférence tricontinentale, où des représentants d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine affirment lutter contre l'impérialisme.
Mais Cuba critiqua systématiquement la Chine populaire et Mao Zedong.
En fait, la position de Castro est celle de la bourgeoisie nationale partisane d'une transformation en bourgeoisie bureaucratique; elle est semblable aux positions vietnamiennes, coréennes (du Nord), algérienne, etc.
Ces courants politiques (comme le FPLP et le FDLP en Palestine, puis en Amérique latine les FMLN, FSLN, URNG, ELN, etc.) affirment « profiter » de l'existence du bloc « progressiste » socialiste (URSS, pays de l'Est, etc.) pour mener une révolution nationale démocratique bourgeoise qualifiée de « socialiste. »
Ils seront systématiquement soutenus par la IVème Internationale trotskyste.
Le représentant le plus à gauche de ce courant révolutionnaire-démocratique national-bourgeois est Ernesto Che Guevara. Ne pouvant tolérer que le mouvement soit freiné par une politique dépendante de l'URSS, Guevara quitte Cuba en renonçant à tout, y compris sa nationalité.
L'échec complet de ces révolution « nationales » et la dépendance de plus en plus croissante de Cuba par rapport à l'URSS amena un soutien de plus en plus poussé de Cuba à l'URSS.
Cuba apporta son soutien à l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 (un « mal nécessaire » selon Castro) et Castro expliqua alors dans le Granma du 20 juillet 1969 qu'en ce qui concerne les révolutions dans les autres pays « Nous ne sommes pas pressés... Nous attendrons autant qu'il faudra, 10, 20, 30 ans si nécessaire. »
Cuba défend alors toutes les positions soviétique, systématiquement. La Chine populaire est systématiquement critiquée ainsi que les guérillas maoïstes, et est mise sur le même plan que les USA. En décembre 1975 le premier congrès du (nouveau) Parti Communiste de Cuba décide pour le plan économique 1976-1980 d'augmenter la production de sucre de 40%, et en 1976 une constitution similaire à la constitution soviétique est adoptée.
Castro est tout comme l'URSS opposé aux soulèvements et aux guérillas, et soutient seulement les réformismes armés qui pourraient justement amener la formation d'une bourgeoisie bureaucratique vendue à l'URSS.
L'armée cubaine sert alors de mercenaire de l'URSS, sous le drapeau de « l'internationalisme. »
Ainsi en Angola, où après la victoire sur le Portugal colonial le mouvement de libération nationale a été divisé sous l'influence des USA et de l'URSS, Cuba envoya en été 1975 des conseillers militaires au MPLA (Mouvement Populaire de Libération de l'Angola).
En novembre cela sera des soldats : il y aura jusqu'à 50.000 hommes en permanence, et 300.000 soldats cubains auront été présent en 13 années.
L'armée cubaine disposait de son propre état-major et constituait en fait la principale force militaire du MPLA avec des régiments d'artillerie et des blindés engagés, tandis que les forces du MPLA constituait l'infanterie chargée des ratissages, etc. L'URSS s'était chargé du pont aérien, et a également fourni des avions MIG-21 avec des pilotes à l'armée cubaine.
Cuba a prétexté que l'Angola était menacée par l'Afrique du Sud. Mais Cuba a également envoyé des troupes en Éthiopie, à partir du moment où la junte militaire qui y avait pris le pouvoir avait décidé de se mettre sous la coupe du social-impérialisme russe.
Et Cuba a ainsi soutenu avec des armes la répression de la minorité erythréenne.
La dépendance à l'URSS est telle qu'il dira dans un interview de 1987 à la télévision uruguayenne, qu'« il n'y a aucun doute que Mikhail Gorbatchev est inspiré par les idéaux de Lénine et qu'il les interprète et les applique dans la nouvelle situation en URSS et dans le monde. »
Naturellement, lors de l'effondrement de l'URSS et l'arrêt de toute « aide » soviétique l'économie cubaine s'est totalement effondrée.
Le blocus américain n'a pas fait autant de mal que la dépendance néo-coloniale au social-impérialisme russe.
La bourgeoisie bureaucratique a alors réorganisé l'économie; les recettes de l'Etat viennent du tourisme (42 %), du nickel (13 %), du sucre (6 %) et du tabac (5%); les joint-ventures avec des compagnies étrangères (Espagne, Russie, Canada, Pays-Bas, Chine, France, etc.) sont extrêmement nombreuses et se généralisent.
La production de sucre a en fait été mise de côté, son niveau est celui des années 1910. Cuba est redevenu un paradis pour touristes (2 millions par ans), cette fois européens et non pas américains.
Pourtant, malgré tout, Castro conserve son rêve d'une révolution française dans les pays dominés. Chavez, le représentant de la bourgeoisie nationale vénézuélienne, est à ce titre son meilleur allié, tout comme dans une certaine mesure le Brésil de Lula.
Ce rêve national-bourgeois du 19ème siècle européen, entre des phrases marquant son allégeance nouvelle à l'Union européenne comme à l'URSS hier, Castro le rappelle tout le temps.
Dans une conférence à Quito en 1988, il résume le fond de sa pensée :
« Je suis également convaincu que si Lénine avait su les changements sociaux qu'il y aurait, les changements que lui désirait pour son pays auraient été possibles sans le traumatisme de la guerre civile et de la violence.
Lénine aurait préféré cette route. C'est pourquoi j'exprime ma conviction, et je pense que c'est la conviction de tout révolutionnaire sincère, que la violence est le dernier moyen, quand on ne peut pas faire différemment, quand il n'y a plus aucune autre possibilité de changement.
J'espère que ceux qui ont la responsabilité dans notre hémisphère sont capable de prendre des mesures et de faire des pas pour résoudre ces problèmes tout en évitant le traumatisme de larges soulèvements sociaux.
Ou, au contraire, les gouvernement actuels joueront le même rôle que les derniers rois de France ou les derniers tsars du vieil empire russe. »
Cuba n'est pas un pays socialiste et Castro n'est pas un communiste.
Soutenir Castro, c'est soutenir la soumission de la bourgeoisie bureaucratique à l'Union européenne, c'est soutenir l'impérialisme.
Ceux qui soutiennent Cuba et se disent « communistes », comme au « PCF », sont en réalité des sociaux-chauvins soutenant leur impérialisme.
Pour le PC (MLM), septembre 2005