La conception de l’État absolu chez Marine Le Pen : une vision fasciste
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« ADN national », « l’âme de la France », « mondialisation identicide » : le discours d’investiture de Marine Le Pen est entièrement fondé sur la question nationale. Tout le contraire du PCMLM, dont l’un des objectifs est la citoyenneté planétaire.
Et comme cette question nationale est dépassée historiquement, elle a une arrière-pensée : le fascisme, qui met en avant un principe suprême : l’Etat. L’Etat, voilà ce que Marine Le Pen a inlassablement mis en avant dans tout son discours d’investiture.
Il faut impérativement comprendre cette conception de Marine Le Pen, car c’est cela sa proposition stratégique pour rendre crédible le Front National comme grand parti « restructurateur » de l’État. Voyons en trois points l’importance capitale de cela : tout d’abord, la référence antisémite, ensuite la référence anti- protestante, enfin et justement la vision étatique-nationale de Marine Le Pen, expression du fascisme français.
1. Un antisémitisme inévitable
La question est d’importance, car tous les commentateurs petit-bourgeois, d’extrême-gauche notamment, présentent Marine Le Pen comme une « moderniste », une « occidentaliste », qui aurait abandonné le fascisme comme référence, ainsi que l’antisémitisme, etc.
Cela est bien entendu ridicule, et bien évidemment on retrouve l’antisémitisme dans le discours de Marine Le Pen.
Il n’y a pas de fascisme sans antisémitisme, car le fascisme est un anti-capitalisme romantique. Or, l’antisémitisme est une idéologie « anticapitaliste » idéaliste de grande importance pour ceux qui célèbrent la « nation. »
Voyons ainsi ce que dit Marine Le Pen :
« Nous n’envisageons pas une démocratie comme un agglutinat d’individus déracinés et dissemblables participants à des élections pour élire des candidats interchangeables : Strauss-Kahn ou Sarko, l’euro ou l’euro,
l’immigration ou l’immigration, les délocalisations ou les délocalisations, le chômage ou chômage...
Nous voulons restaurer le cadre politique de la co-mmu-nau-té nationale. » Le fait de parler de « candidats interchangeables » est tout aussi révélateur que de parler d’individus « déracinés », en mentionnant Strauss-Kahn et Sarkozy.
Dans l’imaginaire fasciste, Strauss-Kahn et Sarkozy correspondent à l’image du « Juif cosmopolite », déraciné, ne pensant qu’à l’argent et nullement aux « valeurs », et encore moins à la « patrie. » L’argumentaire de Marine Le Pen n’est absolument pas moderniste. Il reprend le thème classique du « traître » à la nation, qui amène les problèmes, qui les « importe » car il est lui-même « importé. » Un « traître » interchangeable, par définition. Un « traître » qui gomme les différences « nationales » : il efface la monnaie « nationale » au profit d’une monnaie « apatride » (l’euro), il efface les frontières nationales (les délocalisations), il se comporte en parasite (le chômage, l’immigration). En visant le « mondialisme », Marine Le Pen développe inévitablement un discours contre l’universel, contre « l’argent », reprenant les clichés antisémites qui vont avec.
2.Un discours anti-protestant inévitable lui aussi
Lors de son discours d’investiture à la présidence du FN, Marine Le Pen a fait référence à Richelieu en déclarant: « Il n’y a pas et il n’y aura pas en France d’État dans l’État ».Cela ne relève en rien du hasard. Dans l’idéologie « nationale » française, si les personnes juives « symbolisent » le « cosmopolitisme » venu de « l’extérieur », les protestants font office de « renégats » de « l’intérieur. »
Justement, la phrase « il n’y aura pas d’État dans l’État » et la figure historique de Richelieu sont emblématiques du début de la répression d’État organisée contre les protestants au XVIIème siècle, répression qui aboutira aux
dragonnades et à la révocation de l’édit de Nantes de 1685. La deuxième moitié du siècle précédent avait été marquée par de multiples guerres de religion (on peut penser notamment au massacre de la Saint-Barthélémy le 24 août 1572).
Historiquement, les places de sûreté instaurées par l’Edit de Nantes (1598), parmi lesquelles La Rochelle, Montpellier, Nîmes, échappent au contrôle de l’État qui vit une phase de modernisation et d’accroissement de son pouvoir : sous Louis XIII et Richelieu, le pouvoir dépasse les stades inférieurs de la féodalité et s’appuie sur un État centralisateur fort.
Richelieu, premier ministre de Louis XIII, incarne la volonté d’écraser les places fortes de la religion réformée (le protestantisme).
C’est ainsi Richelieu qui mènera notamment le siège de La Rochelle (1627-1628), ville protestante majeure qui est considérée comme une menace. Pendant plus d’un an, les accès de la ville seront fermés et une digue construite
pour empêcher tout ravitaillement. Plus de 22 000 des 28 000 habitants périrent de faim. La référence à Richelieu dans le discours de Marine Le Pen n’est donc pas anodine. Elle signifie l’adhésion à des épisodes historiques caractérisés par leur barbarie, une barbarie justifiée par le triomphe de l’Etat centralisateur... et « national. »
De la même manière qu’il y a l’antisémitisme, il y a donc l’idéologie anti-protestante, les deux étant typiques du fascisme français.
Quelle ironie affreuse que dans sa mobilisation contre l’Islam, Marine Le Pen, ose parler de « notre pays qui a été meurtri par des guerres de religion multiséculaires »... alors qu’elle porte justement la sanglante centralisation française !
3.Réorganisation et centralisation de l’Etat : un projet fasciste
Par la référence à Richelieu, le FN veut s’inscrire dans la continuité de cette notion bien française de centralisation par en haut, de centralisation sur Paris. En effet, la France est un pays caractérisé par l’hyperconcentration parisienne qui réunit tous les pouvoirs et une grande partie de la vie culturelle. Richelieu est justement une figure du centralisme parisien comme le montre le lieu symbolique de sa sépulture, dans la chapelle de la Sorbonne. Un personnage religieux comme le cardinal de Richelieu est donc laïcisé par l’idéalisme historique (du type de celui de Marine Le Pen) en tant que serviteur de l’État, de haut fonctionnaire. Marine Le Pen vise la réorganisation, « par en haut », de l’appareil d’Etat, c’est-à-dire un renouveau national par le fascisme.
Mais ici, il faut être dialectique.
En effet, la dimension religieuse de Richelieu est très importante, car elle renvoie à l’échec du protestantisme en France (ainsi que dans les autres pays latins). Et l’échec du protestantisme explique largement la notion culturelle de social-féodalisme (et de son opposé : l’anarchisme). Le protestantisme et le concept d’affirmation individuelle ont historiquement été écartés en France au profit du rattachement de l’individu à une entité censée être protectrice, l’Eglise et / ou l’Etat au premier chef, ce qui rejoint l’anticapitalisme romantique. Propre au fascisme.
Voilà qui éclaire le passage suivant du discours de Marine Le Pen fustigeant de manière populiste le « modèle » anglo-saxon :
« Ma conviction profonde est que la France et le peuple français ont plus que jamais besoin d’un État fort !
L’État et la Nation sont en effet dans notre pays indissociables. Ailleurs souvent, l’État est perçu comme un instrument d’action collective parmi d’autres. C’est la conception anglo-saxonne, celle des pays où les nations sont plus anciennes que les États. Ces pays s’accommodent sans difficultés d’un Etat minimal, à qui l’on demande de ne pas perturber lelibre jeu des marchés. La France, je le pense, ne relève pas de ce modèle. La Nation française a succédé à l’État.
C’est l’État, à travers la constitution du domaine royal, puis la République, qui ont forgé la Nation. »
Dans ce cadre d’un État centralisateur fort, plutôt que de religion d’État comme dans d’autres pays, on peut parler en France de dissolution de la religion dans l’État. Ainsi, le concept de laïcité, louangé par Marine Le Pen dans son discours, est le produit de l’idéologie républicaine bourgeoise qui poursuit l’œuvre de centralisme d’État des monarques absolus de la dynastie Bourbon, en particulier Louis XIII et Louis XIV.
La laïcité a en fait pour but de légitimer les religions à condition de les administrer et incorporer à l’appareil d’État.
C’est pour cela que l’Église en France est prétendument « indépendante » du Vatican : elle est liée à l’État républicain.
Marine Le Pen suit donc cette ligne « française »; elle dit d’ailleurs ouvertement que l’État, finalement, est la nation elle-même (là où Jaurès parle de « patrie », elle rectifie et dit : « Etat »): « C’est l’État qui assure en grande partie l’unité de notre Nation. A l’heure où la crise et la mondialisation font rage, quand tout s’effondre, il y a encore l’État. « A celui qui n’a plus rien, la Patrie est son seul bien » disait Jaurès en son temps, lui aussi trahi par la gauche du FMI et des beaux quartiers !
Quand il faut réguler, protéger, innover, c’est vers l’État que l’on se tourne naturellement, parce que c’est l’État qui a la taille suffisante pour agir, la légitimité démocratique indispensable, et qu’il est inscrit dans notre ADN national.
Je l’affirme, l’État est une composante essentielle de l’âme de la France. » « C’est l’Etat, à travers la constitution du domaine royal, puis la République, qui ont forgé la Nation. » Ce qu’on a ici, c’est la conception de l’État absolu chez Marine Le Pen. De même qu’il y a eu la monarchie absolue, on a ici l’État absolu. La nation elle-même passe au second plan par rapport à l’État – c’est dire le caractère fasciste de la conception de Marine Le Pen.