12 oct 2016

Le concept indien de «possession»

Submitted by Anonyme (non vérifié)

L'Inde est un pays culturellement plein de richesses, et comment est-il possible de ne pas tomber dans la confusion devant une telle profusion ?

Voilà pourquoi il y a besoin d'une clef pour avoir accès à l'âme nationale indienne, pour comprendre l'Inde au-delà de la multitude des expressions dans la littérature, la danse, la musique, l'architecture, etc.

Nous savons que, fondamentalement, chaque Nation est seulement un aspect de la nature humaine universelle. Les différentes situations ont souligné les différents côtés de l'esprit. La constance finlandaise, le flegme anglais, la mesure française, etc. ne sont pas des particularités nationales au sens strict, mais les éléments de la nature humaine universelle.

L'Inde, comme nous le savons, a souligné historiquement un aspect particulier : la psychologie du comportement, ou, peut-être mieux dit, la question de l'humeur.

La musique indienne est basée notamment, par exemple, sur les « ragas », signifiant couleur ou mélodie, où différentes notes sont orchestrées pour exprimer des humeurs particulières. Cette orientation est au cœur de la musique classique indienne, mais aussi des ghazal, du qawwali, etc.

De la même manière, le Mahabharata et sa fameuse partie qu'est la Bhagavad Gîtâ exprime une réflexion profonde sur cette question du comportement et des humeurs. Bien sûr, l'hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme, le sikhisme, l'Islam dans le sous-continent indien, ont toujours été des religions se focalisant sur la question de l'esprit et de sa relation avec les attitudes.

C'est pourquoi pour comprendre l'Inde de nos jours, il y a le besoin absolu de saisir le principe de possession.

Que cela soit à Bollywood ou dans la littérature post-moderne, il y a précisément la clef de la culture nationale indienne. Le Taj Mahal, construit au nom de l'amour pour une personne décédée, témoigne de l'obsession de l'amour, exactement comme la « bhakti » est la preuve de l'adoration, de la dévotion pour Dieu.

Mais que signifie le fait d'être possédé ? Le terme qu'il faut ici connaître est celui de « bhoot », une créature surnaturelle capable de prendre des formes humaines ou animales, étant le fantôme d'une personne décédée.

La nouvelle indienne peut-être la meilleure à lire ici est le merveilleux Vetâlapanchavimshatika, Les contes du vampire, écrit en sanskrit au 11e siècle par Somadeva, qui a compilé des anciennes histoires.

Un roi doit porter un vetala ou baital, c'est-à-dire un vampire, qui lui pose beaucoup de questions tordues morales et juridiques ; toute réponse mauvaise amènerait la mort du roi. C'est une œuvre philosophique profonde, d'un rationalisme à travers une présentation magique typique de l'époque.

Et comme nous le savons, l'Inde est encore semi-féodale et pour cette raison, il y a une forte présence des possédés et de l'obsession dans la culture indienne. Cela a un double aspect : un aspect national, un aspect féodal.

Les films de Bollywood montrent des gens possédés : des gens se comportant de manière mauvaise ou semblant ainsi du moins, des gens obsédés par une idée ou un amour.

Parfois, la présentation est complaisante, parfois elle est critique, mais l'entière abnégation de l'individu pour sa nouvelle obsession lui donne toujours une sorte de présence surnaturelle.

La fascination pour des acteurs comme Amitabh Bachchan, Shahrukh Khan, Kajol Mukherjee-Devgan, etc. vient précisément de leur capacité à exprimer leur « possession », d'une manière très profonde, comme Shahrukh Khan dans Devdas.

De fait, voilà ce qui explique le succès de la nouvelle bengali Devdas, écrite en 1901 par Sarat Chandra Chattopadhyay, où est montrée la « possession » d'un individu tombant amoureux mais incapable de vivre son amour et perdant son équilibre psychologique, jusqu'à l'auto-destruction.

Un film extrêmement connu est ici bien entendu Devi, de Satyajit Ray, de 1960, où une personne est crue possédée par la déesse Kali, qui a joué historiquement un rôle très important au Bengale occidental, où la question des « bhoots » compte tant pour les hindouistes que pour les musulmans.

Le Bengale a joué un rôle significatif dans cette approche, avec son étude approfondie de la question du rapport entre les esprits et les comportements, dans un mouvement allant du mystique du XVIe siècle Chaitanya à la nouvelle Le monastère de la félicité de Bankim Chandra Chattopadhyay en 1882, sans oublier les œuvres de Rabindranath Tagore.

Mais c'est vrai pour toute l'Inde.

La culture indienne est fascinée par la présentation de personnes possédées, que cela soit d'une manière religieuse ou en raison de l'amour, de la guerre, du crime, de la vengeance, etc. et ainsi, il est difficile de discerner quels aspects sont liés au matérialisme, lesquels le sont à l'idéalisme.

Cela donne un aspect kaléidoscopique à la culturelle indienne et il est nécessaire de comprendre de possession pour aller au-delà et comprendre l'Inde.