13 oct 2015

Affaire Air France : perquisitions et arrestations anti-ouvrières

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Les travailleurs qui se révoltent et sortent du cadre établi par les directions patronales seraient des malfaiteurs : voilà la logique de l’État. Il s'agirait simplement d'individus qui se marginalisent d'eux-mêmes et qu'il faudrait isoler.

C'est le sens des interventions de police hier – à six heures du matin – pour aller arrêter les personnes ayant « osé » arracher les chemises de deux dirigeants d'Air France.

Pas de convocations, non, bien l'interpellation, à coups de perquisitions dans les foyers, pour intimider, pour terroriser. Tout esprit de protestation qui sort du cadre de la bienséance bourgeoise doit être écrasé, violemment s'il le faut.

A ces quatre perquisitions - arrestations sont venues s'en ajouter deux autres dans la journée, cinq personnes passant la nuit en garde à vue. En vue : leur condamnation, en tant qu'individus isolés des masses populaires.

Normalement, dans l'ordre des choses, les masses devraient se soulever ; les travailleurs d'Air France devraient immédiatement rentrer en grève, assumer l'affrontement choisi par l’État.

L'abandon des personnes interpellées est une insulte à l'esprit de collectivité, de lutte de masses. Il faut faire avancer le niveau de conscience des masses, pour qu'elles assument la conflictualité avec la bourgeoisie et son Etat : voilà le constat.

Cela signifie démasquer le jeu des syndicats, leur discours à double face. A la télé, les responsables syndicaux ont tous exprimé qu'ils comprenaient la colère populaire, qu'il y avait de la légitimité, etc.

Ils ont exprimé qu'ils choisissaient le camp du peuple. Pourtant, ces mots sont bien différents des faits : dans la pratique, les syndicats condamnent.

Le communiqué de la CGT en tant que centrale est en tout cas sans appel dans la condamnation :

« A la fin de ce CCE qui se tenait au siège de l’entreprise à Roissy, des dirigeants ont été victimes de violences physiques. Actes commis en marge du cortège pacifique des salariés en grève.

La CGT et la quasi totalité des organisations syndicales de l’entreprise ont condamné avec fermeté ces agressions. Dans un entretien au Point, Xavier Broseta, DRH de la compagnie, raconte comment, grâce à l’aide du syndicat, il a pu quitter les lieux : « Des délégués CGT, que j’ai remerciés ensuite par SMS, sont venus m’aider à sortir de la salle ».

Mais la CGT condamne également tout aussi fermement, l’attrition et les licenciements que la direction s’apprête à mettre en œuvre. »

On arguera qu'il y a eu un rassemblement de soutien aux personnes interpellées à Roissy hier.

Toutefois, il s'agit d'une mise en scène, et pas seulement parce qu'on y trouvait les trois têtes de liste aux régionales en Ile-de-France du Front de Gauche (Pierre Laurent, Eric Coquerel, Clémentine Autain). Car c'est là orienter la défense des interpellés dans une logique électorale, alors qu'il s'agit de lutte de classes.

Non, il y a plus, car si l'on regarde bien, on voit que la CGT Air France ne dit pas autre chose que la centrale dans son rejet de la violence, dans sa condamnation des luttes de classe lorsqu'elles expriment l'antagonisme classe ouvrière-bourgeoisie :

« Au lendemain de la session du CCE où 2900 suppressions d'emplois ont été annoncées, la presse fait ses choux gras des actes de violence isolés qui ont eu lieu lors de cette immense et pacifique journée de mobilisation des salarié(e)s Air France.

La grande famille des salarié(e)s était réunie, Personnels au Sol, Personnels Navigants Commerciaux, et Pilotes. C'est cette image qui aurait dû circuler dans les médias car elle est HISTORIQUE. »

C'est là clairement un moyen de détourner l'aspect principal : l'utilisation au sein d'une lutte sociale de la violence à l'encontre des ennemis des masses populaires.

Car c'est bien la question centrale et Xavier Mathieu, ancien leader des Conti, l'a tout à fait reconnu dans les médias hier, étant passé au « grand journal » de Canal+.

Il a eu des propos très justes dans la justification de la violence, qui n'en était pas vraiment une, surtout en comparaison aux luttes des sidérurgistes des années 1980, qui furent si fortes et si combatives.

« [Quelqu'un était dans le coma.] Oui, et alors ? Cinq Contis se sont suicidés [suite aux licenciements dans l’usine de Clairoix dans le cadre d’une délocalisation, ndlr]. C’est quoi ça, c’est rien ?” »

« [Vous condamnez?] Non, et je rends même hommage à la classe ouvrière, depuis 2008, il n'y a jamais eu de drame, il n'y a jamais eu de vrai drame. »

« J’ai été un pacifiste toute ma vie. Mais malheureusement je n’y crois plus. »

« On est dans un système pourri. Et malheureusement la violence sera inéluctable, et pour l'instant, pour l'instant, contentez-vous et rassurez-vous que ce soit simplement des chemises arrachées, parce qu'un jour ou l'autre ce sera bien pire que ça, malheureusement, on n'a jamais eu de drame, on n'a jamais eu de drame, alors arrêtez de parler de drame, de lynchage, d'agression, il n'y en a jamais eu, pas plus hier qu'avant-hier. »

Pourtant, et c'est significatif, Xavier Mathieu a uniquement réduit la lutte aux travailleurs licenciés, précisant de manière ininterrompue qu'il s'agissait d'une minorité. Il n'y a aucune perspective d'ensemble, aucune lutte des classes.

Le débordement, pourtant si essentiel dans la lutte des classes, n'est au mieux conçu que comme réformisme armé pour gagner sur le plan des revendications financières des personnes licenciées.

Cela ne va même pas jusqu'à la formulation, même embryonnaire, d'un réformisme armé comme le furent la première génération des Brigades Rouges en Italie et la Gauche Prolétarienne en France, ces courants « thoréziens de gauche ».

C'est très parlant et Xavier Mathieu reflète bien la classe ouvrière et les masses populaires, qui sont déboussolées, qui ne comprennent pas pourquoi on leur en veut… et qui soutiennent souvent Marine Le Pen pour marquer leur protestation face à cela.

Xavier Mathieu reflète parfaitement cela, notamment quand il compare la classe ouvrière à un labrador maltraité et à qui on veut même finalement supprimer la maison, d'où le fait que malgré sa gentillesse il veut mordre.

Il assimile ouvertement la classe ouvrière à des gens sympas et pauvres qui sont au service de gens méchants et riches, présentant cela comme une fatalité, mais une fatalité vivable en fin de compte. Sauf quand les patrons délocalisent et licencient : là est la « limite ».

Cela montre bien la non-compréhension de la lutte des classes comme panorama général de la France aujourd'hui. Mais cela montre aussi que les murs se lézardent, que les blocages idéologiques et matériels enserrant la classe ouvrière et les masses s'effondrent, un par un, avec la crise générale du capitalisme.

Comme le constate le PCF (mlm) dans sa Déclaration 75 - 5 thèses sur la lutte à Air France

«La lutte des classes qui se déroule actuellement en France est à la fois élémentaire et défensive. Elle est le produit de la situation et par conséquent contient un haut niveau de combativité, mais ne possède pas un niveau idéologique élevé (...). 

L'écho de l'action participe à la lente prise de conscience prolétarienne, qui doit traverser nombre de préjugés, de corruptions, de désarroi, de déformations bourgeoises et petites-bourgeoises, de superstitions religieuses, de manque de connaissances, d'absence d'organisation. Ce processus n'en est qu'à ses débuts. »

Le processus sera long et sinueux, tortueux jusqu'à un irrationnel soutien momentané à Marine Le Pen, mais inéluctablement il débouchera sur le conflit ouvert entre prolétariat et bourgeoisie, jusqu' à la révolution socialiste et sa victoire.

Mots clés: 
Les grandes questions: 
Rubriques: