18 déc 2012

Reconstruction capitaliste et contradictions inter-bourgeoises (1940-2012) – 8

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le triomphe du Parti Socialiste en 1981 est similaire au triomphe de la bourgeoisie industrielle en 1969. A chaque fois, ce triomphe amène une désillusion de par l'impossibilité historique de réaliser ce qui devait l'être, de par la nature même du mouvement.

En 1958, la bourgeoisie financière s'imaginait parvenir au pouvoir, comme après 1945, mais cette fois avec un Charles De Gaulle mature instaurant un régime parfaitement adapté. La révolte anti-conservatisme ; libérale et populaire de 1968 en aura raison.

En 1969, la bourgeoisie industrielle s'imaginait définitivement dominante, unifiant l'Europe ; la crise générale du capitalisme aura raison d'elle.

En 1981, la social-démocratie s'imaginait instaurer un nouveau régime, populaire et planiste, comme aboutissement du mouvement de mai 1968 ; la réalité étatique et de la base économique aura raison de cette idéologie illusionniste.

C'est ce double échec historique et inévitable qui amène la nullité politique et idéologique de la période 1990-2010.

Durant cette période, l'extrême-gauche a abandonné tout principe et tout concept, troquant l'affirmation du socialisme en une critique « anti-capitaliste » et une dénonciation du « néo-libéralisme. »

Le Parti Socialiste est devenu un parti gestionnaire de cadres de l'appareil d'Etat, épaulé par un Parti Communiste ayant largué toute prétention à renverser les valeurs dominantes.

Ce n'est pas tout : le succès politique du Parti Socialiste, fondé notamment sur la démagogie vis-à-vis du peuple et la protection de la petite-bourgeoisie, la direction technocratique de l’État au service d'une fraction de la bourgeoisie impérialiste, a forcé la bourgeoisie industrielle à composer avec la bourgeoisie financière comme fractions organisées du capital.

Cela donné l'union UDF-RPR, qui est la reconnaissance d'une réalité de fait : en France, la bourgeoisie industrielle s'est toujours protégée de la pénétration du capital financier, c'est le « capitalisme familial » (sur les 250 plus grandes entreprises 57 % sont des entreprises patrimoniales ou familiales).

En France, en 2012, ce sont 500 familles qui constituent le noyau dur du capitalisme ; ce sont les Schlumberger-Seydoux, les Petzl, les Arnault, les Dassault, les Michelin, les Bonduelle, les de Wendel, les Bolloré, les Pinault, les Ricard, les Taittinger, les Rothschild, les Mulliez, les Peugeot, les Decaux, les Mérieux, les Bouygues, les Lagardère, les Gallimard, etc.

Dans cette réalité, les variantes PS – UDF – RPR ne présentent pas de grandes différences de fond durant la période 1990-2010. Jacques Chirac a succédé à François Mitterrand, sans encombres, et dans une continuité modernisatrice.

Lionel Jospin, premier ministre de 1997 à 2002, a été celui qui a entrepris toute une série de privatisations ou d'ouverture aux capitaux privés pour répondre aux attentes et obligations dues à la « construction européenne » : France Telecom, Thomson Multimédia, le GAN, le CIC, les AGF, Société Marseillaise de Crédit, RMC, Air France, Crédit Lyonnais, Eramet, Aérospatial-Matra, EADS Banque Hervet.

La réalisation des 35 heures est également un cadeau aux grands groupes, qui peuvent réorganiser leur production avec une grande souplesse.

Le seul déséquilibre fondamental s'est produit avec la tentative du premier ministre Edouard Balladur, qui a transformé Matignon en « succursale » du patronat, c'est-à-dire de la bourgeoisie industrielle, de supplanter Jacques Chirac.

L'échec d'Edouard Balladur pavera la voie à Nicolas Sarkozy, qui parviendra à mettre le gaullisme de côté, unifiant UDF et RPR dans l'Union pour le Mouvement Populaire (UMP), bien entendu de manière éphémère, de par les contradictions entre bourgeoisie industrielle et bourgeoisie financière, qui se cristallisent aujourd'hui dans les figures de Jean-François Copé et François Fillon.

Après les échecs de Charles De Gaulle en 1958, de Valéry Giscard d'Estaing en 1981, puis de la social-démocratie au début des années 1980, l'échec de Nicolas Sarkozy est celui des illusions bourgeoises à pérenniser enfin « le » système adéquat.

Nicolas Sarkozy n'était de fait pas du tout l'homme du grand capital. Il était l'homme de la bourgeoisie industrielle, pourfendeur des « prédateurs » du capitalisme financier et combattant contre les hausses des prix de la grande distribution et les banques.

L'apogée de Nicolas Sarkozy était celle de la dernière grande période de stabilité du capitalisme, alors que la société française considérait encore que rien ne pouvait changer et que rien ne changerait. La grande désillusion de la droite au moment du succès de François Hollande à la présidentielle de 2012 tient justement à la compréhension que la domination statique du régime ne pouvait pas durer, ce que les masses pressentaient déjà.

Nicolas Sarkozy était l'homme de ce capitalisme « pur » et bien évidemment fictif. Nicolas Sarkozy, c'est le capitalisme industriel qui fait face au triomphe du grand capital ; François Hollande, c'est l'illusionniste qui épuise les dernières sources d'illusion, pavant la voir à la démagogie nationaliste du grand capital, du fascisme !

La chute de Nicolas Sarkozy allait inévitablement de pair avec l'implosion de l'UMP et la réapparition des deux courants qui existaient dans le RPR et l'UDF, avec la transformation culturelle-idéologique de la bourgeoisie elle-même, avec le renforcement et l'affirmation du fascisme, comme alternative « nationale » et « sociale. »

Ce processus n'est que la stricte confirmation des thèses du matérialisme dialectique. Comme Lénine le constatait au sujet de la phase supérieure de l'accumulation capitaliste :

« Traduit en clair, cela veut dire que le développement du capitalisme en est arrivé à un point où la production marchande, bien que continuant de "régner" et d'être considérée comme la base de toute l'économie, se trouve en fait ébranlée, et où le gros des bénéfices va aux "génies" des machinations financières.

A la base de ces machinations et de ces tripotages, il y a la socialisation de la production; mais l'immense progrès de l'humanité, qui s'est haussée jusqu'à cette socialisation, profite... aux spéculateurs. »
(Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme).

« Au fur et à mesure que les banques se développent et se concentrent dans un petit nombre d'établissements, elles cessent d'être de modestes intermédiaires pour devenir de tout-puissants monopoles disposant de la presque totalité du capital-argent de l'ensemble des capitalistes et des petits patrons, ainsi que de la plupart des moyens de production et des sources de matières premières d'un pays donné, ou de toute une série de pays »
(Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme).

Et Lénine d'ajouter tout de suite après :

« "sur cette base", la critique petite-bourgeoise réactionnaire de l'impérialisme capitaliste rêve d'un retour en arrière, vers la concurrence "libre", "pacifique", "honnête". »

« Ce qui caractérisait l'ancien capitalisme, où régnait la libre concurrence, c'était l'exportation des marchandises. Ce qui caractérise le capitalisme actuel, où règnent les monopoles, c'est l'exportation des capitaux »

« Concentration de la production avec, comme conséquence, les monopoles; fusion ou interpénétration des banques et de l'industrie, voilà l'histoire de la formation du capital financier et le contenu de cette notion. »
(Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme)

La fin de la période 1990-2012 est celle du début de la formation du capitalisme monopoliste organisé au niveau étatique lui-même – l'antichambre du socialisme, par la révolution prolétarienne victorieuse par la Guerre Populaire !

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