1 juil 2012

Minitel : la fin d'un produit techno-industriel français

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Hier, Samedi 30 Juin 2012, le service du Minitel a été définitivement fermé par Orange/France Telecom. Cette annonce, qui peut paraître hallucinante tant le Minitel est dépassé technologiquement depuis longtemps, signe la fin d'une époque : celle de la France « conquérante » des années 1970.

Le Minitel était un service de télécommunications électroniques développé à la fin des années 1970. En 1978, suite à un rapport préconisant l'informatisation de la société fait par deux intellectuels organiques de l'Etat français (Alain Minc et Simon Nora), le gouvernement décide le lancement d'un réseau de transmission de données informatiques accessibles via des terminaux.

La réalisation du réseau et des terminaux a été confiée à un conglomérat de trusts militaro-industriels français et hollandais tous liés les uns aux autres : Alcatel, Matra et Phillips.

Le service a été lancé en expérimentation en 1980 puis massivement en 1982 par les PTT (qui deviendront ensuite La Poste et France Telecom). Il a été très vite populaire de par les services qu'il offrait. Cela a été le premier succès mondial d'un réseau de communications électroniques et a fait de la France le pays le plus avancé dans ce domaine et le plus équipé du monde jusqu'à l'arrivée d'Internet. Ainsi en 2000, il y avait 25 millions d'utilisateurs du Minitel pour une population de 55 millions d'habitants.

Le Minitel était un système totalement centralisé et organisé autour des besoins des capitalistes et de l'Etat français. Les services proposés sur le réseau du Minitel – un peu l'équivalent des sites internet d'aujourd'hui- étaient contrôlés directement par l'Etat. Les terminaux ne fonctionnaient d'ailleurs qu'en réception et ne pouvaient servir à autre chose (contrairement aux ordinateurs). 

On y trouvait grosso modo trois types de services : l'annuaire téléphonique (36 11), des sites de ventes en ligne et des sites de rencontres et de messageries « roses ».

C'est le service d'annuaire qui a été le premier moteur du développement du Minitel. Le retard entre les premières expérimentations de 1980 et le lancement définitif du Minitel en 1982 s'expliquent d'ailleurs par le lobbying des trusts de la presse régionale contre la mise en place de ce service qui leur faisait concurrence.

Le développement du Minitel a été complètement porté par l'Etat français pour dynamiser l'économie. Les terminaux étaient prêtés directement par les PTT (puis France Telecom) aux abonnés téléphoniques. Et c'est l'Etat qui a assumé les coûts de construction du réseau. Ce développement du Minitel visait aussi à un certain rayonnement international. En effet, cela permettait à l'impérialisme français de se présenter comme le plus moderne et le plus innovant.

C'est là quelque chose de typique de la stratégie industrielle de l'époque de Georges Pompidou puis surtout de Valéry Giscard d'Estaing. Le premier misait sur le développement technologique pour relancer l'impérialisme français en perte de vitesse, le second essentiellement comme moyen au service des intérêts de la bourgeoisie industrielle.

C'est pour cette raison que le modèle du Minitel était complètement centralisé. Son objectif étaient d'être au service des institutions de l'Etat d'une part et des gros commerçants d'autres parts. Il a aussi permis d'enrichir considérablement France Telecom puisqu'il facturait chaque minutes de communication soit aux clients, soit au fournisseur de service. Les services commerciaux et de messagerie du Minitel -les célèbres 3615- étaient d'ailleurs chers : ils coûtaient l'équivalent de 9,15 euros l'heure (1/3 allant à France Telecom et 2/3 au fournisseurs du service).

Bien qu'ayant au départ ralenti le développement d'Internet en France, relativement aux autres pays impérialistes, le Minitel a posé l'infrastructure de base des systèmes de communications électroniques, a structuré l'économie française autour d'elles et éduqué les masses françaises à leur utilisation. C'est ce qui explique le développement très rapide en suite d'Internet en France et le long monopole d'Orange sur les voies de télécommunications durant la première partie des années 2000.

Il est aussi notable que Xavier Niel, le patron du fournisseur d'accès Free, a d'abord fait fortune grâce aux services de messageries roses sur le Minitel.

Hier donc, Orange a définitivement tourné la page du Minitel qui n'était plus qu'une survivance des années 1980/1990 – même si encore 2 millions de personnes l'utilisait. Il aura tout de même participé à faire d'Orange/France Telecom un des plus gros trusts impérialistes des télécommunications.

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