29 aoû 2014

Proudhon et le « socialisme français » - 7e partie : un idéal de producteurs et de consommateurs directs

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Comment Pierre-Joseph Proudhon argumente-il en faveur de son romantisme économique ? Dans Misère de la philosophie, Karl Marx constate, au départ, l'une des incroyables prétentions de Proudhon, qui, par ailleurs, a toujours été porteur d'une grande mégalomanie. En l'occurrence, Pierre-Joseph Proudhon prétend avoir « découvert » le premier l'opposition entre la valeur d'usage d'une chose, son utilité en quelque sorte, et sa valeur d'échange, c'est-à-dire sa valeur en tant que marchandise.

Or, Karl Marx note que David Ricardo l'a déjà dit, et il dit notamment à ce sujet :

« Ricardo est le chef de toute une école, qui règne en Angleterre depuis la Restauration. La doctrine ricardienne résume rigoureusement, impitoyablement toute la bourgeoisie anglaise, qui est elle-même le type de la bourgeoisie moderne.

“ Qu'en dira la postérité ? ” [se demandait Proudhon, prétendant avoir découvert ce que personne n'avait vu.] Elle ne dira pas que M. Proudhon n'a point connu Ricardo, car il en parle, il en parle longuement, il y revient toujours et finit par dire que c'est du “ fatras ”.

Si jamais la postérité s'en mêle, elle dira peut-être que M. Proudhon, craignant de choquer l'anglophobie de ses lecteurs, a mieux aimé se faire l'éditeur responsable des idées de Ricardo.

Quoi qu'il en soit, elle trouvera fort naïf que M. Proudhon donne comme “ théorie révolutionnaire de l'avenir ”, ce que Ricardo a scientifiquement exposé comme la théorie de la société actuelle, de la société bourgeoise, et qu'il prenne ainsi pour la solution de l'antinomie entre l'utilité et la valeur en échange ce que Ricardo et son école ont longtemps avant lui présenté comme la formule scientifique d'un seul côté de l'antinomie, de la valeur en échange. »

Ce point, Karl Marx y reviendra longuement au début du Capital. Il y traite aussi bien sûr de la question du salaire et de la valeur du travail. Or, ici Pierre-Joseph Proudhon a un point de vue éminemment petit-bourgeois. A ses yeux, une heure de travail vaut une heure de travail, et il suffirait pour établir l'égalité de s'appuyer, en quelque sorte, sur une comptabilité de ces heures.

Pierre-Joseph Proudhon voit donc tous les travailleurs comme des équivalents, quels que soient leurs emplois, et imagine que leurs salaires reflètent vraiment leur activité. C'est-à-dire qu'il n'a pas compris le principe de l'exploitation, ni d'ailleurs ce qu'est le capital.

Il ne comprend pas que le capital se fonde, pour évaluer la valeur d'un produit, sur là où il est produit le moins cher, en raison du principe de concurrence, il ne distingue aucune étape dans la production, il assimile les ouvriers aux autres travailleurs, etc.

Karl Marx note ainsi que :

« Adam Smith prend pour mesure de la valeur tantôt le temps du travail nécessaire à la production d'une marchandise, tantôt la valeur du travail. Ricardo a dévoilé cette erreur en faisant clairement voir la disparité de ces deux manières de mesurer. M. Proudhon renchérit sur l'erreur d'Adam Smith en identifiant les deux choses, dont l'autre n'avait fait qu'une juxtaposition.

C'est pour trouver la juste proportion dans laquelle les ouvriers doivent participer aux produits, ou, en d'autres termes, pour déterminer la valeur relative du travail, que M. Proudhon cherche une mesure de la valeur relative des marchandises.

Pour déterminer la mesure de la valeur relative des marchandises, il n'imagine rien de mieux que de donner pour équivalent d'une certaine quantité de travail la somme des produits qu'elle a créés, ce qui revient à supposer que toute la société ne consiste qu'en travailleurs immédiats, recevant pour salaire leur propre produit.

En second lieu, il pose en fait l'équivalence des journées des divers travailleurs.

En résumé, il cherche la mesure de la valeur relative des marchandises, pour trouver la rétribution égale des travailleurs et il prend une donnée déjà toute trouvée, l'égalité des salaires, pour s'en aller chercher la valeur relative des marchandises (…).

Tous les raisonnements de M. Proudhon se bornent à ceci : on n'achète pas le travail comme objet immédiat de consommation. Non, on l'achète comme instrument de production, comme on achèterait une machine. En tant que marchandise, le travail vaut et ne produit pas. M. Proudhon aurait pu dire tout aussi bien qu'il n'existe pas de marchandise du tout, puisque toute marchandise n'est acquise que dans un but d'utilité quelconque et jamais comme marchandise elle-même. »

Pierre-Joseph Proudhon idéalise la société capitaliste, qu'il espère sans marchandises, simplement composé de producteurs directs et de consommateurs directs, sans « intermédiaires », sans complexité en quelque sorte.

Il n'est pas difficile de voir le succès gigantesque de cette conception, par exemple avec le courant de la décroissance.

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