12 mai 2013

Les philosophes grecs de l'Antiquité : 1re partie : Anaxagore

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Anaxagore, grande figure de la dialectique

 

Détail de L'Ecole d'Athènes de Raphaël dépeignant Anaxagore

Les Hellènes parlent mal quand ils disent : naître et mourir. Car rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau. Pour parler juste, il faudrait donc appeler le commencement des choses une composition et leur fin une désagrégation.

Telle est la thèse d’Anaxagore (500 – 428 av. J.-C.), de Clazomènes, une cité grecque située en Ionie (qui correspond à une région de l'ouest de l'actuelle Turquie). Cette citation montre qu'Anaxagore est un grand précurseur de la dialectique en tant que science MLM. Et le PCMLM pense que cet auteur doit être connu, et plus encore : étudié.

Anaxagore était issu d’une riche famille mais avait délaissé ses biens ; parmi ses disciples on trouve tant le matérialiste Démocrite (qui a formulé la théorie atomique) que le plus grand politicien athénien, Périclès.

Anaxagore dut s’exiler d’Athènes pour avoir considéré que le Soleil était une « masse incandescente ». De plus, alors qu’il allait mourir, il a nié le besoin d’être enterré dans « sa » patrie car, disait-il, « on peut de partout rejoindre les Enfers. »

De fait, Anaxagore a compris la dialectique et donc l’unité relative des contraires. Mais pas seulement. Il a saisi que le monde était matériel et que, partant de là, tout était nécessairement relié à tout.

Nous sommes en effet de la matière, et rien de ce qui est matière ne nous est chimiquement étranger : c’est ce que soulignait le russe Vladimir Vernadsky (1863 – 1945), fondateur de la géochimie moderne qui a synthétisé le principe de Biosphère.

Anaxagore dit ainsi : « Les choses se trouvant dans notre monde unique ne sont pas isolées les unes des autres, ni tranchées comme à la hache, ni le chaud à partir du froid, ni le froid à partir du chaud. »

D’où sa thèse, attribuée le plus souvent au français Antoine Laurent de Lavoisier qui n’a fait que la reprendre :  « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau. »

Et ce n’est pas tout. Anaxagore souligne le fait que les unités dialectiques ne relèvent pas du hasard. De quoi relève-t-elle alors ? De ce que nous appelons la vie. Anaxagore l’appelle le Noûs, ce qui en grec signifie « l’intellect ».

Là où Lénine dit : « La vie l’emporte », Anaxagore parle d’intellect. La matière dans sa transformation éternelle, tel est le mouvement de la vie :

Lorsque le Nous commença à mouvoir les choses, il y eut une séparation dans tout ce qui se trouvait en mouvement ; et dans la mesure où le Nous le mit en mouvement, tout fut séparé. La révolution de ces choses en mouvement et séparées accentua encore leur séparation.

Si l’on prend la matière, alors il est vrai de dire que « toutes les choses étaient ensemble » et que c’est le mouvement dialectique qui fait que ces choses s’altèrent, et qu’il y a réorganisation chimique.

Là où l’on voit que ce dont parle Anaxagore consiste bien en la dialectique, c’est lorsqu'on étudie la façon dont en parle Platon.

Si nous disposons quasiment plus aujourd'hui de document d’Anaxagore, Platon, lui, connaissait sa pensée et ses oeuvres. Et, qui plus est, il n’était pas d’accord avec lui.

Et que dit Platon ? Voyons comment ce qu’il dit de la pensée d'Anaxagore correspond au principe de la dialectique :

Le juste est ce que prétend Anaxagore : c’est l’Intellect. Il est en effet, selon les expressions de ce philosophe, un maître absolu, qui, sans se mêler à rien, met toutes les choses en ordre, en cheminant à travers toutes. (Cratyle)

De l’Intellect, Aristote dit pareillement que pour Anaxagore « il est en fait le principe du mouvement. » (Physique)

Et il lui reproche sa vision de l’Intellect, c’est-à-dire de la vie au sens large (et non pas justement au sens étroit, strictement humain) :

Anaxagore est moins explicite sur un point. La plupart du temps, il dit que l’Intellect est la cause de ce qui est beau et correct ; mais ailleurs il dit qu’il est l’âme, puisque, selon lui, l’Intellect appartient à tous les animaux, grands et petits, nobles et vils.

Or il ne paraît pas que l’Intellect, pris au sens de faculté raisonnable, appartienne de la même façon à tous les animaux, ni même à tous les hommes. (Traité de l’âme)

Comme on le voit ici Aristote ne comprend pas le principe de vie se réalisant dans la biosphère, et en reste à la conception hiérarchique de la société esclavagiste grecque (les humains dominent les animaux, et chez les humains les maîtres « guident » les esclaves).

Tableau de Jusepe de Ribera représentant Anaxagore (1636)Il est intéressant de voir qu’Aétius (395-454 après JC) explique justement la conception d’Anaxagore de manière précise, conception qu’il est possible de faire nôtre :

Anaxagore disait que tous les animaux possèdent la raison active, mais que tous n’ont pas la raison passive, qu’il appelle interprète de l’Intellect. (Opinions)

Tous les animaux pensent effectivement, mais seuls les humains ont une compréhension globale de la biosphère. Et pourquoi ? En raison des mains, qui permettent le travail.

Anaxagore explique d’ailleurs que « l’homme est le plus raisonnable des animaux parce qu’il a des mains. » (cité par Aristote, Parties des animaux)

Et il est intéressant de voir ce que dit Anaxagore dans le rapport aux animaux :

Par expérience, mémoire, ruse et artifice, nous nous servons d’elles [les bêtes] : nous châtrons [les gaufres des abeilles], nous tirons [les pis des femelles] ; bref nous les pillons et les saccageons quand nous les prenons. (cité par Plutarque, De la fortune)

Piller et saccager : voilà qui est bien dit, voilà qui montre bien le nouvel horizon que l’on perçoit lorsqu’on saisit la dialectique et la réalité matérielle en tant que biosphère.

Anaxagore avait compris le mouvement dialectique, et le mouvement dialectique consistant en la vie, il l’appelait l’Intellect. C’est un grand précurseur de la science MLM !