12 mai 2013

Les philosophes grecs de l'Antiquité - 3e partie : Leucippe et Démocrite

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Leucippe et Démocrite, grandes figures du matérialisme

Peter Paul Rubens (1603) DémocriteLeucippe et Démocrite disent que les sensations et les intellections sont des altérations du corps…

À côté d’Anaxagore et d’Héraclite, Leucippe et Démocrite sont les deux autres grandes figures du matérialisme de l’époque de la Grèce antique.

Anaxagore et Héraclite, de la tradition grecque ionienne, ne sont pas étudiés dans la société bourgeoise française en raison de leur compréhension de la dialectique. Leucippe et Démocrite, liés à la tradition grecque éléatique (du nom de l'école de philosophie d'Élée, dans le sud de l'actuelle Italie), ne sont pas étudiés en raison de leur matérialisme, qui inévitablement se rattache à la dialectique.

Il y a donc tout intérêt pour nous, en tant qu’avant-garde reconnaissant un caractère central au matérialisme dialectique, de s’intéresser également à Leucippe et Démocrite.

Et cela d’autant plus que Leucippe et Démocrite vont amener les pensées d’Épicure et Lucrèce, puis de Spinoza et Hegel, c’est-à-dire les principaux précurseurs de Marx et Engels.

Leucippe (460 – 370 avant notre ère) est le premier penseur à avoir théorisé le principe atomique. Alexandre d’Aphrodise dit au sujet de Leucippe et Démocrite : « Ils disent en effet que le mouvement des atomes provient de leurs chocs et de leurs heurts mutuels. » (Commentaire sur la Métaphysique d’Aristote)

Aristote explique ainsi leur point de vue : « Démocrite et Leucippe disent que les autres choses sont constituées à partir de corps indivisibles, illimités quant au nombre et aux formes, et que les choses diffèrent mutuellement par les éléments dont elles sont formées, ainsi que par leur position et leur ordre. » (De la génération et de la corruption)

Aristote constate également que pour Leucippe et Démocrite, « toutes choses sont engendrées par leur entrelacement et leur rebondissement en tous sens. Car, d’une certaine façon, ces philosophes font de toutes les choses des nombres, et des composés à partir des nombres. » (Traité du ciel)

Hendrick ter Brugghen (1628) DémocriteÀ cela s’ajoute le fait que « Leucippe et Démocrite soutiennent que les mondes, en nombre illimité et résidant dans le vide illimité, sont formés à partir d’un nombre illimité d’atomes. » (cité par Simplicius, Commentaire sur le Traité du ciel)

Comme on le voit ici très clairement, la théorie de l’espace et des atomes s’entrechoquant, formant la matière éternelle en transformation ininterrompue, est déjà présente plus de 500 ans avant notre ère.

Leucippe et Démocrite, par la force de l’analyse matérialiste, ont pu mener à bien des spéculations théoriques d’une valeur inestimable ; ils sont des penseurs qui doivent impérativement être célébrés par l’humanité, et a fortiori par le PCMLM, qui défend l’intelligence et la culture, face à la barbarie et la décadence.

Et quand on parle de spéculations théoriques, pensons bien qu’il s’agit d’une théorie reposant sur la pratique de l’intelligence matérialiste. Lisons ici ce que Démocrite pense de la vue :

Démocrite pense en effet que voir consiste à recevoir l’impression visuelle en provenance des objets vus : l’impression visuelle est la forme réfléchie sur la pupille, tout comme sur les autres corps translucides, pour autant qu’ils soient tels que l’impression puisse se conserver en eux.

Lui-même pense – et avant lui Leucippe, et plus tard les disciples d’Épicure – qu’une onde formée de certains simulacres de forme semblable aux objets qui émettent cette onde (ces objets sont les objets visibles) vient frapper les yeux de ceux qui voient, et qu’ainsi se produit le voir. (Alexandre d’Aphrodise, Commentaire sur le Traité du sens d’Aristote)

C’est une excellente démonstration du fait que la théorie est, elle aussi, une pratique ; la pratique théorique n’a pas la dignité du réel ni ne change le réel, mais elle est une forme de pratique absolument nécessaire, à la base de la science.

Leucippe et Démocrite étaient des matérialistes et en tant que tels, ils comprenaient le primat de la pratique. Cela ressort clairement de leurs conceptions :

Leucippe et Démocrite disent que les sensations et les intellections sont des altérations du corps… (Aétius, Opinions).

Johan Moreelse (1630) democrite« [Leucippe] disait également que l’univers est « divisible à l’infini » et que toutes choses existent selon l’imagination et l’opinion, et pas du tout selon la vérité, mais au contraire apparaissent à la façon dont on voit la rame « brisée » dans l’eau. » (Saint Épiphane, Contre les hérésies)

« Lorsque, dit [Démocrite], les Anciens virent les évènements dont le ciel est le théâtre, comme le tonnerre, les éclairs, la foudre, les conjonctions d’astres ou les éclipses de Soleil et de Lune, leur terreur leur fit penser que des dieux en étaient les auteurs. » (Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens)

Comme on le voit, Leucippe et Démocrite sont de fantastiques précurseurs de Karl Marx et Friedrich Engels, et tout comme eux, ils pensent inévitablement que l’univers est un système et que rien n’existe par hasard. Cette compréhension de la nécessité est un point essentiel de la dialectique. Et c’est une conception particulièrement inacceptable par la bourgeoisie.

« Leucippe pense que toutes choses se produisent selon la nécessité et que celle-ci est le destin. Il dit en effet dans De l’Intellect : « Nulle chose ne se produit fortuitement, mais toutes choses procèdent de la raison et de la nécessité. » » (Aétius, Opinions)

Et bien entendu, ce monde est éternel, il n’est pas dominé par les dieux. Baruch Spinoza ne dira par la suite pas autre chose.

« [Démocrite] croit que ce qu’il appelle atomes, c’est-à-dire corps indivisibles en raison de leur solidité, se meut dans le vide infini qui n’a ni haut, ni bas, ni milieu, ni extrémité, ni limite, de telle sorte qu’ils s’accolent au cours de leurs rencontres, pour former tout ce que nous voyons exister : il faut comprendre que ce mouvement des atomes n’a pas eu de commencement et est éternel. » (Cicéron, Des fins)

Il n’est pas étonnant que Platon ait voulu mettre le feu à toutes les œuvres de Démocrite, dont il ne reste actuellement pratiquement rien. Démocrite était alors considéré comme le grand philosophe. Ce n’est pas pour rien que la bourgeoisie met aujourd’hui en avant Socrate et Platon, deux idéalistes.

Pour nous communistes, pour le PCMLM, il y a par contre lieu d’affirmer notre patrimoine historique, pour la pensée et l’intelligence !